Allo Darmstadt, on a un problème ! La sonde BepiColombo a une baisse de régime sur sa route pour Mercure

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
16 mai 2024 à 19h01
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Vue d'artiste de la mission BepiColombo et ses moteurs électriques-ioniques. © ESA/ATG
Vue d'artiste de la mission BepiColombo et ses moteurs électriques-ioniques. © ESA/ATG


Depuis son décollage en 2018, la mission européenne et japonaise BepiColombo se fraie un chemin dans le Système solaire pour freiner avant de pouvoir entrer en orbite autour de Mercure. Mais ce printemps, il y a un souci sur le module de propulsion, les moteurs électriques ne reçoivent pas assez de puissance !

La mission BepiColombo, pour voyager jusqu'à Mercure, se compose d'un assemblage un petit peu particulier, avec un orbiteur japonais (MMO) attaché à un orbiteur européen (MPO). Pour que ces deux précieux éléments puissent rejoindre la planète la plus proche du Soleil, ils sont installés devant un troisième bloc, qui ne sert que pour les 7 années de transport et le freinage final, appelé le MTM (Mercury Transfer Module). Équipé de panneaux solaires, celui-ci utilise l'énergie qu'il collecte pour alimenter ses quatre moteurs électriques ioniques à très faible poussée. Très efficaces, ces moteurs produisent en continu, durant des semaines et des mois, quelques dizaines de millinewtons de poussée.

Au fil du temps, cela permet de freiner BepiColombo avec une énorme économie de masse, même si c'est toujours insuffisant pour rejoindre Mercure. Ces freinages viennent donc en complément des assistances gravitationnelles, pour lesquelles les différentes planètes du Système solaire intérieur ralentissent la mission de plusieurs milliers de kilomètres/heure... Malheureusement, lorsque les équipes ont voulu entamer une nouvelle séquence de manœuvres sur plusieurs semaines le 26 avril 2024, un problème d'alimentation est survenu et le MTM n'a fourni que quelques fractions de la puissance nécessaire pour ses 4 moteurs, lesquels n'ont pas pu fonctionner correctement.

Un droit à l'erreur très limité

Il s'agit d'un problème important, parce que les manœuvres avec les moteurs électriques ioniques et les survols gravitationnels sont un ballet qui doit être exécuté de façon millimétrée : un rendez-vous raté et Mercure ne sera plus à la « bonne place » à l'orbite suivante, ce qui va impliquer d'autres besoins avec les moteurs, etc. BepiColombo a déjà survolé Mercure trois fois, il en reste deux en septembre et décembre 2024, puis un dernier survol en janvier 2025. Un délicat billard orbital que BepiColombo ne doit pas échouer, sous peine de devoir à minima repousser sa mise en orbite après décembre 2025 ou pire, de remettre en cause toute la mission six ans après son départ de Guyane.

Lors de ses survols de Mercure, les caméras de navigation sont mises à contribution pour de belles photos ! © ESA/JAXA
Lors de ses survols de Mercure, les caméras de navigation sont mises à contribution pour de belles photos ! © ESA/JAXA

Aussitôt détecté, aussitôt réparé ?

Heureusement, les nouvelles sont pour l'instant plutôt rassurantes. Moins de deux semaines après avoir découvert la panne, les équipes (qui ont immédiatement mis en place des groupes de travail pour comprendre le souci d'alimentation) ont réussi à rétablir le niveau de puissance, et donc de poussée des moteurs à 90 %. Ce qui est provisoirement suffisant pour assurer la manœuvre en vue de l'assistance gravitationnelle prévue en septembre prochain. Mais la situation est inconfortable, il convient de comprendre au maximum ce qui a pu se passer pour ne pas souffrir du même problème dans les mois à venir, tout en assurant qu'aucune autre panne ne va dégrader l'action des moteurs. L'ESA, qui a communiqué ce 15 mai sur le problème, a dégagé du « temps d'écoute » sur son réseau de grandes antennes pour plus d'échanges avec BepiColombo. Il faut souhaiter que ce ne soit qu'une alerte sérieuse : après tout ce trajet et à 18 mois du but, les 2 sondes et leurs instruments sont dans un état remarquable.

Source : esa

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (4)

Adrift
C’est fascinant !<br /> On se demande quelles sont les capacités de modification des équipes au sol !<br /> Comment peuvent-ils pallier des problèmes électriques sans être sur place ?<br /> Ont-ils des FPGA et peuvent-ils changer l’architecture en programmant ou quoi ?<br /> Merci pour l’article !
ebottlaender
Comme je ne connais pas la nature exacte du problème ni l’architecture précise de la sonde c’est difficile de répondre ^^ Mais Il y a en général des redondances et des systèmes que l’on peut allumer/couper/tester tout en veillant à ce que ça ne perturbe pas le reste pour pouvoir mesurer un maximum de paramètres. C’est un processus long mais ça permet d’isoler les pannes au maximum.<br /> Et il y a pas mal de FPGA dans le spatial mais je ne sais pas si c’est courant sur ce type de sonde
philouze
probablement des FPGA, probablement des redondances entières sur les circuits, vu le prix de ce genre de missions
xryl
Ont-ils des FPGA et peuvent-ils changer l’architecture en programmant ou quoi ?<br /> Oui, il y a des FPGA, mais ça ne change pas l’architecture hardware, seulement la logique du code numérique qui tourne. Si la panne est hardware, il peuvent éteindre, allumer, limiter le courant, la tension, mais guère plus, il n’y a pas de composants analogiques programmables (type Cypress) à ma connaissance qui soient certifiés Rad Hard.<br /> Après, comme le dit justement Eric, il y a des redondances (donc il est possible de rediriger le courant sur un autre circuit, ou rediriger le gaz via une autre valve), mais c’est limité à la redondance.<br /> En gros, si ton premier circuit a flanché, tu ne rediriges pas sur le deuxième circuit avant d’avoir compris pourquoi le premier est mort, sinon, c’est garanti que tu va crasher le seul circuit qui te reste.<br /> C’est pas pour rien que les satellites et autres missions spatiales coûtent un bras, la conception est vraiment exceptionnelle.
Adrift
xryl:<br /> il est possible de rediriger le courant sur un autre circuit<br /> C’est pas vrai! Alors, le vieil adage des séries SF du type «&nbsp;je détourne la puissance vers le circuit auxiliaire&nbsp;» a une base véridique ! Hahaha, toutes ces années, je pensais que c’était 100 % du pipeau ! Merci pour les infos super intéressantes!
philouze
ça m’étonne que ça t’étonne, même sur un avion, depuis presque un siècle, les circuits de carburant et les circuits électriques permettent de basculer tout ce qui pourvoit et fonctionne, vers ce qui consomme et fonctionne ( par exemple tout ton carburant de l’aile droite vers ton réacteur de l’aile gauche)<br /> Le coup des réservoirs basculables manuellement c’est possible même sur ULM ( pas tous )<br /> cette redondance croisée c’est la base en fait
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