Philippe GIRE, Elaia Partners : “Nous nous focalisons sur les technologies logicielles”

Jérôme Bouteiller
Publié le 20 février 2008 à 17h30
Directeur et fondateur de Elaia Partners, Philippe GIRE présente ce fonds d'investissement spécialisé dans les technologies logicielles. Il évoque sa stratégie d'investissement, revient sur ses plus récentes opérations et propose quelques pistes pour doter la France de ses propres champions du logiciel.

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Philippe GIRE
JB -Philippe GIRE, bonjour ! En quelques mots, pouvez-vous présenter votre parcours ?

PG -Bonjour. Je suis diplômé de l'école polytechnique et j'ai débuté ma carrière dans le conseil chez Andersen Consulting, devenu depuis Accenture, où j'ai mené de nombreuses missions dans la conception et le développement informatique puis dans l'outsourcing. J'y ai également dirigé une activité d'édition de logiciels, activité cédée par la suite, mais qui m'a permis de découvrir le monde du progiciel. Après un passage en 2000 chez Valeo, où j'ai eu la responsabilité d'un fonds d'investissement corporate dédié aux investissements dans le secteur automobile, j'ai créé en 2002 avec mes associés, une société indépendante : Elaia Partners, à l'intersection de mes compétences : les technologies logicielles et l'investissement.

JB -En 2001, la bulle internet venait pourtant tout juste d'éclater...

PG -Oui, c'était courageux de notre part mais la société a tout de même réussi à convaincre un grand industriel comme EDF et des investisseurs institutionnels, qui nous ont permis de lever, au total, plus de 45 millions d'euros. Nous nous attendions à traverser une période difficile et nous avions d'ailleurs choisi, comme nom de la société, Elaia qui signifie “Oliver” en grec ; c'est un arbre qui se développe dans les conditions les plus arides et dont la durée de vie peut atteindre 2000 ans.

JB -Pour poursuivre ce volet botanique, combien de “jeunes pousses” avez-vous accompagné depuis 2001 ?

PG -La société est réellement opérationnelle depuis septembre 2003 avec l'agrément de l'AMF et le premier closing du fonds. Nous comptons aujourd'hui 14 sociétés en portefeuille et nous avons engagé 80% des fonds levés et des fonds sous mandats que nous a confié notre partenaire 123venture. Pour le moment, nous avons réalisé deux sorties, avec des multiples de 2,3 et 3,8 fois l'investissement initial.

JB -Quelle est votre stratégie d'investissement ?

PG -Elle repose sur deux principes : la focalisation sur les technologies logicielles et la diversification du portefeuille. Les technologies logicielles couvrent un large éventail : progiciels d'entreprise, logiciels embarqués dans des produits industriels mais également logiciels grand public au travers de l'usage d'internet et le développement du téléphone mobile. La diversification s'effectue sur plusieurs axes : le stade de développement des entreprises financées, la géographie -nous comptons déjà deux investissements en Grande-Bretagne et un investissement en Espagne -et les modèles économiques. Beaucoup de fonds ont un partner spécialisé sur le logiciel, chez Elaia, c'est l'ensemble de l'équipe qui travaille exclusivement sur ce sujet. Notre focalisation nous rend plus pertinent dans nos choix et plus efficace dans l'accompagnement de nos participations.

JB -Cela inclut donc des sociétés comme Criteo ou GooJet, dans lesquelles vous avez récemment investies ?

PG -Oui, ces deux sociétés illustrent notre capacité à financer des sociétés très jeunes, orientées grand public, avec des modèles fondés sur la création et la monétisation d'audience par la publicité. Notre stratégie d'investissement inclut également des sociétés plus matures comme Opentrust ou NTR Global que nous accompagnons dans leur développement international et qui s'appuient sur des modèles business, comme le SaaS, adaptés à leur clientèle d'entreprises.

JB - Travaillez-vous sur une nouvelle levée de fonds ?

PG -Nous finalisons effectivement la préparation d'une seconde levée de fonds qui devrait se situer entre 80 et 100 millions d'euros. D'ici là, nous pensons également réaliser de nouveaux investissements avec le fonds actuel et probablement de nouvelles “sorties” .

JB -Les porteurs de projets se sont-ils professionnalisés ?

PG -Oui, avant l'éclatement de la bulle, beaucoup d'entrepreneurs étaient opportunistes mais aujourd'hui, nous rencontrons surtout des professionnels aguerris d'une quarantaine d'années, qui ont approfondi leur compétences dans l'industrie ou la recherche et même des entrepreneurs récidivistes comme Marc Rougier (GooJet) ou jean-baptiste-rudelle (Criteo) qui ont déjà développé avec succès une première entreprise..

JB -Le financement de l'innovation vous semble t-il également satisfaisant ?

PG -Beaucoup d'aménagements ont été faits avec par exemple le statut de la jeune entreprise innovante, le soutien d'organismes comme Oseo Anvar ou le dispositif de crédit impôt recherche. La création d'entreprise s'est donc grandement améliorée même je regrette que les jeunes entreprises aient encore autant de difficultés à vendre leurs solutions aux grands comptes français. Je ne sais pas si c'est le small business act qui en est la cause ou simplement un esprit plus entrepreneurial mais cette relation entre l'administration ou les grandes entreprises américaines et les PME innovantes est nettement plus efficace aux Etats-Unis, ce qui permet à leurs jeunes pousses de très rapidement croître sur le marché national.

JB -Que manque t-il à la France pour avoir enfin un champion du logiciel ?

PG - La France est parfaitement capable de créer des champions et le fait régulièrement mais, victimes de leurs succès, ces champions sont acquis par de grands acteurs internationaux avant d'avoir atteint une taille importante. C'est un peu comme dans le football, la France génère de très bons joueurs mais ils sont achetés par des clubs étrangers.

La question est donc de garder nos bons joueurs. Pour cela, il faudrait que le gouvernement considère comme une priorité majeure le développement du numérique et de l'économie de l'immatériel et que nos jeunes pousses puissent s'appuyer sur un marché domestique fort et ainsi rapidement partir à la conquête de marchés extérieurs.

Nous avons réussi à créer des champions dans les services informatiques avec d'excellentes sociétés comme , ou . Les technologies logicielles se diffusent dans tous les secteurs de l économie et les nouveaux modèles business, comme le SaaS, permettent à de nouvelles sociétés de bousculer les positions acquises, c'est le moment pour la France et pour l'Europe de se jeter sérieusement dans la bataille.

JB -Philippe GIRE, je vous remercie.
Jérôme Bouteiller
Par Jérôme Bouteiller

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