Une recherche plus simple... et plus lucrative ?
Un moteur que les moins de vingt ans ne peuvent pas ne pas connaître ? En 1998, le Web n'a pas encore envahi la vie de tous les jours, et les internautes d'alors utilisent pour leurs recherches un moteur baptisé Altavista. Sur les bancs de Stanford, deux jeunes ingénieurs talentueux planchent depuis déjà plusieurs mois à la mise au point d'un algorithme qui serait capable d'analyser les relations qu'entretiennent différentes pages Web entre elles, de façon à déterminer laquelle de ces pages est la mieux à même de répondre à une requête donnée.
A l'aube des années 2000, alors que les internautes plébiscitent déjà les pages épurées et les résultats pertinents retournés par le moteur de recherche Google, la firme commence à engranger des revenus, en reprenant à son compte le concept des liens sponsorisés. Développé courant 1997 par la firme Goto, depuis devenue Overture et rachetée par Yahoo, le lien sponsorisé part du principe qu'une publicité a bien plus de chances de toucher sa cible si elle est en rapport avec les contenus qu'elle accompagne. D'une efficacité redoutable, le lien sponsorisé habille avec succès les pages de résultat de Google, qui décide de l'ouvrir à tous les éditeurs de sites Web de la planète, via le programme AdSense, mais aussi à tous les annonceurs via son corollaire, AdWords. Un calcul ô combien judicieux, puisque Google est de fait devenu l'une des premières régies publicitaires au monde...
La machine trouve son rythme de croisière, et traverse sans coup férir la « bulle Internet ». Alors que d'autres comptent leurs morts, et tentent de se remettre en selle, Google avance : rachat de Blogger (plateforme de blogs), lancement de Froogle (comparateur de prix) ou de la messagerie électronique Gmail, ouverture de filiales à l'international et développement des services de recherche connexes tels que Google News.
Le 19 août 2004, Google change de braquet, et rentre dans la cour des grands à l'occasion d'une des introductions en bourse les plus médiatisées - et les plus soigneusement préparées - de l'histoire. Proposé à 85 dollars, le titre Google s'échange à près de 100 dollars dans la minute qui suit l'ouverture des transactions, au cours d'une journée pourtant morose pour les valeurs américaines. Fin 2007, Google flirte avec des sommets sur lesquels jamais personne n'aurait misé, avec une action à plus de 700 dollars. Sur les douze derniers mois, Google a généré près de 20 milliards de dollars de chiffre d'affaires, avec un bénéfice net de 4,85 milliards. Ses fondateurs pèsent quant à eux quelque 18,5 milliards de dollars chacun. Dans l'univers informatique, seuls IBM, Microsoft et Apple sont aujourd'hui mieux cotés que Google.
Google fascine... et inquiète
« Ne sois pas mauvais », clamaient Brin et Page. L'implacable machine Google soulève pourtant de nombreuses questions. Utilisé par 80% des internautes américains (85% et plus en France), le moteur se révèle un formidable outil d'analyse statistique : il enregistre en effet au kilomètre le pouls du Web mondial. Bien que le respect de la vie privée soit parfaitement garanti selon Google, d'autres s'inquiètent que le contenu de leur boite de réception Gmail puisse être automatiquement parcouru afin que leur soient proposées des publicités contextuelles et ciblées. « Ne mets pas tous tes oeufs dans le même panier », dit le proverbe... En parallèle, Google n'hésite pas à se plier à la censure du Web en Chine, en rétorquant qu'il vaut mieux fournir un moteur tronqué que pas de moteur du tout.
Numéro un sur le online en termes de recherche comme de publicité, Google ne cesse d'explorer de nouveaux secteurs. Alors que son service de vidéo, Google Video, peine à décoller, la firme n'hésite ainsi pas à poser 1,6 milliard de dollars sur la table pour s'offrir YouTube, qui pourtant ne génère pas les revenus nécessaires au financement de ses pantagruéliques besoins en bande passante, et fait face à de nombreux déboires judiciaires. En parallèle, les Google Ads essaiment du Web vers le papier, ou la radio. Les ambitions de Google paraissent alors sans limite : deviendra-t-il FAI, opérateur mobile, ou instigateur de la reprise de la conquête spatiale puisqu'il collabore avec la NASA ?
Organiser l'information mondiale
De façon plus discrète, Google préparerait-il l'avènement d'un nouvel ordre informatique, dont le navigateur Chrome serait l'un des prémisses ? Fort d'un parc informatique estimé à plus de 500.000 serveurs, Google dispose des moyens lui permettant de faire de la notion de Software as a Service (Saas) une réalité aussi bien pour les entreprises (Google Apps) que pour les particuliers.
Dans cette vision des choses, on fournira à l'internaute un logiciel très simple, lui permettant d'accéder très simplement à un cortège de services en ligne. Celui-ci dispose alors de fonctionnalités équivalentes à celles d'un logiciel traditionnel, sans avoir à s'acquitter d'onéreux coûts de licence ou à s'encombrer de fastidieux processus d'installation et de mise à jour. Pourquoi acheter une licence Office, ou même télécharger une suite bureautique libre et gratuite, alors que Google Docs est susceptible de répondre à mes besoins ? Microsoft ne s'y est d'ailleurs pas trompé : l'éditeur adresse désormais aux entreprises une stratégie similaire, présentée sous l'appellation « Software + Services ».
Le lancement de Chrome est à n'en pas douter la concrétisation de ces nouvelles ambitions : le principal argument avancé par Google pour en assurer la promotion est la rapidité de son moteur JavaScript. C'est justement sur le langage JavaScript que repose la majeure partie des services dits « Web 2.0 »... Enfin, difficile d'oublier le secteur, promis à un avenir florissant, de la mobilité, sur lequel Google prépare son entrée avec le système d'exploitation Android ! Ne lui manquerait plus finalement qu'un OS destiné au poste informatique... Serait-ce la prochaine étape ?