A moins d'avoir passé les 6 derniers mois en hibernation, il est difficile d'avoir échappé au décès de Michael Jackson. Et ça n'a surtout pas échappé à Sony Music qui a vu les ventes des albums du King of Pop exploser, à croire qu'il faut mourir pour vendre des disques de nos jours (Alain B, si tu nous entends...). Dans une industrie en crise, « Michael Jackson » est devenu un sésame : albums, coffrets, posters et DVD se vendent comme des petits pains. Néanmoins, il manquait encore la cerise sur le gâteau : l'album posthume, inédit à l'appui. Revendre des millions de Thriller, Bad et autres Dangerous est une chose, mais le fan veut de l'inédit, de la rareté. Heureusement, Michael Jackson, comme tous les artistes disparus brutalement, avait des inédits dans ses cartons, et le nom de sa tournée avortée, This Is It, était également le titre d'une chanson jamais publiée jusqu'ici, qui sort aujourd'hui sur une compilation hommage du même nom, en prélude du film, également éponyme.
Evidemment, les fans « hardcore » vont se jeter sur ce double CD pour compléter leur collection, même si la majorité des titres inclus ne sont qu'un énième best of (certes, ils ne sont plus à cela près, ça ne fera que le 4e qu'ils achètent en 15 ans). Mais quid du fan occasionnel qui veut simplement acheter la chanson This Is It ? Logiquement, il va se diriger vers iTunes, VirginMega ou Fnac.com et acheter le titre au prix de 0,99 ou 1,29 euros... A ceci près que la logique des majors n'est pas souvent la nôtre, et que celle de Sony Music est plutôt la suivante : au lieu d'acheter un titre, pourquoi n'acheterait-il pas un album entier de chansons qu'il possède déjà pour pouvoir bénéficier de cet inédit ? C'est pourquoi This Is It, la chanson, n'est disponible que sous la forme de bonus pour l'achat de la compilation This Is It. Il est absolument impossible de l'acheter séparément.
"Faut pas nous prendre pour des vaches à lait !"
« Que nenni », répond le fan ! « J'ai déjà tous ces titres en quadruple exemplaire, seule la chanson inédite m'intéresse ! ». OK, rétorque Sony, qui fait amende honorable. Car les majors, on l'oublie souvent, ce sont avant tout des êtres humains mus par l'amour de la musique. C'est pourquoi le fan a une seconde possibilité : acheter un EP numérique incluant deux versions de This Is It (pourquoi se priver ?) ainsi que d'autres fonds de tiroir qui n'intéresseront que les admirateurs les plus acharnés. Le tout pour la modique somme de 6,99 euros mesdames et messieurs ! Il semble que certaines plates-formes proposent une seule compilation incluant tous les titres, mais aucune d'entre elles ne permet d'acheter le titre seul. Evidemment, sur le net, et notamment sur l'iTunes Store, les fans se déchainent : « On est peut être fan de Michael Jackson mais faut pas nous prendre pour des vaches à lait » (Arno84), « Il vaut mieux télécharger cet album illégalement pour que la maison de disques de MJ ne s'en mette pas plein les fouilles » (Darkking001), « Quelle médiocrité et quel appat du gain ! »(Tinitir). Réactions prévisibles et lucides : à force de presser le citron, même les fans souhaitant rémunérer un artiste (ou dans ce cas, ses héritiers) finissent par se tourner vers le téléchargement illégal.Que penser d'un tel déballage écoeurant de cynisme marketing et d'exploitation d'un artiste décédé ? Michael Jackson aurait-il cautionné cela de son vivant ? Difficile à dire. Néanmoins, le mépris affiché par Sony est caractéristique du malaise qui règne généralement chez les majors lorsque l'on parle de distribution numérique. Elles semblent vouées à faire perdurer aussi longtemps que possible un modèle archaïque qui, pour le coup, ne repose même plus sur un objet physique : au final, l'achat de l'album numérique et du EP revient... au prix du CD Audio, sans la pochette et dans une qualité moindre ! Alors que la loi HADOPI 2 a été validée par le Conseil Constitutionnel, et que la loi HADOPI 3 est censée se pencher sur le développement de l'offre légale (n'était-ce pas le but de la loi originale, au passage ?), il serait grand temps de se demander si on souhaite vraiment que le téléchargement payant soit une alternative viable au piratage. Des exemples comme cette triste médiatisation sont plutôt de nature à inciter les utilisateurs à se fournir chez BitTorrent ou MegaUpload.