Les auteurs de la "Bataille" pensent à l'après Hadopi

Alexandre Laurent
Publié le 30 octobre 2009 à 15h32
Ils sont venus nombreux jeudi soir au Fouquet's pour assister à la présentation de La Bataille Hadopi, un ouvrage collectif édité par In Libro Veritas regroupant les écrits d'une quarantaine d'auteurs impliqués, à un niveau ou à un autre, dans les questions relatives au droit d'auteur, à la culture et à Internet. L'occasion pour ces hommes politiques, artistes, écrivains, journalistes ou militants associatifs, de présenter ce qu'ils retiennent des mois de gestation ayant conduit à la mise au point de la loi Hadopi, parue cette semaine au Journal Officiel, mais aussi et surtout d'évoquer leur vision d'une civilisation numérique dans laquelle les notions de partage et de gratuité pourraient côtoyer celles du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle sans anicroche.

« Nous avons gagné la bataille Hadopi »

La loi Hadopi a bel et bien été votée, en dépit de l'importante mobilisation de collectifs tels que La Quadrature du Net, à qui seront reversés les bénéfices issus de la vente du livre, mais la « Bataille » n'a pour autant pas été perdue, estiment ces « Anti ». Au contraire, elle aurait même été remportée, en ceci qu'elle a débouché sur une loi qu'il sera bien difficile d'appliquer et qu'elle a permis d'ouvrir un véritable débat d'idées sur les questions liées à la culture, aux libertés individuelles et à la place d'Internet dans la société.

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Pour Christian Paul, député PS instigateur du projet, la version d'Hadopi finalement adoptée n'est qu'un « jouet répressif bricolé à la hâte, qui va provoquer une interminable bataille technique et juridique ». En bref, une défaite pour les artistes avec qui le lien se rompt, une victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement. « Quand les premiers mails vont tomber, les internautes ne vont pas se précipiter à la Fnac », plaisante Marc Rees de PC Inpact.

En revanche, ils seraient maintenant sensibilisés à des problématiques comme la neutralité des réseaux, l'un des cheveaux de bataille de Benjamin Bayart, président du FAI French Data Network (FDN). Derrière sa cravate à l'effigie de la Panthère rose, il rappelle que le combat qui se tient aujourd'hui n'est pas vraiment différent de celui qui opposait puissants et moines copistes aux partisans de l'imprimerie à l'aube de la Renaissance. « L'imprimerie a permis au peuple de lire, Internet lui offre la possibilité d'écrire », soutient-il, heureux que l'on découvre, par l'intermédiaire des débats liés à Hadopi, les ravages que pourraient causer les opérateurs s'ils n'étaient plus tenus à une obligation de neutralité.

La bataille Hadopi, ou les prémices d'une longue guerre ?

Bon nombre des artisans de cet ouvrage en sont convaincus, la Bataille Hadopi n'est que le premier volet d'un conflit de grande envergure, dont la prochaine étape sera sans doute l'inéluctable loi Hadopi 3, qui devra selon ces internautes engagés corriger les erreurs des itérations précédentes. « Partir de l'adresse IP comme preuve est une aberration : les experts informatiques auprès des tribunaux la considèrent comme une trace de pas sur le sol, comme un indice faible », fait remarquer Benjamin Bayart.

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Benoit Sibaud, président de l'Association pour la promotion et la recherche en informatique libre (April) prédit de grands affrontements à venir « entre ceux qui voient dans les réseaux la possibilité de partager et multiplier, contre ceux qui y voient une menace et cherchent à se les approprier ». Loppsi, brevets logiciels, fichiers informatiques, les problématiques soulevées par Hadopi se retrouvent désormais dans de nombreux dossiers, qui sont autant de remises en cause de principes tels que la liberté d'expression ou l'égalité devant l'accès à la culture. « Il n'y a pas de transmission de savoir si les supports ne sont pas accessibles au plus grand nombre », résume Jérôme Bourreau-Guggenheim, licencié de TF1 pour avoir contesté le bien fondé de la loi Hadopi dans un courrier adressé à son député.

Les alternatives

Rapidement, l'exposé se concentre sur la remise en cause d'un droit d'auteur qui ne défend pas tant l'artiste que le système au sein duquel ce dernier n'a d'autre choix que d'évoluer. Certains défendent donc d'autres alternatives : le mécénat global, idée de feu Francis Muguet, à qui est dédié l'ouvrage, le « revenu de vie » ou les licences « libres ».

Internet ne serait pas synonyme de destruction de valeur, bien au contraire. « Il faut construire un univers compatible avec ce que ces outils peuvent nous apporter en termes d'interactions et d'échanges », milite Philippe Aigrin, auteur du livre Internet & Création. « Être contre Hadopi ne veut pas dire qu'on n'est contre le droit d'auteur. Au contraire, ces nouveaux modèles sont une sacralisation de l'auteur puisque c'est lui qui décide », fait remarquer le juriste Benjamin Jean.

La querelle des anciens et des modernes, version XXIe siècle ?

Tous sont convaincus de la justesse des causes qu'ils défendent et espèrent que les internautes seront de plus en plus nombreux à les soutenir. Les politiques présents, ravis de l'attention portée aux débats liés à Hadopi ou à l'amendement 138 au niveau européen, appellent d'ailleurs à tenir compte de ces problématiques à l'heure du vote. A titre posthume, on fait clore l'argumentaire par Francis Muguet avec un bref rappel du concept de mécénat global, dans lequel on considère que le public agit en amateur d'art, non en consommateur, et qu'il n'hésitera pas à donner pour que vivent les oeuvres et les artistes.

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D'aucuns les taxeront d'idéalisme, mais ils y croient et comptent bien se bouger pour que ces thèses fassent leur chemin. On pourra se faire un avis en lisant La Bataille Hadopi. Gratuitement, via la version PDF proposée au téléchargement, ou en achetant l'une des trois éditions papier proposées à 9, 19 et 49 euros.

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