Un parc éolien © sofinitaa / Shutterstock
Un parc éolien © sofinitaa / Shutterstock

Le fameux millefeuille administratif français prend tout son sens au moment de s'intéresser à l'énergie renouvelable qu'est l'éolien. Dans un rapport, la Cour des comptes fustige l'État et ses pratiques.

La politique énergétique française veut faire la part belle à l'énergie éolienne. Sauf que dans son dernier rapport, la Cour des comptes pointe du doigt les trop nombreux défauts dans la mise en oeuvre de cette politique : les principaux sont, ô surprise, légaux et administratifs, parfois cocasses. Voyons, en 10 points, les obstacles qui entravent aujourd'hui l'épanouissement retardé du secteur éolien en France.

L'éolien ralenti par les lenteurs administratives propres à la France

1. Les défis de la distanciation des habitations

La législation exige un éloignement de 500 mètres entre les habitations et les éoliennes. Imaginez que plus de la moitié des éoliennes de certaines régions sont en dessous de cette distance, créant des défis pour l'expansion. Dans le Finistère, plus de 8 éoliennes sur 10 sont installées à moins de 500 mètres habitations, et 55 % de la région bretonne. Cette règle, introduite avec la loi Grenelle II, pose donc problème pour les anciennes installations et le renouvellement des parcs éoliens existants.

2. Les contraintes militaires, aéronautiques et météorologiques

Les réglementations imposent également des servitudes pour les parcs éoliens à proximité des radars (de Météo France, par exemple), des aérodromes, et des zones d'entraînement de l'aviation militaire. Les règles varient selon les types de radars et l'impact potentiel sur l'aviation civile et militaire, limitant ainsi les possibilités d'implantation. Sur 20 % du territoire national, qui correspondent aux zones de survol pour l'entraînement militaire à très basse altitude, les éoliennes ont une hauteur limitée à 150 mètres, avec des autorisations étudiées au cas par cas.

3. Des éoliennes de moindre envergure

Les servitudes militaires et aéronautiques imposent non seulement des limitations sur les terrains disponibles, mais aussi sur la hauteur et la puissance des éoliennes. Cela a pour conséquence des éoliennes moins puissantes en France par rapport à d'autres pays européens.

4. La nécessité de lever des servitudes pour libérer du foncier

Pour augmenter la capacité éolienne en France, il est impératif de lever certaines servitudes, ce qui permettra d'exploiter davantage de terrains. La loi AER du 10 mars 2023 ouvre la voie à cette possibilité en déclassant les balises de radionavigation.

5. Procédures d'autorisation laborieuses

Les procédures administratives en France sont notoirement lentes et complexes. Elles constituent un obstacle majeur au déploiement de l'énergie éolienne. Car dans l'hexagone, ce n'est pas le manque de projets qui est la cause du retard français, mais bien cette lourdeur administrative.

La loi AER déplore qu'il faille, en moyenne, « 7 ans pour un parc éolien et 10 ans pour un parc éolien en mer », pour se débarrasser des procédures contentieuses et autres. Des mesures visant à accélérer la délivrance des autorisations environnementales sont, aux yeux de la Cour des comptes nécessaires pour atteindre les objectifs.

Les lenteurs administratives sur l'éolien pointées du doigt par la Cour des comptes © Rawpixels stock / Shutterstock
Les lenteurs administratives sur l'éolien pointées du doigt par la Cour des comptes © Rawpixels stock / Shutterstock

Des recours quasi systématiques contre les projets éoliens

6. Instabilité réglementaire persistance

La réglementation entourant l'éolien en France a connu de fréquentes révisions, reflétant l'instabilité normative et l'incertitude pour les acteurs du secteur. Certains arrêtés ont par exemple été modifiés à plusieurs reprises. On vous laisse donc imaginer la suite. Une stabilité réglementaire est aujourd'hui essentielle pour favoriser l'investissement à long terme.

7. Un taux de recours contentieux élevé

De nombreux projets éoliens font l'objet de recours, ce qui entraîne des retards importants dans leur réalisation. Il est essentiel de réduire les délais de traitement des contentieux pour accélérer le développement éolien. Aujourd'hui, une majorité de projets terrestres et, surtout, la totalité des projets offshore font tous l'objet de recours.

8. L'importance de l'accompagnement en amont

Une meilleure coordination entre les porteurs de projet et les services instructeurs avant le dépôt des dossiers est nécessaire pour rationaliser le processus. Cette phase préliminaire, qui dure généralement une année, est cruciale pour l'évaluation des impacts paysagers et environnementaux. Depuis la loi du 10 mars 2023, un référent préfectoral est en théorie censé faciliter les échanges en amont entre les porteurs de projet et les services instructeurs.

9. Des délais insuffisamment réduits malgré l'autorisation environnemental unique

La consolidation des autorisations environnementales en une seule demande (il en fallait une douzaine au départs) n'a pas suffisamment réduit les délais d'instruction. Il est nécessaire de simplifier davantage le processus d'instruction. Pour le moment, la seule procédure d'instruction des demandes d'autorisation pour l'éolien terrestre reste de 22 mois en moyenne. On ne vous parle même pas des demandes complémentaires de documents et d'informations, qui rallongent ces délais d'au moins 4 mois, et peuvent être proroger jusqu'à 4 mois supplémentaires.

10. Complexité de l'impact sur l'insertion paysagère et la biodiversité

L'impact paysager et sur la biodiversité demeure une source de contentieux. Les procédures doivent être clarifiées et simplifiées, notamment en définissant des critères plus précis pour l'appréciation de l'impact paysager. Parmi les impacts, sont étudiés l'éloignement, le bruit, la sécurité, les risques ou encore les interférences. L'insertion paysagère des projets est à l'origine de 70 % des recours.

Le secteur de l'énergie éolienne en France est ainsi confronté à une série de défis réglementaires qui entravent sa croissance. Pour atteindre les objectifs de la politique énergétique, il est impératif de surmonter ces obstacles, tant sur le plan de la réglementation que de la procédure.