Si Apple s’est récemment mis à soutenir le mouvement pour la réparation des appareils électroniques, le fabricant d’iPhone a encore quelques angles morts… qui lui rapportent un joli pactole.
Depuis quelques mois, on a vu Apple s’ouvrir de façon presque étonnante sur la question de la réparation de ses appareils. La firme a publié des guides pour démonter et dépanner ses Mac et des outils pour réparer efficacement ses iPhone. Après des années à lutter contre les bricolages maison, la marque a pris le train en marche et fait aujourd’hui preuve d’une transparence appréciable. Mais tout n’est pas rose pour autant.
La « sérialisation », mère de toutes les batailles
Comme le rappelle une enquête du New York Times, l’entreprise continue d’exercer un contrôle strict sur la partie logicielle des iPhone, ce qui limite les possibilités de réparation. « Les nouvelles batteries peuvent afficher des messages d’avertissement, les écrans de rechange peuvent désactiver les paramètres de luminosité d’un téléphone et certains appareils photo peuvent causer des dysfonctionnements » liste le média anglo-saxon.
Au cœur de ce problème réside la « sérialisation » des pièces. Cette pratique consiste à lier logiciellement une pièce à la carte mère à l’aide de son numéro de série. Si un composant est changé par un réparateur tiers et que le numéro de série n’est pas validé par Apple, des messages d’erreurs peuvent s’afficher et certaines fonctionnalités peuvent être purement et simplement désactivées. Selon Apple, cette sérialisation permet de garantir l’intégrité et la sécurité d’un téléphone. Un lecteur d’empreinte pris au hasard dans une caisse de pièces détachées pourrait compromettre la sûreté d’un téléphone, explique la marque.
Mais, derrière cette justification d’Apple se cache aussi une manne financière pour le constructeur. Selon le New York Times, l’abonnement Apple Care+, qui permet justement de bénéficier de réparation illimitée sur ses appareils pommés, rapporterait 9 milliards de dollars à l’entreprise tous les ans. Et c’est là que le bât blesse : limiter les possibilités de réparation maison (ou via des magasins tiers) via la sérialisation encouragerait mécaniquement les gens à souscrire à cette garantie complémentaire.
Des DRM matériels ?
Les nouveaux iPhone 15 contiennent aujourd’hui 7 composants sérialisés par Apple, là où les modèles de 2017 n’en contenaient que trois. Sur les nouveaux modèles, un changement de capteur biométrique, d’écran, de batterie, de port de charge ou même de bobine de chargement sans fil provoque des messages d’avertissements ou d’erreurs selon iFixit, le spécialiste en démontage et en réparation des téléphones. Même pas besoin d’utiliser des pièces de seconde main, les composants issus d’appareils neufs et identiques provoquent les mêmes soucis.
« Ce futur dystopique que les auteurs de science-fiction nous ont annoncé, celui où les DRM auraient infecté chaque partie de notre vie, nous sommes en train de le vivre. Le résultat de ces restrictions est une violation majeure du droit à la propriété et une aggravation de la crise des déchets électroniques », dénonçait violemment l’entreprise peu de temps après la sortie des iPhone 15.
En France, Apple est justement sous le coup d’une enquête du Procureur de la République qui cherche à déterminer si cette pratique pourrait être qualifiée d’entrave à la réparation et tomber sous le coup de la loi contre l’obsolescence programmée. Pour HOP, l’association à l’origine de la plainte, cette pratique laisse penser que le fabricant cherche « surtout à vendre toujours plus d’équipements, au détriment des consommateurs et de l’environnement. »
Source : New York Times, iFixit