Rouler vite et en avoir le droit fait rêver nombre d'automobilistes, qui regardent avec envie les conducteurs allemands empruntant l'autobahn. Mais instaurer une limitation aurait de nombreux bénéfices, autant financiers qu'écologiques selon cette nouvelle étude.
Dans la plupart des pays du monde, les routes et autoroutes sont soumises à des limitations de vitesse. En France, elle a été instaurée sous couvert de permettre l'économie du carburant en pleine crise pétrolière. Mais en Allemagne, une partie des autoroutes laissent les conducteurs aller à la vitesse qu'ils souhaitent.
Un choix qui permet aux véhicules puissants d'exprimer leur plein potentiel, mais qui est souvent remis sur la table dans le débat public, que ce soit à cause des risques inhérents aux vitesses variées ou des enjeux écologiques.
Limiter l'autobahn à 130 km/h, c'est faire près d'un milliard d'euros d'économies
Actuellement, et comme le rapporte CarbonBrief, 96% des routes allemandes sont soumises à des limitations de vitesse, et seuls 30 % des autoroutes profitent de leur absence, qu'elles soient temporaires ou permanentes. La question de la réduction de la vitesse se pose régulièrement, en particulier depuis que la Chancellerie s'est engagée sur une décarbonation des transports.
Et ça tombe bien, puisqu'un nouvel article publié dans la revue Ecological Economy indique qu'introduire une limitation globale de la vitesse sur autoroute à 130 km/h permettrait d'économiser l'équivalent de 293 millions d'euros en émission de dioxyde de carbone. L'analyse évoque même un gain de « bien-être » de 951 millions d'euros, une mesure constituée de la valeur estimée du temps de trajet, la consommation de carburant, le nombre d'accidents, le CO2 émis ou encore le taux de pollution de l'air.
« Nous avons décidé d'examiner les implications des limitations de vitesse, car on dit souvent qu'une limitation de vitesse entraîne un coût économique en termes de perte de temps. »
L'étude montre que même si la potentielle mesure a un coût et augmente la durée des trajets tout en ayant un impact sur les intérêts privés, elle aurait, in fine, des conséquences très largement positives. L'année 2020 a été choisie comme référence, et l'étude montre qu'une limitation à 130 km/h aurait permis d'éviter l'émission de 1,5 million de tonnes de CO2 dans l'atmosphère.
Des gains intéressants, mais ça n'est pas pour demain
Si le sujet revient souvent dans le débat public, c'est parce qu'il oppose les partisans de la limitation et les opposants sans qu'un accord ait été trouvé. Les sondages montrent que les Allemands sont majoritairement favorables à une limitation, mais deux partis de centre-droit (CDU et FDP) militent pour maintenir le statu quo d'après Stefan Gössling, professeur à la School of Business and Economics de l'Université de Linnaeus et principal auteur de l'article.
Dirk Messner, président du bureau fédéral de l'environnement, estime de son côté que le secteur des transports a peu fait en termes d'écologie et de prise en compte du changement climatique. Des déclarations pour le moment balayées par Volker Wissing, ministre des Transports, qui rejette l'idée de la limitation et indique que l'État devait rester en retrait sur le sujet, la vitesse relevant de la responsabilité des citoyens.
Du côté des critiques, certains estiment que l'étude est certes intéressante, mais que les gains potentiels ne suffisent pas à justifier une mise en application, rappelant au passage un récent rapport de l'agence fédérale de l'environnement :
« Selon les derniers résultats de l'Agence fédérale de l'environnement, une limitation de vitesse à 120 km/h permettrait d'économiser des émissions de gaz à effet de serre équivalente à 6,7 MTCO2e par an, soit près de 0,9 % des émissions totales de gaz à effet de serre en Allemagne […] Cependant, nous considérons expressément que la valeur de 6,7 MtCO2 est largement surestimée. »
Quoi qu'il en soit, la mise en place d'une limitation de la vitesse sur toutes les autoroutes allemandes n'est pas pour demain, le FDP et le CDU appartenant à diverses coalitions.
Source : CarbonBrief