L'organisation Game Developers Conference (GDC) s'est fendue cette semaine de son étude annuelle revenant sur l'état de l'industrie du jeu vidéo.
Plus de 3 000 personnes travaillant à leur création ont donc répondu à de nombreuses questions pour retracer leur parcours ces 12 derniers mois et nous ouvrir un aperçu des coulisses de l'une des industries de divertissement les plus profitables au monde.
Des studios indépendants (32 %) aux studios AA (11 %) et AAA (18 %), les sondés ont ainsi permis à la GDC d'en établir les tendances récentes sur de nombreux sujets. Alors qu'une crise du jeu vidéo pourrait se profiler à l'horizon, voyons de plus près ce qu'en disent les premiers concernés.
L'emploi des développeurs en danger
En 2023, plus de 10 000 personnes travaillant au sein de l'industrie du jeu vidéo ont perdu leur emploi. Si la pandémie lui a permis de connaître un essor sans précédent, la crise et l'inflation qui ont suivi ont malheureusement coupé court aux réjouissances pour beaucoup de développeurs. « Les studios ont grandi trop vite pendant la pandémie et les gens achètent maintenant moins de jeux à cause de l'inflation. La bulle est malheureusement en train d'exploser », a indiqué un sondé à la GDC.
Ainsi, selon cette nouvelle étude, 35 % des sondés ont connu des licenciements au sein de leur studio. 17 % d'entre eux ont indiqué que des collègues du même département ont été impactés, 11 % ont vu des personnes d'autres équipes prendre la porte, et 7 % ont eux-mêmes perdu leur emploi. Les postes les plus touchés par ces licenciements s'avèrent être les développeurs assurance qualité (QA). C'est notamment ce qui est arrivé chez Naughty Dog, une majeure partie des départs ayant touché ce département.
Malheureusement, si l'on en croit les développeurs interrogés dans l'étude, la situation ne risque pas d'aller vers le mieux en 2024. 56 % d'entre eux s'estiment inquiets à différents degrés de connaître d'autres licenciements au sein de leur studio. 35 % se montrent un peu plus optimistes en indiquant ne pas craindre qu'une telle chose arrive chez eux.
Les nombreux licenciements ont par ailleurs eu un effet secondaire peu réjouissant. 53 % des sondés indiquent travailler entre 41 et 60 heures par semaine. 71 % des développeurs travaillant plus de 40 heures par semaine indiquent que cela est dû à une pression personnelle, par peur de perdre leur emploi en étant moins productifs. Avec des effectifs réduits, une telle tendance risque malheureusement de se poursuivre cette année.
L'IA et le jeu vidéo : une relation controversée
L'explosif essor de l'IA n'a bien sûr pas épargné l'industrie du jeu vidéo. Certains gros studios comme Square Enix ont clairement affiché leur profond intérêt pour cette technologie à la fois prometteuse et dangereuse. 31 % des sondés ont ainsi indiqué qu'ils utilisent eux-mêmes des IA génératives pour leurs tâches, 18 % disent que des collègues en font usage, et 15 % expriment un intérêt pour de tels outils. 23 % ne portent quant à eux aucun intérêt pour cette technologie.
Les personnes ayant indiqué utiliser ces outils ont également précisé dans quels départements ils travaillent : 44 % dans la finance, 41 % dans le marketing et la communication, 33 % dans la production et la gestion d'équipes, 25 % dans la programmation, 21 % dans le design, 13 % dans l'écriture, 16 % dans la direction artistique, 14 % dans l'audio et 6 % dans l'assurance qualité. Ces chiffres pourraient ainsi coïncider avec le fait que les postes en assurance qualité sont les plus touchés par des licenciements.
Étonnamment, l'usage des IA génératives se fait davantage au sein des studios indépendants que dans les plus grosses structures. 37 % de développeurs indépendants indiquent s'en servir quotidiennement, contre 21 % chez les studios AA et AAA. « Le développement de code est l'un des meilleurs secteurs dans lesquels l'IA peut être utile afin d'optimiser les choses. Pas pour remplacer qui que ce soit », a déclaré un des sondés.
Ainsi, l'on remarque que l'IA s'est déjà bien implantée dans l'industrie du jeu vidéo. Pour autant, les développeurs se posent également des questions, notamment éthiques, sur leur utilisation. 57 % sont indécis quant à l'impact positif ou négatif de tels outils. Aux deux opposés de ce spectre, 21 % prédisent un impact positif et 18 % un impact négatif. Parmi les plus optimistes, l'on trouve des sondés travaillant dans la finance ou le marketing. Les plus pessimistes travaillent quant à eux dans les secteurs de l'écriture, de la direction artistique et de l'assurance qualité. La boucle est ainsi bouclée.
Le PC reste le chouchou des développeurs… et un intérêt certain est porté à l'égard de la Switch 2
Passons ensuite à des relevés moins sinistres, mais tout aussi intéressants quant à ce qui se profile pour 2024. 66 % des sondés indiquent ainsi que leur projet actuel est développé sur PC, contre respectivement 35 % et 34 % pour la PS5 et les Xbox Series X|S. Le mobile, qui s'avère être de loin le marché le plus lucratif de l'industrie, comme vu dans un graphique retraçant 50 ans de son histoire, intéresse quant à lui les sondés à hauteur de 24 % sur Android et 23 % sur iOS.
Un chiffre a toutefois retenu notre attention, quoiqu'assez mineur par rapport aux autres : 8 % des sondés ont indiqué développer leur projet actuel sur… le successeur de la Nintendo Switch. Plus intéressant encore, 32 % ont indiqué qu'il s'agit de la plateforme qui les intrigue le plus. De quoi rajouter encore de l'eau au moulin quant à une sortie de la fameuse Switch 2 dans le courant de l'année, malgré le silence têtu de Big N.
Outre cette console très attendue, le PC reste dominant comme plateforme intéressant le plus les développeurs, à hauteur de 62 %. La PS5 lui emboîte le pas à 41 %, et les Xbox Series X|S restent malheureusement bonnes dernières parmi les plus grosses plateformes du marché, à 29 %. La Nintendo Switch actuelle ferme la marche à 25 %.
Malgré un marché qui peine fortement à se trouver une place, les casques VR intéressent 21 % des sondés. Les produits Meta Quest restent en tête dans le domaine, 34 % des développeurs de jeux VR les trouvant les plus attractifs pour y développer leurs jeux VR. Le Valve Index suit à 34 %. Pas encore sorti, l'Apple Vision Pro pique aussi grandement l'intérêt des sondés, à hauteur de 30 %. Le PS VR2 emporte malheureusement la médaille en chocolat, à 27 %.
Unreal et Unity restent les moteurs dominants
Malgré la polémique d'ampleur autour de Unity, qui s'est depuis plus ou moins tassée, non malheureusement sans de graves conséquences comme une massive vague de licenciements en son sein, celui-ci reste un moteur de prédilection des développeurs sondés. Plus précisément, 33 % ont répondu qu'il s'agit de leur moteur principal. On trouve exactement le même chiffre pour l'Unreal Engine, produit phare d'Epic Games. Sa très prometteuse cinquième itération cristallise bien sûr grandement l'attention des développeurs.
14 % indiquent quant à eux utiliser un moteur maison. On pense notamment à Rockstar Games avec RAGE 9, qui propulsera un certain GTA 6. Enfin, 3 % utilisent Godot, un moteur émergeant et prometteur. Cependant, ces valeurs pourraient être amenées à changer à l'avenir. « Nous avons pensé à passer sur Godot ou créer notre propre moteur, afin de ne pas avoir à s'inquiéter de pratiques commerciales douteuses ou des caprices d'actionnaires », a précisé un sondé.
7 % des sondés indiquent en effet avoir changé de moteur dans les 12 derniers mois. Gageons que cela a été en partie motivé par la décision d'Unity de changer son modèle économique, avant de rétropédaler en réponse à la véritable levée de boucliers des développeurs. 28 % envisagent encore de changer de moteur, mais n'ont pas encore sauté le pas, tandis que, de manière écrasante, 49 % sont satisfaits par le moteur qu'ils utilisent.
Voilà qui résume donc les données les plus intéressantes à retenir de la nouvelle étude annuelle de la GDC. Si vous voulez la consulter plus en détail, vous pouvez la trouver, au format PDF, citée en source ci-dessous.
Que pensez-vous de cet état de l'industrie du jeu vidéo dépeint par les développeurs qui ont accepté de participer à l'étude ? N'hésitez pas à alimenter le débat dans les commentaires, nous prendrons grand plaisir à vous lire !
Source : Étude Game Developers Conference