Dans un long discours publié sur le site d'Apple, le président de la firme à la pomme, Steve Jobs, s'exprime sur la situation du marché de la musique en ligne et plus particulièrement sur le sujet des DRM (verrous numériques). Connu pour ses talents de négociateur et pour son charisme, Steve Jobs, espère bien influencer les acteurs du marché de la musique en ligne en partageant de façon publique son point de vue, celui du président de la firme qui contrôle 85% du marché des baladeurs avec l'iPod et 70% du marché des services de vente de musique en ligne avec iTunes.
Le début de ce discours rappelle pourquoi Apple a décidé d'intégrer des verrous numériques (ou DRM) sur les morceaux qu'il vend depuis iTunes : « les quatre plus grosses maisons de disques (Universal, Sony BMG, Warner et EMI) contrôlent 70% de la musique mondiale. Quand Apple les a approchées, elles ont demandé à ce que leurs musiques soient protégées contre la copie illégale. C'est pourquoi nous avons intégré des DRM, qui empêchent la lecture depuis des périphériques / ordinateurs non autorisés [...] Ces DRM laissent toutefois la possibilité de transférer sa musique sur un nombre illimité d'iPod et sur 5 ordinateurs différents détenus par l'utilisateur ».
Puis il enchaîne sur le fait que ces verrous ont été détournés à plusieurs reprises : « Le problème, c'est qu'il y a des gens très intelligents dans ce monde, avec beaucoup de temps libres qui adorent découvrir des secrets (NDLR : ceux liés aux DRM) et publier ensuite une façon d'obtenir (et de voler) de la musique gratuitement. C'est pourquoi une société liée aux DRM comme la notre doit mettre à jour souvent ses protections pour les renforcer. C'est le jeu du chat et de la souris. Nous avons été capable de réparer les failles dans nos DRM en mettant à jour nos logiciels et nos baladeurs. Nous avons tenu nos engagements auprès des maisons de disques ».
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Steve Jobs affirme que maintenant que le « décors est planté », il est temps d'étudier trois possibilités/alternatives pour le futur de la musique en ligne.
La première consisterait à se baser toujours sur le même système avec des DRM d'un côté et des périphériques compatibles avec tel ou tel DRM de l'autre. Mais Steve Jobs souligne que certains sont mécontents de ce système en affirmant qu'Apple et d'autres firmes cherchent à « enfermer > les utilisateurs avec tel ou tel baladeur ou avec tel ou tel service.
Des affirmations que Jobs dément formellement. « Fin 2006, un total de 90 millions d'iPod a été vendu depuis le lancement du baladeur, associé à la vente de 2 milliards de morceaux sur iTunes. Aujourd'hui, l'iPod le plus populaire peut contenir 1000 morceaux et les statistiques nous indiquent que la plupart des utilisateurs remplissent leurs iPod au maximum de leur capacité avec de la musique. Ainsi, en moyenne, 22 des 1000 chansons stockées ont été achetées sur iTunes, soit moins 3% des musiques de l'iPod. Les 97% restants sont des musiques non protégées, il est donc difficile d'affirmer qu'avec seulement 3% des musiques stockées nous arrivons à clôturer les consommateurs sur l'iPod puisque les 97% restants peuvent passer d'un iPod à un autre baladeur sans problème. La remarque est aussi valable pour iTunes Store, puisque 97% des musiques utilisées ne sont pas obtenues via l'iTunes Store ».
La deuxième solution viserait à ouvrir le DRM FairPlay d'Apple afin que ses concurrents puissent y avoir accès et mettre ainsi au point un DRM intéropérable entre des baladeurs et des sites de vente de musique en ligne différents. Une solution qui pourrait convenir à Apple selon Steve Jobs, si la firme n'avait pas à « dévoiler certains secrets » qui pourraient s'ébruiter et rendre le DRM plus vulnérable, c'est à dire plus facile à contourner pour les hackers. Pour Steve Jobs, corriger les failles du DRM serait alors encore plus compliqué : « il faudrait mettre à jour des baladeurs et des logiciels de dizaines (voire de centaines) de Mac et de PC, rapidement et de façon coordonnée. C'est déjà difficile quand une seule firme contrôle la chaîne, mais c'est tout simplement impossible lorsque plusieurs firmes contrôlent plusieurs pièces du puzzle [...] Apple a donc conclu que si jamais il proposait FairPlay sous la forme d'une licence, il pourrait perdre toute les garanties sur la protection de la musique qu'il offre actuellement. Cela a d'ailleurs dû pousser Microsoft à proposer un service de musique unique / fermé pour son baladeur Zune (le Zune Market Place) plutôt que de le laisser à l'ensemble des plateformes légales utilisant le service ouvert Microsoft PlaysForSure ».
Enfin, la troisième et dernière solution est sans doute celle que tous les consommateurs (ou presque) attendent, l'abolition totale des DRM. Mais pourquoi les maisons de disques décideraient-elles une telle hérésie ? « Parce que les DRM n'ont jamais marché et ne marcherons certainement jamais, du moins en ce qui concerne l'arrêt pur et simple du piratage. Les maisons de disques demandent des DRM sur Internet alors qu'elles continuent à vendre des milliards de CD non protégés sur le marché classique. Musique qui peut ensuite se trouver illégalement sur Internet ».
Si deux milliards de titres ont été vendus sur Internet, protégés par DRM, plus de 20 milliards ont été vendus via des CD non protégés contre la copie. Preuve que les DRM sont inefficaces, selon Steve Jobs, qui termine en appelant l'Europe, continent où la polémique est la plus vive, à élever la voix auprès des maisons de disques comme Universal/Vivendi (France), EMI (Royaume-Uni) et Sony BMG ( détenu à 50% par une société allemande). Si ces maisons de disques acceptent de vendre des morceaux sans DRM sur Internet, Apple embrassera de tout coeur cette nouvelle possibilité, conclut Steve Jobs.
Reste que les options de protestation pour les consommateurs restent limitées. La plupart décident de bouder purement et simplement les services de vente de musique, préférant se tourner vers l'achat de CD audio ou vers le téléchargement illégal de fichiers sans DRM. D'autres encouragent les opérations d'essai de vente de MP3 légal sur Internet quand elles ont lieu, pour tenter d'envoyer un signal clair aux maisons de disques, message qui ne semble pas avoir été entendu jusqu'à présent, peut-être parce qu'il n'était pas suffissament représentatif... Alors, Monsieur Steve Jobs, à quand une « offre test MP3 » sur iTunes pour démontrer quelque chose de concret aux maisons de disques ? |clubic|En attendant, les utilisateurs de Mac pourront toujours lorgner du côté du logiciel Music Transformer (ex DRM Dumpster), qui permet de s'affranchîr des DRM de manière totalement légale en utilisant les fonctionnalités proposées par iTunes.|fin|