Si tout le monde est capable de nommer quelques crypto-monnaies connues, plus rares sont ceux qui connaissent bien l'écosystème crypto et ses différences concrètes avec les monnaies dites « fiat » (l'euro ou le dollar, par exemple). Clubic fait le point.
La monnaie traditionnelle bénéficie d'une importante logistique visant à la rendre « crédible » aux yeux des usagers, notamment par le soutien des banques commerciales et centrales. Ce n'est pas le cas des crypto, qui pourtant se démocratisent rapidement et sont de plus en plus acceptées comme moyens de paiement du quotidien.
La crypto-monnaie, c'est quoi ?
En opposition aux monnaies « classiques », la crypto-monnaie peut se définir comme une monnaie numérique qui s’échange de pair-à-pair, c’est à dire de façon décentralisée, sans intermédiaire, grâce à une procédure cryptée sur une blockchain.
Des monnaies numériques
Monnaie virtuelle, crypto-devise, monnaie électronique, crypto-actif… Les termes pour parler des crypto-monnaies ne manquent pas. On les qualifie souvent de monnaies numériques dans le sens où elles ne comportent pas de support physique. Ici, ni billets de banque, ni pièces de monnaie : chacun détient ses actifs dans des portefeuilles dont lui seul possède la clé privée, qui est chiffrée. Ces portefeuilles peuvent être hébergés sur des applications Android ou iOS, sur des sites Web ou sur des clés externes, un peu comme des clés USB déconnectées du réseau (également appelées « cold wallet »).
Des monnaies alternatives
Les crypto-monnaies sont des monnaies alternatives dans le sens où elles n’ont pas de cours légal : leur valeur n’est pas indexée sur le cours d’un métal précieux ni sur celui d’une monnaie étatique, à l’exception des stablecoins qui, comme leur nom le suggère, présentent une stabilité de leur cours. En outre, les crypto ne sont pas régulées par une institution financière. Et pourtant, on avance souvent au premier rang des avantages des crypto-monnaies la sécurité et la transparence de leurs transactions ! Ces deux atouts sont effectivement intrinsèquement liés aux crypto, qui permettent des opérations sécurisées, vérifiées et enregistrées sur la blockchain.
Des monnaies décentralisées
Les crypto-monnaies fonctionnent sans intermédiaires, c’est-à-dire sans intervention des banques ni des gouvernements. Les personnes peuvent transférer des valeurs entre elles en toute indépendance. C’est ce qu’on appelle un système pair-à-pair.
Des monnaies cryptées
Les opérations réalisées en crypto-monnaies sont stockées sur sa blockchain, qui n’est ni plus ni moins qu’une base de données numérique. La blockchain est une technologie qui permet de réaliser des transactions (comme des paiements) et de transmettre des informations telles que des contrats ou des ventes, de façon sécurisée et sans intermédiaire. Ces informations sont stockées par ordre chronologique dans des blocs. Lorsqu’une opération est enregistrée, la précédente devient inaltérable, et ainsi de suite. Ainsi, toutes les opérations enregistrées sur la blockchain, au fur et à mesure qu’elles sont passées, sont conservées, consultables par tous les participants du réseau et infalsifiables.
Guide crypto : tout comprendre à la blockchain
La détermination du prix des crypto-monnaies
Lorsqu'on n'est ni économiste ni trader, on ne sait pas nécessairement comment est déterminé le prix d'une monnaie. Pour les monnaies étatiques, on distingue trois méthodes de gestion. Mais qu’en est-il des crypto-monnaies?
Les politiques monétaires classiques
La première est tout simplement celle de l’offre et de la demande, qui est suivie par l’Union européenne et les États-Unis notamment. Il s'agit d’une politique de marché dans laquelle les États n’interviennent que peu. La valeur de la monnaie est ici fonction de l’offre et de la demande : plus une devise est achetée, plus son indice de valeur augmente, et vice-versa. Cependant, lors des crises les banques centrales interviennent massivement dans la création monétaire (crise des subprimes de 2008 ou Covid-19, par exemple). En parallèle, certains pays d’Afrique ont fixé le taux de leur monnaie sur le Franc, aujourd'hui devenu l’Euro. En échange de la centralisation d’une partie des réserves de change de ces pays et d’une rémunération significative, la France leur permet de garantir la stabilité de leur monnaie. Enfin, d'autres pays, comme la Chine, ont choisi une politique monétaire de contrôle par l’État. Ce dernier se trouve donc impliqué dans les décisions qui touchent à la valeur de la monnaie. A titre d’exemple, afin de favoriser les exportations, la Chine a opté pour une valeur basse du Yuan.
Et pour les crypto-monnaies, comment ça marche ?
Puisque les crypto-monnaies ne sont pas soumises au contrôle des Etats, elles échappent à ces politiques monétaires. Leur valeur est exclusivement déterminée par l’offre et la demande : les acheteurs et vendeurs proposent un prix en fonction de l’analyse qu’ils ont faite du marché. Le prix des crypto-monnaies est donc influencé par les analyses qu'acheteurs et vendeurs font du marché. Pour cela, ils vont s’appuyer sur différents outils et analyses qui vont influer sur leur décision.
En outre, le contexte économique et politique est un facteur qui pèse de plus en plus sur les cours des crypto-monnaies. Le secteur de la finance traditionnelle s’y intéresse de près et on peut assister, en période de turbulences sur les places boursières, à une hausse des cours des crypto-monnaies, les investisseurs se rabattant sur les crypto-actifs. Mais cet effet ne doit pas tromper : les crypto-monnaies ne sont pas devenues des valeurs refuges en cas de tempête sur les marchés traditionnels.
Origines et fonctionnement de la crypto-monnaie
Origines de la crypto-monnaie
La première crypto-monnaie est née à la fin des années 1980. C’est en l’entreprise DigiCash Inc, fondée par le mathématicien américain David Chaum, qui est à l’origine de la 1e crypto, l'ecash, décrite par son inventeur comme « une forme numérique d’argent liquide sur Internet, où l’argent liquide papier ne peut pas exister. […] Comme le liquide, il offre aux consommateurs un réelle possibilité de cacher ce qu’ils achètent ». L'entreprise fait faillite en 1998, emportant l’ecash avec elle. David Chaum explique les raisons de cet échec par la difficulté « d’amener assez de commerçants à l’accepter de manière à ce qu’assez de consommateurs l’utilisent, ou vice versa ». Malgré plusieurs autres tentatives d’autres développeurs dans les années 1990, il faut attendre 2009 et la création de Bitcoin pour que « l’aventure » crypto débute réellement.
À cette époque, le monde est encore sous le coup de la crise des subprimes, ces prêts immobiliers accordés depuis le début des années 2000 à des foyers peu solvables dont le lourd endettement a provoqué une réaction en chaîne qui s'est propagée à tout le secteur bancaire international. C'est dans ce contexte d'indices boursiers en chute libre et de rupture de confiance entre les particuliers et les institutions bancaires que naît Bitcoin en 2009. Créé par une entité anonyme du pseudo de Satoshi Nakamoto, Bitcoin apparaît comme une solution à cette défiance grandissante.
Comme toutes les autres crypto-monnaies qui ont été créées par la suite, Bitcoin a été lancé dans l’idée de se passer des banques, et donc de sécuriser ses fonds en se les réappropriant. Là où la monnaie fiduciaire a besoin d’un intermédiaire de confiance (généralement une banque), la crypto-monnaie ne fonctionne que grâce à la technologie qui assure la sécurité des opérations, tout en garantissant leur transparence et leur infalsifiabilité : chaque opération reste inscrite sur la blockchain, qui est consultable par tout un chacun. L'identité des parties n’apparaît pas : seules leurs clés publiques sont visibles, ce qui explique qu'on parle parfois de crypto-monnaies « pseudonymes » (la clé publique permettant d'identifier une personne), et pas anonymes.
Fonctionnement de la crypto-monnaie
La valeur en Bitcoin que vous possédez est matérialisée par une clé privée qui prend la forme d’une sorte de mot de passe composé de nombreux chiffres et lettres. Cette clé est unique, ce qui signifie que personne ne pourra utiliser vos actifs, mais aussi qu'en cas de perte elle ne peut pas être récupérée. De ce fait, elle doit rester absolument confidentielle. A chaque clé privée est attachée une clé publique qui, elle, peut être partagée avec d’autres personnes pour recevoir des crypto-monnaies.
Une crypto-monnaie, des crypto-monnaies
Bitcoin est la « crypto-monnaie numéro 1 » en termes de popularité comme en termes de capitalisation, mais il existe aujourd’hui plus de 3 500 crypto-monnaies. Le site coinmarketcap.com en dresse la liste complète, qu'il nous serait impossible de détailler dans cet article. En revanche, nous pouvons les classifier selon différents critères, puisque toutes les crypto-monnaies n’ont pas nécessairement le même objectif.
Les crypto-monnaies dites « infrastructure »
La finalité de ces crypto s'étend bien au-delà du moyen de paiement : elles ont pour finalité de devenir des alternatives au système financier en place. Peu accessibles au grand public, elles se destinent plutôt à une utilisation professionnelle. On peut citer dans cette catégorie Ethereum et Cardano, qui permettent la création de contrats intelligents visant à programmer l'exécution d’une action en fonction de la réalisation de conditions préalablement définies. Tether, un stablecoin dont la valeur, adossée au dollar, reste toujours proche de 1$, en fait partie également puisqu'il permet de se prémunir partiellement de la volatilité des autres crypto-monnaies. Citons également Ardor, qui donne aux entreprises la possibilité de créer leur propre blockchain, mais aussi Ripple et Stellar qui permettent d’exécuter, le plus rapidement possible, un grand nombre d’opérations bancaires.
Les crypto-monnaies comment moyen de paiement
Ces monnaies ont pour objectif de proposer une véritable alternative aux monnaies fiduciaires. Elles permettent de faire certains achats, en fonction de la monnaie et du service. Dans cette catégorie, citons Bitcoin, avec lequel on peut acheter des biens ou être payé (au Japon, par exemple, qui le reconnaît comme monnaie depuis avril 2017). On trouve également Litecoin, Dash et Digibyte qui offrent des solutions de paiement internationales.
Les crypto-monnaies « anonymes »
Les opérations faites dans ces monnaies le sont de manière anonyme, c’est-à-dire que l’identité des parties et parfois même le montant des transactions sont entièrement masquées. Citons Monero et ZCash, dont les transactions sont intraçables grâce à différentes techniques de cryptage.
Les crypto-monnaies « sociales »
Elles ont été conçues pour s’échanger de petits montants au travers des réseaux sociaux, par exemple pour « rémunérer » l’auteur d’un contenu en ligne (photo, article de blog) en lui envoyant un pourboire. Dogecoin et le BAT offrent cette possibilité.
Il va de soi que compte tenu du nombre de crypto-monnaies existant aujourd'hui sur le marché, cette liste est loin d’être complète ! De plus, d’autres classifications de ces crypto-monnaies sont possibles telles que le classement en fonction de la capitalisation boursière (c’est-à-dire de leur poids sur le marché) ou de la technologie utilisée.
La crypto-monnaie face à des difficultés
Malgré un engouement grandissant, les crypto-monnaies doivent faire face à de nombreuses difficultés et sont la cible de critiques et d’accusations plus ou moins légitimes.
L'absence de régulation des crypto-monnaies
Nombreux sont les États qui veulent encadrer les crypto-monnaies et le sujet peut parfois être assez brûlant en politique. Suite au drame de Conflans-Sainte-Honorine, Bruno Le Maire déclarait ainsi que « les crypto-monnaies posent un vrai problème de financement du terrorisme ». Si cet argument s’entend, le financement du terrorisme n’a pas attendu le déploiement des crypto-monnaies pour être effectif, et bien d’autres canaux utilisant des monnaies traditionnelles sont également à l’oeuvre lorsqu’il s’agit d’injecter des fonds dans des filières terroristes. De même, l’argument selon lequel les crypto-monnaies sont le terreau idéal du blanchiment d’argent peut être nuancé, puisque ce dernier résulte encore largement du trafic de drogues et d’armes, de la fraude fiscale et de pratiques d'extorsion.
La question de la sécurité des fonds
Les plateformes d’échange, sur lesquelles sont détenus les fonds en crypto de nombreux investisseurs, ne sont pas à l’abri des piratages informatiques. C’est déjà arrivé, et des milliers de bitcoins ont pu être volés de cette façon. C’est la raison pour laquelle vous entendrez souvent l’adage « Not your keys, not your coins » : tant que vos crypto-monnaies restent sur les plateformes d'échange vous n’en êtes pas véritablement propriétaires, et en cas de piratage les fonds perdus le seront définitivement. Il existe cependant des solutions telles que le transfert de ses actifs sur un hardware wallet : totalement déconnectés d’internet, il offre en principe un niveau de sécurité important.
Une utilisation courante limitée
Un autre obstacle rencontré par les utilisateurs de crypto est lié au fait qu'il est difficile de les utiliser dans la vie courante : on n'achète pas (encore ?) sa baguette en bitcoins. Pour autant, le nombre de commerçants qui acceptent les paiements en crypto-monnaies est en constante augmentation : citons Expedia qui accepte la réservation de billets en BTC, Paypal qui prend désormais en charge les paiements dans quatre cryptomonnaies aux Etats-Unis, ou encore certains cantons suisses qui acceptent les paiements d'impôts en bitcoins et en ethers.
Malgré cela, le fait que les crypto-monnaies ne soient pas massivement acceptées est sans aucun doute une entrave à leur adoption par le grand public. Mais quand bien même leur utilisation se développerait à grande échelle, il faudra se poser la question de leur scalabilité, autrement dit leur capacité à faire face à un nombre croissant de transactions tout en conservant leurs fonctionnalités. Bitcoin, par exemple, peut voir son réseau complètement saturé lorsque le nombre de transactions à traiter simultanément est trop important. Cette incapacité à traiter un grand nombre d’opérations entraîne des délais importants mais aussi une augmentation des frais de minage. Ici encore, quelques solutions existent comme la possibilité de transférer des bitcoins instantanément alors même que la transaction n’a pas encore été enregistrée dans la blockchain.
La création des crypto-
Cette question est liée à celle de la régulation des crypto-monnaies. En effet, n’importe qui peut aujourd’hui créer une crypto, grâce à un logiciel de cryptage open-source par exemple. Il vous suffit de trouver le nom et de votre monnaie et le logiciel fera le reste. Bien sûr, ça, c’est pour la partie technique ! Pour ce qui est de lancer votre cryptomonnaie dans la cryptosphère, il vous faudra déployer des moyens en communication et marketing pour faire connaître votre projet.
Vous pouvez également vous appuyer sur des blockchains existantes conçues pour héberger des crypto-monnaies, comme Ethereum, Bitshares, Tron et bien d’autres. Là encore, rien de plus simple puisqu'il s’agit ni plus ni moins de remplir un formulaire. Bien évidemment, tout ceci est très synthétisé, mais cela permet de mesurer la facilité avec laquelle il est possible de créer une cryptomonnaie, et cela explique en partie pourquoi il y en a tant en circulation aujourd’hui.
Mais pourquoi créer une crypto-monnaie ? La principale raison est financière. Il s’agit, pour les entreprises, de lever les fonds nécessaires à leur création ou au développement d’un projet. Une fois la crypto-monnaie créée, une levée de fonds, appelée ICO (Initial Coin Offering) est organisée pour vendre des jetons de la monnaie et ainsi financer le projet de l’entreprise. En 2018, ce phénomène des ICO a connu une croissance fulgurante, avec des milliards de dollars levés au profit de start-ups de tous bords. Il n'aura pas fallu longtemps pour que les arnaques se démultiplient autour de cette manne financière colossale : un certain nombre d’entreprises ont purement et simplement disparu après avoir encaissé les sommes, comme Modern Tech, qui a levé 660 millions de dollars avant de disparaître. De la même façon, plusieurs projets de la DeFi (finance décentralisée) qui semblaient prometteurs se sont révélés des arnaques coûteuses pour les investisseurs qui y étaient engagés.
Quoi qu'on en pense, l'écosystème crypto pèse aujourd'hui lourd en termes d'investissements financiers, de plus en plus d'institutions ont pris le parti d'acquérir des réserves (de bitcoins notamment) et quelques autorités telles que des Etats et des banques centrales s'y intéressent de près. Les crypto-monnaies ne sont pas prêtes de disparaître, et nous avons tout intérêt à bien les comprendre pour apprécier leur développement.