Quand l'Ina fait ses premiers pas sur le Web

Anne Baudry
Publié le 19 mai 2006 à 13h33

Quand l'Ina nous ouvre ses portes

Nombreux sont ceux parmi nous qui ont véritablement découvert l'Ina (Institut National de l'Audiovisuel) le 27 avril dernier, à l'occasion de l'inauguration du site « Archives pour tous ». Pourquoi cette annonce - la mise en ligne de 10 000 heures d'archives - a-t-elle suscité un tel intérêt chez le grand public ? Sans doute parce que l'Ina n'est pas seulement la mémoire de la télévision et de la radio, mais le dépositaire d'une partie de notre histoire. Que l'on soit nostalgique, collectionneur, fan ou simplement à la recherche d'un contenu éducatif, les motivations ne manquent pas pour s'intéresser à cette offre unique en son genre.

Pour parvenir jusqu'aux locaux qui abritent cette vénérable institution, il faut faire quelques dizaines de kilomètres en direction de l'Est depuis Paris, et s'arrêter dans la commune de Bry-sur-Marne. Treize directions et services (Direction des archives, Ina Formation...) y sont implantées. D'autres services sont toutefois présents ailleurs sur le territoire. L'Ina compte ainsi six délégations régionales et plusieurs antennes parisiennes. Le stockage est reparti sur trois sites : celui de Bry, à la maison de Radio France et, pour la partie la plus importante, dans le centre de conservation situé aux Essarts-le-Roy (78). L'Ina est actuellement le dépositaire de 1,5 million d'heures de programmes, soit 2,5 millions de documents répartis sur 80 kilomètres de rayonnages.

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Aujourd'hui, il fait gris ; un temps à regarder la télé


C'est toutefois bien au siège de Bry-sur-Marne, où se trouvent la majorité de ses 950 salariés et de ses services, qu'il faut se rendre pour remonter aux origines de ce projet. Avant d'être en mesure de proposer du contenu vidéo en téléchargement sur un site convivial, il aura fallu pour l'Ina répertorier, nettoyer, restaurer et classer l'ensemble des archives qui accueillent 70 années de radio et 60 de télévision ! Autant d'étapes dont cette visite se propose de vous donner un aperçu de façon à mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce projet d' « Archives pour tous », sur lequel on reviendra plus en détail en fin de parcours.

Missions et problématiques

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L'Ina, que l'on qualifie parfois de « grande dame de l'audiovisuel », est une descendante de l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française) démantelé le 31 décembre 1974 sur décision du gouvernement. L'Ina a une particularité, celle d'être un Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) et la première entreprise publique à avoir conclu un contrat d'objectif et de moyens avec l'État. En plus de l'Ina, six organismes autonomes (Radio France, , Antenne 2, FR3, Télédiffusion de France et la Société française de production) voient le jour à l'occasion de cette réforme de l'audiovisuel.

L'Ina se voit confier une mission transversale, celle de la conservation et de l'exploitation du patrimoine audiovisuel national, ainsi que de l'accompagnement des évolutions du secteur audiovisuel. La mission est belle, mais le parcours jusqu'à son accomplissement semé d'embûches. En effet, pour la mener à bien il est confronté à de nombreux obstacles dont les principaux sont :
  • L'hétérogénéité des supports : la lecture des bandes anciennes et des tous premiers films ne peut se faire que sur le matériel approprié, qui n'est plus fabriqué et dont les derniers représentants nécessitent mille attentions pour être maintenus en état de marche !
  • Le vieillissement des supports : les bandes se dégradent en vieillissant et le processus est irréversible ; rares sont les précautions (réglage de la température et de l'hygrométrie) qui permettent de le contenir.
  • L'absence de support de stockage pérenne : contrairement à ce que l'on imagine souvent, la numérisation n'est qu'une pause dans un processus de migration de supports continu.
Les archives de l'Ina sont en partie constituées de documents confiés par les chaînes publiques de radio et de télévision au titre de l'archivage professionnel (les actualités nationales, les fonds Leclerc, les fonds Radio France...). Mais c'est principalement le dépôt légal qui les alimente, avec plus de 350 000 heures de programmes issues de 17 stations de radio et 40 chaînes de télévision ajoutées chaque année. Le dépôt légal est l'obligation faite aux producteurs de déposer dans l'organisme habilité un exemplaire de leur œuvre. Pour les œuvres radio et télévision, il se fait simultanément à la BNF (Bibliothèque Nationale de France) et à l'Ina.

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Dans le cadre du dépôt légal, les archives de l'Ina s'enrichissent de 350 000 heures de programmes par an


Seuls sont visés par le dépôt légal les programmes français. Alors que nos programmes sont envahis par les rediffusions et les programmes étrangers, il serait trop contraignant de les surveiller tous pour n'enregistrer que ceux concernés par le dépôt. Ainsi, l'Ina a pris le parti de capter en temps réel et sans discernement l'ensemble des programmes.

Lorsqu'il faut fournir des images sans délai

Alors que notre visite commence tout juste, nous faisons une escale dans cette salle consacrée à la communication d'urgence. Ici, les journées commencent tôt et finissent tard. En effet, on y travaille de 7 à 23 heures, 7 jours sur 7, jours fériés compris, de façon à pouvoir rapidement transmettre aux chaînes les images dont elles ont besoin.

Pour pouvoir transmettre sans délai les informations, l'Ina dispose de quatre canaux dont deux dédiés à ses clients privilégiés que sont et France 2. On les retrouve ici, matérialisés par les deux postes situés dans l'angle supérieur gauche. Les deux postes situés à l'autre extrémité sont à disposition de l'ensemble des autres chaînes. Les extraits sont envoyés par faisceau, au moyen de fibres optiques, de régie à régie, ce qui permet aux journalistes de les exploiter directement.

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Dans ce service on travaille 7 jours sur 7 pour répondre en temps réel aux besoins des chaînes


Les autres cas

En dehors de cas de communication d'urgence, le transfert des documents se fait de façon plus traditionnelle et sous des délais un peu plus conséquents. Toutefois, la numérisation a largement contribué à modifier les pratiques et à faciliter la transmission des informations aux clients. L'époque n'est pas encore si lointaine où l'on annonçait des délais de deux à trois mois pour la transmission d'une archive. De plus, auparavant, les clients devaient en règle générale se déplacer pour choisir les séquences qu'ils souhaitaient obtenir. Leur permettre de les visionner et de faire leur choix nécessitait une organisation très lourde. Chacune des archives choisies ne pouvait être visionnée que sur le matériel adapté, et des documentalistes devaient nécessairement être présents pour guider les clients dans leurs recherches.

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Depuis trois ans, les clients peuvent effectuer leurs recherches de façon autonome


À présent, rares sont les clients qui se déplacent jusqu'à Bry pour cette étape, et l'interface mise en place pour la consultation des données permet à des non professionnels (des non documentalistes) de consulter les fonds de façon autonome. À ses clients commerciaux, l'Ina est aujourd'hui en mesure de produire des documents dans un délai inférieur à trois jours, voire dans la journée.

Où l'on restaure pour les besoins d'intégrales, d'édition de DVD...

Si la sauvegarde est systématique, la restauration ne l'est pas. Les bandes vidéo sont restaurées à la demande, en fonction des projets des clients. Dans cette salle où travaille Emmanuel Laroche, technicien de restauration, on restaure des émissions dans le cadre de projections d'intégrales ou de réalisation de DVD. La machine sur laquelle il travaille est une application réalisée par la direction de la recherche de l'Ina.

Le système est basé sur un traitement en temps réel bande à bande. La restauration consiste en opérations telles que la réduction de l'instabilité et la correction de la colorimétrie. Le technicien dispose d'un système de contrôle sur une station de travail qui lui permet notamment d'intervenir en cas « d'excès de zèle » de la machine. Ainsi, lors de notre visite, des pâles d'hélicoptère en mouvement avaient été prises à tort pour des défauts de la bande.

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À gauche l'image restaurée, à droite l'originale


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À gauche l'image restaurée, à droite l'originale, comme le montre cette courte vidéo (Téléchargement : )


Tous les métiers sont à l'Ina

Hormis cette machine plutôt impressionnante, on ne verra rien de la restauration des fonds. Dans un planning de visite plutôt chargé, il faut faire des choix ! Une partie est effectuée de façon mécanique, une autre sous-traitée auprès de détenues. Cette information permet de rebondir sur l'une des spécificités et des forces de l'Ina : tous les métiers dont elle a besoin sont présents en interne. Lorsque la sous-traitance existe, comme ici, ce n'est parce que le savoir-faire manque, mais parce qu'il s'agit d'augmenter les capacités de production. Cela peut être utile lorsque, comme pour l'Ina, une partie du travail consiste en une véritable course contre la montre.

La sauvegarde des bandes 2 et 1 pouces

Ce n'est qu'en 1976, avec l'arrivée des premières cassettes ¾ pouces, que l'enregistrement s'est fait sur cassettes. Auparavant, il avait lieu sur bandes, de 2 puis 1 pouce de largeur. L'enregistrement sur bandes 2 pouces s'est fait dès 1958 aux États-unis, et quelques années plus tard en France. Les bandes 1 pouce leur ont succédé et ont principalement été utilisées de 1991 à 1994. Contrairement aux choix faits pour la restauration (on restaure à la demande), ici on assure la sauvegarde systématique des fonds antérieurs à 1990.

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Les fonds antérieurs à 1990 font l'objet d'une sauvegarde systématique


Le cas des bandes 2 pouces

De tous les supports que l'Ina aura vu défiler, celui qui se sera fait le plus remarquer par sa longévité est la bande 2 pouces : elle aura en effet été en usage de 1962 à 1986, soit 24 années, un record pour un tel support. Et malgré son grand âge, il ne s'agit pas de celui qui a le plus mal vieilli, ou encore du plus difficile à numériser. En effet, la bande est large et contient peu d'informations. Ces dernières sont redondantes donc aisément récupérables lorsque le support est endommagé.

La machine devant laquelle nous nous arrêtons est presque unique en son genre et l'on peut quasiment la qualifier de survivante. On aborde ici l'une des nombreuses difficultés rencontrées par l'Ina dans la poursuite de sa mission : la disparition et la vétusté du matériel nécessaire à la lecture des différents types d'archives. La société qui l'a construite et qui fabrique les têtes s'apprête à cesser son activité et les personnes capables d'assurer la maintenance se font rares et âgées : se posent le problème de la transmission de leur savoir-faire, de la disponibilité des pièces de rechange... L'Ina réagit en stockant des têtes (il faut les changer toutes les 500 heures) et en bichonnant cette machine jugée « intransportable ». Le traitement des bandes restantes est encore estimé à deux années, au terme desquelles cette machine qui aura alors quelques 45 ans au compteur pourra prétendre à une retraite bien méritée dans un musée !

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Cette machine de plus de 45 ans ne pourrait supporter un déménagement ; on lui dispense le maximum d'attentions


La partie restauration des bandes 1 pouce a été pour nous l'occasion de voir plus particulièrement le traitement réservé aux bandes « à problème », ce que l'on vous invite à découvrir un peu plus bas.

Le nettoyage

Avant de copier les bandes, on procède à leur nettoyage. Une lame gratte les saletés tandis qu'une bande récupère les poussières. Au moyen de ce procédé, on fait tomber les particules qui de toute façon ne demandaient qu'à se détacher, et qui auraient pu empêcher le lecteur d'afficher le signal. La copie peut ensuite se faire dans de bonnes conditions.

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Le nettoyage consiste à retirer les poussières susceptible d'empêcher la lecture et la copie

Lorsqu'il faut recourir aux grands moyens

Pour la lecture de ses bandes 1 pouce et ¾ pouce, l'Ina possède un parc de huit machines. Pour ces machines, la question de la pérennité se pose à nouveau mais dans une moindre mesure : sept machines sur les huit que possède ce service de l'Ina sont consacrées au traitement des bandes et sont maintenues dans un état de fonctionnement « normal ». Une huitième se voit réservée la délicate tâche de traiter les bandes à problème. C'est une machine que l'on accepte de dérégler pour s'adapter aux spécificités de chaque bande.
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Cette machine peut être librement déréglée en fonction des besoins spécifiques des bandes

On pousse la porte de la « clinique »

Les bandes traitées ici sont susceptibles de plusieurs allers-retours vers une machine que l'on pourrait qualifier de « machine de la dernière chance ». C'est sur ses rayonnages qu'arrivent les bandes dans un état critique, le plus souvent celles qui se sont agglomérées. Pour décoller les parties qui le nécessitent, le principe consiste à soumettre les bandes à une montée en température progressive tout en augmentant le degré d'hygrométrie. Le traitement peut durer toute une nuit, au terme de laquelle on cherchera à nouveau à exploiter les bandes et à assurer leur copie. Toutefois, certaines peuvent se montrer retorses au traitement et nécessiter jusqu'à cinq passages « en clinique ».

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Les bandes récalcitrantes sont chauffées pour pouvoir être lues et copiées


On ignore encore si ce traitement n'a pas des effets néfastes à long terme, mais le choix est fait de faire primer la sauvegarde du contenu sur celle du support d'origine. Sur 1 000 bandes traitées, seules cinq resteront illisibles. Toutefois, on les conserve en se disant que peut-être un jour viendra où l'on saura les lire.

Où l'on fabrique le Mpeg que vous lirez

Pour assurer la sauvegarde de ses fonds, l'Ina a fait le choix de copier ses fonds sur cassette Bêta numérique. La durée d'enregistrement est de 124 minutes et son débit d'environ 100 mégabits / seconde. Ce support s'est imposé par ses qualités intrinsèques, la principale étant la compression sans perte. Comme tous les autres supports, sa pérennité n'est pas assurée. Il présente toutefois des garanties importantes : c'est un support sur lequel on bénéficie d'un recul de plus de dix ans et qui représente un parc important. C'est également depuis 1993, le format de production et de diffusion choisi pour les programmes « haut de gamme ».

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Les cassettes Bêta numérique ont été choisies pour la sauvegarde parce qu'elles permettent une compression sans perte


La numérisation se fait en temps réel, ce qui signifie qu'une bande d'une heure est numérisée en une heure, sans quoi un effet d'accélération se produirait. Mais au regard du système de classement mis en place, la référence de base reste le support original auquel chaque séquence numérisée continue de se référer.

Mpeg 1 et 2 pour la diffusion

Pour la diffusion de ses archives numérisées, l'Ina a fait le choix de deux formats :
  • Pour la consultation des programmes : le Mpeg 1 à 1 mégabits/seconde
  • Pour la communication des extraits : le Mpeg 2 à 8 mégabits/seconde
C'est depuis cette salle qu'est fabriqué le Mpeg que vous lirez. Ici, on pose manuellement une time line pour déterminer le début et la fin de chaque séquence et on édite une étiquette destinée à l'identification des cassettes.

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Deux magnétoscopes sont programmés pour l'écriture des cassettes, tandis qu'un ordinateur de contrôle affiche les principaux renseignements sur les séquences : l'état (numérisé / en cours / en attente), la longueur et l'heure de fin du processus.

On attire notre attention sur un point important : la fabrication simultanée, sur deux encodeurs distincts, du Mpeg 2 et du Mpeg 1. Ce choix s'explique pour une raison simple, qui est la synchronisation des extraits : lorsqu'un client sélectionne une séquence qu'il visionne en Mpeg 1, il faut être capable de lui fournir ensuite une séquence parfaitement identique dans le format de projection. Cette écriture simultanée des deux formats est le seul moyen d'y parvenir de façon systématique.

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Le Mpeg 1 et le Mpeg 2 sont fabriqués simultanément sur deux encodeurs distincts

Le stockage numérique

C'est dans ce local de la SNC (Sauvegarde, numérisation, communication des archives) qu'arrivent presque en temps direct les données numérisées à l'étage supérieur. Ce lieu dans lequel on pénètre et que l'on ne quittera qu'à regret est celui sur lequel va se clore la visite. On est introduit dans une salle sécurisée, dont les vitres qui donnent vers l'extérieur sont en verre feuilleté épais, tandis la vidéo surveillance veille au grain... Bref, rien n'a été oublié pour assurer la sécurité de ces précieuses archives, et lorsque l'on visite lieu si central, on ne peut que se prêter avec bonne humeur à l'exercice « Souriez vous êtes filmé ».

Ces locaux abritent deux types de structures : trois robots destinés au stockage des cassettes, et des serveurs pour le stockage du Mpeg 1 et du Mpeg 2.

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Deux des trois robots de diffusion


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À gauche les serveurs destinés au stockage du Mpeg 2, en face ceux pour le Mpeg 1


Le choix du Mpeg 1 à 1 mégabits/seconde n'est sans doute pas celui que l'on ferait si la question se posait aujourd'hui. Le Mpeg 4 serait en effet préférable, mais pour l'instant on continue de miser sur des choix techniques qui ont été pertinents à une époque.

Quand un support chasse l'un qui chasse l'autre...

On attire notre attention sur la mention « Ultrium LTO 3 » qui orne la cartouche , et qui indique qu'il s'agit d'un format ouvert (LTO pour Linear Tape Open). Miser sur cette technologie n'est pas une précaution inutile lorsque l'on se réfère au cas des cassettes Sony dont on parle au paragraphe suivant. Ce format ouvert est proposé par plusieurs marques, ce qui permet à l'Ina de pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Cette technologie LTO représente également la garantie que le format continuera à être amélioré : le doublement de la vitesse et de la capacité de stockage est ainsi prévu à chaque nouvelle génération, rien que cela !

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Choisir plusieurs marques permet de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier


Avant de confier ses précieuses archives à la garde de ce format ouvert, l'Ina utilisait des cassettes DTF (Digital Tape Format), un format propriétaire de Sony, puis stockait les données dans un robot Petasite. Malheureusement, comme le pointe si bien le doigt (accusateur ?)de cette photo, Sony a décidé de s'arrêter à la version deux de ce support et de se tourner vers un autre. Pour l'Ina, cela implique à court terme de basculer les données ainsi enregistrées vers un autre support. À court terme car on peut considérer qu'elles sont dores et déjà menacées : entre les durées de conservation et de lecture théoriques, on peut retenir que la pérennité des bandes n'est garantie que pour cinq ans. Inutile de dire qu'il ne s'agit pas d'attendre l'expiration de ces cinq ans pour se poser la question de la suite. Bernard Rocher estime à six mois le temps nécessaire au transfert sur d'autres supports des fonds déjà existants.

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Sony a tiré sa révérence après la génération 2 de ce support


La diversité dans le choix des marques est d'ailleurs l'un des leitmotivs de Bernard Rocher qui mène cette partie de la visite. Pour écarter tout risque lié à un vice caché, on évite de s'équiper chez un seul et unique fabricant. Si une série de cassettes venait à se révéler défectueuse, c'est l'ensemble des données qui serait d'un coup perdue. Cette précaution qui parait de bon sens (mais le bon sens n'est jamais trop partagé !), est appliquée à tous les équipements, dont les Disques durs, Processeurs et autres cartes mère qui proviennent également de constructeurs différents.

Perspectives

On le voit, la numérisation des données n'est pas la solution ultime pour la sauvegarde du contenu. Les supports continuent de changer, et même si on bénéficie aujourd'hui d'une visibilité supérieure à ce qu'il a pu en être par le passé, on est toutefois encore engagé dans un processus continu de migration d'un support vers un autre. Une fois que la course contre la montre entreprise pour sauvegarder les archives les plus menacées sera achevée, on se retrouvera pris dans un éternel recommencement. Toutefois, il y a tout lieu de se réjouir lorsque l'on observe que le processus de numérisation et de transfert va en s'accélérant. Migrer d'un support vers un autre prendra de moins en moins de temps.

Qu'en serait-il du stockage exclusivement sur serveur, pouvons-nous demander ? Il s'agit en fait d'une solution impossible à retenir en raison des coûts qu'elle induirait. En effet, pour y maintenir les données, il faut assurer le refroidissement des machines et le froid est complexe et très coûteux à fabriquer. De même, l'onduleur nécessaire à la protection de tels serveurs atteint des prix prohibitifs. Pourtant, Bernard Rocher se prend volontiers à rêver d'une numérisation directe en Mepg 2 à 50 Go. Un jour peut-être ...

Titre de l'extrait / Durée / Nature / Description...

La documentation est l'une des étapes-clés dans la mission qui incombe à l'Ina, puisqu'elle permet de classer et retrouver chacun de 2,5 millions de documents dont il est le dépositaire !

La structuration en particulier, est le domaine de Catherine Teillou, la responsable de la vidéothèque, qui est à la tête d'une « armée » de soixante documentalistes. Toutes ces petites mains ont pour charge de compléter la base de données en renseignant les notices documentaires qui accompagnent chacune des séquences, en complétant l'indexation initiale fournie par les chaînes. La classification s'articule autour des deux rubriques clé que sont les « Thèmes » et les « Personnalités ». Elle s'est ensuite ramifiée, au fil des années et au fur et à mesure qu'avançait le travail de documentation. Même si elle a fait ses preuves sur la durée, cette structuration ne donne pas entière satisfaction aujourd'hui.

Déjà, il y a les lacunes : les sciences et techniques ne sont pas le point fort de l'Ina, beaucoup plus fréquemment sollicité pour fournir des archives liées à la politiques au aux médias. C'est un manque qu'il faudra combler. Ensuite parce qu'une fois appliquée à la version grand public du site, on se rend compte que certaines rubriques a priori riches en informations se réduisent comme peau de chagrin. C'est le cas du sport notamment, rubrique qui a déçu plus d'un internaute surpris de ne trouver qu'un ou deux programme au terme de sa recherche. Pourquoi une telle situation ? C'est en se tournant vers les problématiques de droit d'auteur que l'on trouve la réponse à cette question, et à bien d'autres.

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Les sciences et le sport ne sont pas les points forts de l'offre grand public


L'Ina, intermédiaire entre les diffuseurs et les ayant droits

Il faut croire que, de tous les ayants droit, ceux du domaine sportif sont les plus jaloux de leurs prérogatives. Si les droits s'y négocient toutefois, c'est chèrement, bien trop pour la partie publique du site qui ne propose aucun contenu au-delà de douze euros. Douze euros, c'est beaucoup trop diront déjà certains, qui mettent en avant qu'en payant la redevance qui compte pour une bonne partie du budget de l'Ina, ils ont déjà payé pour ces archives que l'institut prétend à nouveau leur facturer de un à douze euros.

Les Français sont-ils d'éternels mécontents ? L'Ina pousse-t-il le bouchon un peu loin ? Rien de tout cela ! La « faute » effectivement à ces droits d'auteurs qu'il faut négocier et dont il faut s'acquitter pour toute utilisation des archives. Il faut attendre cinquante ans pour que tombent les droits d'auteurs. Une fois appliquée aux archives de l'Ina, constituées de 70 ans de radio et 60 de télévision, cette information permet de juger de la part importante de contenu encore soumis aux droits.

Mais revenons en au prix. Sur les douze euros que coûte telle émission, l'Ina - qui s'occupe à la fois de la gestion et du reversement des droits - en reverse 5,5 euros aux ayants droit (46 % du tarif). Le montant des droits varie bien évidemment en fonction du support, de l'heure et du nombre de projection... et pour les clients « professionnels », ils peuvent tout à fait s'envoler.

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Pour acheter une œuvre, il vous en coûtera de 1 à 12 euros. L'ensemble de la politique tarifaire est accessible depuis cette page


En matière de droits d'auteur, la politique de l'Ina est celle de la prudence. Le service en charge des droits d'auteurs a pour tâche d'obtenir le maximum d'autorisations, et il a fonction d'intermédiaire entre les diffuseurs et les ayant droits. Lorsqu'il manque des éléments, mettre en ligne une archive est un risque à prendre que l'Ina se gardera le plus souvent de courir. Pourtant, il y a des « ratés ». Ainsi, une émission du 22 janvier 1966 consacrée à Claude Nougaro a été mise en ligne au regard d'un dossier de droits (le document dans lequel les données juridiques sont capitalisées) complet. C'était compter sans l'intervention de Jean-Pierre Leloir, l'auteur des photos de Louis Armstrong visibles à l'arrière plan, qui s'est fait connaître et à argué de ses droits d'auteurs. L'Ina s'est retrouvé engagé dans un procès qu'il a bien entendu perdu. Le photographe a obtenu un paiement pour trois des dix clichés figurant à l'arrière-plan, les sept autres ayant été considérés comme vraiment trop peu visibles. Pour autant, il ne faut pas croire que l'Ina perd tous ses procès !

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Il faut scruter chaque archive à la recherche d'un décor, d'un monument, d'une musique... susceptible d'être soumise aux droits d'auteur

Où l'on revient sur l'offre « Archives pour tous »

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C'est le travail de numérisation entrepris depuis sept ans, et dont nous venons de remonter une à une les grandes étapes, qui a permis d'aboutir à la disponibilité d'archives sur le site. L'Ina a investi 700 000 euros pour initier ce projet. Le 27 avril dernier, l'Ina a donc mis en ligne sur son site « Archives pour tous » 10 000 heures de programmes soit l'équivalent de 100 000 émissions. Jusqu'alors les archives de l'Ina n'étaient accessibles qu'aux professionnels et aux personnes accréditées. Avec ce projet, on n'assiste pas seulement à un changement de mentalité, mais littéralement à une petite révolution dans le secteur. Comparée aux teasing de dix secondes de la BBC ou à l'offre congrue de Radio Canada, deux de ses homologues dans le monde, l'offre de l'Ina apparaît sans équivalent par sa volumétrie et sa gratuité.

Pour proposer une partie de ses archives en téléchargement, l'Ina a du faire des choix techniques. Pour préserver les droits des ayant droits, il a opté pour un tatouage des fichiers et une protection DivX. Le tatouage, mis au point par , est mis sur le flux vidéo pour identifier l'utilisateur à l'origine de l'achat du document et de remonter jusqu'à lui en cas de diffusion du fichier. Cette protection concerne 20% du contenu, celui qui est payant. Les dix premières minutes du programme peuvent être visionnées gratuitement. Il faut ensuite s'acquitter d'un paiement de 1 à 12 euros pour, au choix, louer ou acquérir définitivement le programme en le téléchargeant.

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Les 10 premières minutes des programmes payants peuvent être visionnées gratuitement.
Pour en voir plus, il faut acheter ou louer le programme


Le site est consultable sur Windows, Mac et Linux et fonctionne avec les principaux navigateurs Internet (Explorer, Firefox, Safari, , etc.). Les archives gratuites sont diffusées en streaming (380Kb/s) et les fichiers audio encodés en MP3 à 64Kb/s.

Les projets

L'Ina ne compte pas s'en tenir à une augmentation du volume d'archives (5 000 heures de programmes supplémentaires chaque année) proposées au téléchargement. De très nombreux projets, encore dans les cartons pour la plupart, ne demandent qu'à voir le jour. Dores et déjà, on sait qu'en septembre le site s'enrichira d'une rubrique « Apprendre » qui viendra en complément des enseignements scolaires de la 6 e à la terminale. Plus proche de nous dans le temps, la rubrique « Rendez-vous » sur laquelle sont programmées les 450 heures du procès Papon. Jour après jour, du 24 mai au 12 septembre, nous pourrons donc suivre en streaming ce grand moment de l'histoire.

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Dès le 24, dans la rubrique « Rendez-vous », on pourra suivre le procès Papon tout à long de ses 450 heures


Quelles sont les priorités qui conduisent à la numérisation de tel contenu avant tel autre ? D'une part l'état des archives (Les fonds antérieurs à 1990 font l'objet d'une sauvegarde systématique), d'autre part la demande des diffuseurs et plus généralement les besoins de l'actualité (Cannes en ce moment, une personnalité dont on imagine le décès prochain...).

Conclusion

Quand on quitte l'Ina après une telle visite, qu'on franchit les grilles dans l'autre sens et que l'on dit au revoir au gardien, c'est forcément avec un certain pincement au cœur. D'abord parce que le temps a passé trop vite et qu'au regard de tout ce qu'il y aurait à découvrir, on se rend compte que l'on a fait qu'effleurer le sujet. Ensuite parce que dans ces locaux règne une telle ébullition que l'on se prend à imaginer qu'il suffirait de s'y attarder un peu pour voir trois projets éclos.

Il faut dire effectivement que la direction de la communication ne manque pas de vitalité. On aurait pu croire que le lancement du site et son succès qui a - et de loin - dépassé toutes les espérances, aurait mis KO pour quelques temps cette équipe. Mais il n'en est rien et passés le lancement et les réponses aux assauts de la presse, l'équipe de communication a retrouvé ses esprits et ses couleurs. En se rendant sur place, on sent par ailleurs que cette ouverture des archives au public via le site était en quelque sorte l'hirondelle qui annonçait le printemps. À l'Ina, on ne se contente pas de conserver et archiver des données, on les fait vivre. Le contenu est décodé par les documentalistes, mis en avant par les concepteurs, enrichi par les rédacteurs, tandis que le site conçu pour s'adresser au grand public se propose de servir de vitrine à l'Ina toute entière et de se poser en page d'accueil. Tout y est fait pour garder l'internaute (le téléspectateur ?) captif : on navigue du journal de notre naissance au concert de Jacques Brel chantant « Mon enfance », on ajoute du contenu glané ça et là aux favoris au moyen de la rubrique « Rebondir », pour le consulter à la prochaine visite...

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L'interface du site « Archives pour tous » a vocation à venir remplacer celle du site institutionnel


L'Ina commence à faire son show et l'on se prend à penser qu'elle peut encore faire plus ou autre chose que « seulement » se mettre au service de la programmation des chaînes et radio. À quand une « Ina TV » dans les grilles de nos programmes télé ?
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