Threads débarque enfin en Europe, avec l'ambition de grappiller des parts de marché à X. L'application de Meta peut-elle s'imposer pour devenir un concurrent sérieux au leader du secteur ?
Threads est officiellement disponible en France depuis ce 14 décembre 2023. Le réseau social de Meta était sorti l'été dernier dans le monde entier, sauf en Europe, le géant du numérique devant encore adapter son produit aux exigences du RGPD.
Absent du Play Store d'Android et de l'App Store d'iOS, Threads avait été accessible quelques jours dans nos contrées en téléchargeant l'APK depuis un magasin d'application tierces sur l'écosystème de Google, ou en modifiant la région de son compte sur celui d'Apple. Puis Meta avait bloqué sa plateforme aux utilisateurs européens en se basant sur leur localisation. La nécessité d'utiliser un VPN avait alors mis un sérieux coup d'arrêt à l'usage de Threads en Europe.
Mais voici désormais que tout le monde peut accéder au service au sein de l'Union européenne. Threads a atteint 100 millions d'utilisateurs en un temps record sans les utilisateurs européens, ce nouveau lancement devrait lui permettre de connaître une seconde période de forte croissance. Nombreux sont ceux qui cherchent une alternative à X (Twitter), alors que Mastodon et Bluesky ne semblent pas équipés pour répondre à la demande du grand public.
Threads peut-elle être l'application qui fait de l'ombre à X ? Voici nos premières impressions après la prise en main du service.
Une version web pour threader sur PC
Il y a plusieurs mois, nous avions déjà eu l'opportunité de tester Threads. Nous vous avions d'ailleurs concocté un comparatif entre Threads et Twitter afin de mettre en avant les forces et faiblesses du nouvel arrivant. Depuis, Meta a déployé un certain nombre de mises à jour, permettant d'enrichir l'expérience proposée par Threads. Voici donc ce qu'il en est actuellement.
Première nouveauté, et pas des moindres, Threads existe désormais sous la forme d'un site web. Le service peut donc être ouvert sur n'importe quel navigateur web et plus seulement depuis un appareil mobile. La plupart des fonctionnalités principales de l'application sont supportées : publier des threads, répondre, aimer, citer ou republier ceux d'autres utilisateurs, rechercher des contenus, changer le type de fil affiché…
Autre changement important, sans doute implémenté pour contenter l'Union européenne, il est dorénavant possible de naviguer et consulter des threads sans besoin de se connecter à un compte. Pour publier ou interagir avec du contenu, il faut par contre s'identifier avec un profil Threads, relié à un compte Instagram.
Il reste regrettable de devoir créer un compte Instagram lorsque l'on est intéressé que par Threads. De même, l'on n'a pas forcément envie d'établir une relation entre son Instagram et son Threads, le premier cité étant souvent réservé pour une sphère privée, alors que le second vise un usage plus public. Au moins, contrairement aux débuts de la plateforme, les utilisateurs peuvent maintenant supprimer leur profil Threads sans conséquence pour leur compte Instagram.
Une UI et des fonctions simples, mais efficaces
L'interface de Threads reprend les codes attendus du format micro-blogging. Si vous êtes habitué à Twitter, vous ne serez pas perdu en lançant son concurrent chez Meta. L'accueil de l'app est constitué d'un fil de messages. L'onglet « Pour vous » est alimenté par des contenus choisis par les algorithmes de Meta, selon les sujets qui vous intéressent, les personnes que vous suivez et avec qui vous interagissez, et d'autres critères. Un deuxième espace, « Suivi(e)s », permet d'afficher uniquement les threads des comptes que l'on suit, par ordre chronologique. Il est possible de passer à la volée de l'un à l'autre flux. L'application se souvient de votre ultime choix et s'ouvre sur la timeline affichée en dernier.
Comme sur X, on peut aimer, commenter, citer, republier et partager les contenus diffusés sur Threads. Il n'y a par contre pas d'option similaire au signet pour enregistrer un thread intéressant que l'on veut retrouver facilement plus tard. Meta a annoncé une fonctionnalité de traduction des messages écrits dans une autre langue, mais elle ne nous a jamais été proposée lors de notre test, ni sur mobile, ni sur desktop.
Les threads sont limités à 500 caractères. Comme son nom l'indique, la plateforme encourage ses utilisateurs à publier des fils de messages qui se suivent. Vous pouvez donc préparer un thread constitué de plusieurs messages dès la création de celui-ci, vous n'avez pas à répondre à votre propre message déjà publié pour constituer un fil de discussion artificiellement.
Le premier message d'un thread s'affiche toujours en entier dans la timeline, puis il faut l'ouvrir pour voir ceux qui suivent. L'affichage est très agréable, surtout que Threads ne montre aucune publicité pour l'instant. Bien entendu, cette situation ne devrait pas durer bien longtemps, mais autant en profiter tant que c'est encore le cas.
Threads se veut être une plateforme multimédia. Elle encourage l'utilisation de liens, d'images, de vidéos (d'une durée jusqu'à 5 minutes), et même d'enregistrements vocaux (jusqu'à 30 secondes) ou de sondages pour enrichir le contenu. Les GIF, absents à la sortie de l'app, sont désormais pris en charge. Sur PC, la version web permet d'intégrer des médias par copier-coller ou par glisser-déposer. Il faut par contre éviter les erreurs au moment de choisir son ou ses médias, Threads n'autorise par leur suppression. On doit alors recommencer son message depuis le début.
On ne peut qu'apprécier le fait de pouvoir éditer ses messages durant 5 minutes après leur publication. Cela permet de corriger une erreur, d'ajouter ou supprimer un média ou de réorganiser son thread sans devoir tout supprimer et recommencer. Rappelons que la fonction d'édition exige un abonnement payant sur X. La limite des 5 minutes a été fixée pour empêcher les utilisateurs de modifier abusivement leurs propos après que leur thread soit devenu viral.
Pour catégoriser son message et accroître sa visibilité, Threads offre d'ajouter un unique hashtag. La fonction de recherche s'est d'ailleurs améliorée depuis notre dernière utilisation, puisque l'on peut maintenant trouver des contenus par mots-clés. Cet outil ne servait auparavant qu'à dénicher des comptes.
Enfin, sur l'application mobile uniquement, un appui sur la cloche située en haut à droite d'un thread ouvert permet d'activer les notifications pour cette discussion spécifique pendant 24h. Un nouvel appui sur la cloche désactive l'option.
Threads, étroitement imbriqué à Instagram
Logiquement, Meta a établi des ponts entre Threads et Instagram. En se rendant sur le profil de Threads de n'importe quel utilisateur, nous avons la possibilité d'être renvoyé vers son compte Instagram en cliquant sur le logo du réseau social. Pour les créateurs de contenus et les marques, Threads peut servir de passerelle pour faire connaître leur compte Instagram, sans doute le réseau social qui offre les meilleurs outils de monétisation actuellement. De même, sur votre profil Instagram, un lien renvoyant vers votre Threads est automatiquement créé à la création de ce dernier.
Threads est également doté d'une fonction pour partager facilement une publication en story ou en publication sur Instagram ou par message privé sur WhatsApp ou Messenger. En parlant de DM, Threads souffre toujours de l'absence d'une messagerie pour communiquer en privé avec un autre utilisateur ou en groupe. Ce n'est vraiment pas pratique de devoir passer par une autre application pour communiquer par DM, surtout que l'on n'a pas forcément le contact des utilisateurs de Threads auxquels on souhaite parler sur les autres plateformes.
Ce qu'il manque à Threads
En plus des messages privés, il manque quelques fonctions qui semblent importantes pour que Threads devienne aussi complet que Twitter. Nous avons déjà évoqué l'intérêt d'introduire un système de signets ou de marque-pages, mais cela ne s'arrête pas là.
Si la recherche de contenus est meilleure qu'à ses débuts, Threads reste limité en la matière. Des filtres comme la date de publication ou le type de média intégré au thread permettraient d'affiner les recherches. L'impossibilité de programmer des threads est aussi un problème important, surtout pour les professionnels du community management qui ne peuvent pas s'organiser comme sur les autres réseaux sociaux.
Par rapport à Twitter, d'autres fonctionnalités pouvant se révéler bien utiles manquent à l'appel. On pense aux Spaces pour créer des salons vocaux, aux Circles pour publier des messages qui ne sont vus que par un groupe d'utilisateurs restreints de notre choix (d'autant plus opportun sans messagerie native), ou encore à des options de typographie de texte riche : des couleurs, du gras, de l'italique…
Threads ne possède pas non plus d'équivalent des Trending Topics, un élément pratique pour être tenu au courant des sujets du moment dans le monde ou dans sa région.
Threads va-t-elle tuer X (Twitter) ?
L'engouement de Threads et son succès dans les pays anglo-saxons laissent suggérer que Threads va vite devenir un réseau social qui compte. Elon Musk a réussi l'exploit de donner le rôle du sauveur à Mark Zuckerberg en multipliant les décisions contestables pour X et en sabordant la modération de sa plateforme.
De son côté, Threads mise sur l'ouverture pour montrer patte blanche. Meta a annoncé être en train de tester la prise en charge par Threads du protocole ActivityPub. À l'avenir, le réseau social pourrait donc proposer une interopérabilité avec d'autres plateformes également compatibles, comme Mastodon, WordPress, Nextcloud ou Pixelfed.
La question du modèle économique se pose aussi. X favorise largement ses abonnés payants, qui bénéficient non seulement de fonctionnalités plus avancées, mais aussi d'une mise en avant privilégiée des contenus. Un système qui agace, et si Threads continue de se développer à ce rythme en restant gratuit, celui qu'on appelait Twitter a bien des soucis à se faire.
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