Et si l'ADN pouvait se comporter comme n'importe quel périphérique de stockage, capable de stocker la suite de 0 et 1 qui constitue l'essence de nos contenus numériques ? Le postulat n'est pas nouveau, mais connaît un regain d'intérêt suite à la parution, via le prestigieux magazine Science, des travaux de deux chercheurs de l'université de Harvard. Ils ont en effet réussi à stocker la copie numérique de l'ouvrage que publiera bientôt l'un d'entre eux dans quelques microgrammes de matière faite de molécules d'ADN synthétisées. Forts du succès de leur expérience, ils estiment que la densité de stockage atteinte est telle que l'on pourrait théoriquement stocker l'ensemble des informations produites dans le monde en 2011 (1,8 zettaoctet, soit 1,8 x 1021 octets) dans environ 4 grammes d'ADN.
L'acide désoxyribonucléique, ou ADN, se présente pour mémoire comme une molécule composée de brins complémentaires, eux-mêmes composés d'une suite de nucléotides, dont l'ordre détermine l'information génétique. Ceux-ci s'organisent selon quatre bases (T, G, A et C), que l'on peut aisément faire correspondre à un système binaire (T et G représentent le 1, quand A et C incarnent le 0). En synthétisant une molécule d'ADN, on peut donc envisager d' « écrire » des informations. Sur chaque brin, une partie des « bits » disponibles a été réservée à l'enregistrement d'un code permettant de déterminer l'ordre de lecture des différents fragments.
Restait à trouver le support adéquat. Plutôt que d'opter pour une cellule vivante - susceptible de mourir, mais aussi de se reproduire, les deux chercheurs ont opéré la synthèse sur un substrat en verre. Ainsi figé, l'ADN devient virtuellement inaltérable, capable de résister à des températures extrêmes, à la différence de la plupart des supports physiques actuels. Les données peuvent ensuite être retrouvées par l'intermédiaire d'une traditionnelle opération de séquençage, un algorithme informatique se chargeant alors, après lecture, de reconstituer les différents fragments.
Densité et longévité exceptionnelles feront-ils de l'ADN un support de choix pour l'archivage de documents ? Aujourd'hui, le principal écueil reste bien entendu la complexité de mise en oeuvre du dispositif, puisqu'il faut disposer de l'équipement nécessaire à la synthèse, puis d'un séquenceur afin de procéder à l'extraction. Les deux chercheurs présentent, en anglais, leurs travaux dans la vidéo ci-dessous.