De la combinaison de ces différents aspects est né un marché gigantesque, celui des produits dérivés des visages de ces héros imaginaires, dont une incroyable collection d'appareils et accessoires électroniques et électroménagers. Forts et fiers du succès de ce type d'engins dans l'archipel, conscients aussi de l'engouement suscité par la culture populaire nippone à l'étranger, les Japonais rêvent d'un « kyarakuta bijinesu » (business des mascottes) mondial. Jean-Paul Nishi, dessinateur japonais qui a publié plusieurs séries de mangas où il brosse le portrait des Français en général et des Parisiens en particulier, doute cependant que, contrairement à ses compatriotes, les « furansujin » soient prêts à acheter un PC, un baladeur, un téléviseur, un téléphone portable ou un appareil photo à l'effigie de ... (lisez le manga !)
Au Japon, le marché des « kyarakuta » (licences et produits dérivés) affleure annuellement les 2 500 milliards de yens (22 milliards d'euros). Selon une étude réalisée en 2009 par l'institut Yano Keizai, tous les publics adolescents et adultes (hommes et femmes, de 16 à 70 ans) adorent les figurines, dans des proportions certes variables, et sont volontiers acheteurs d'articles afférents. Même chez les sexagénaires, 27 % des hommes et 35 % des femmes ont un petit faible pour un ou plusieurs personnages, pas nécessairement japonais au demeurant. Les commerçants en ligne comme Rakuten ne s'y trompent pas, qui ont des sections spéciales permettant de trouver rapidement tous les produits déclinés d'un personnage donné, en deux temps trois mouvements.
Les groupes d'électronique ou d'autres secteurs savent aussi que lorsqu'ils veulent toucher précisément telle ou telle cible, rien de tel qu'un personnage pour la séduire. L'opérateur de services cellulaires Softbank n'a ainsi pas hésité à louer à Disney une partie de son réseau pour faire venir à lui la clientèle des filles d'une vingtaine d'année avec une gamme spéciale de téléphones et services couverts de Mickey et Minie partout.
Vous n'imaginez pas non plus la quantité incommensurable d'accessoires informatiques et pour baladeurs ou téléphones mobiles portant les trombines d'une ribambelle de personnages plus ou moins trognons.
On tombe des nues dans les temples de l'électronique comme Bic Camera ou Yosdobashi devant les étalages interminables de clefs ou mini-hubs USB, souris, etc., tous plus personnifiés les uns que les autres. De jeunes Nippones ont parfois des breloques pendues à leur mobile dont l'encombrement et la masse font 10 fois ceux du téléphone lui-même.
Récemment, les coques spéciales pour Smartphone ont particulièrement le vent en poupe, à commencer par celles destinées aux iPhone d'Apple, mais pas seulement. One Piece, le manga du moment, une histoire loufoque de pirates signée Eiichiro Oda, habille ainsi, entre autres, le mobile IS-03 de Sharp conçu spécialement pour le deuxième opérateur japonais, KDDI.
Bien que One Piece soit publié dans le magazine hebdomadaire Shonen Jump, soi-disant destiné au lectorat adolescent masculin, cette série se taille un succès inimaginable auprès d'hommes et femmes de plus de 30 ou 40 ans. C'est bien à eux d'ailleurs que sont aussi destinées les protections iPad avec les héros de One Piece.
Dans cet océan de babioles, se trouvent surtout nombre de produits tirés de la poule au œufs d'or (ou la vache à lait) Hello Kitty !, dont l'éventail est assurément le plus large, puisque y figurent aussi des ordinateurs, lecteurs de CD, caméscopes, appareils photos, téléviseurs, grille-pain, autocuiseur à riz, on en passe et des plus étranges.
Autre minou incontournable ultra-sollicité, qui est aux garçons ce que Kitty est aux filles, Doraemon, le chat bleu venu du futur, héros du manga éponyme, aussi instructif qu'amusant créé en 1970 par Hiroshi Fujimoto (alias Fujio F. Fujiko), et dont le ventre recèle des gadgets improbables. Doraemon, personnage que les Japonais se recommandent de génération en génération et dont ils gardent un souvenir nostalgique, est ainsi le motif d'une montre Nooka, clairement destinée à des adolescents ou adultes, ne serait-ce que par son mode de lecture de l'heure !
La variante « Dorawatch Dive in » étanche, en série limitée, n'est pas non plus conçue pour les enfants. Avoir Doraemon à ses côtés comme le jeune Nobita dans le manga est presque possible avec le robot Doraemon que l'on peut parfois apercevoir dans des magasins spécialisés. Comme pour Hello Kitty !, il y a aussi la guitare Doraemon.
Les vieux produits ont aussi la cote, notamment sur les sites d'enchères, à des prix qui laissent parfois pantois: ainsi trouve-t-on des anciens vrais ou faux mobiles hors d'usage ou n'ayant jamais été fonctionnels mais dont la valeur tient seulement à leur esthétique inspirée d'un manga ou d'une série animée, comme un exemplaire « jouet » à 18 800 exemplaires tirés de Kamen Riders (Motards masqués, de Shotaro Ishinomori).
Les entreprises, les autorités locales, les organismes publics, y compris les ministères, n'hésitent pas non plus à créer des mascottes qui, pour les plus populaires, finissent aussi en gadgets électroniques. Il existe par exemple une mascotte pour symboliser la télévision numérique terrestre et la promouvoir à travers le pays pour que tous les foyers soient équipés avant l'interruption des émissions analogiques le 24 jullet (sauf dans les régions sinistrées du nord-est). Parmi les plus célèbres figurines du moment citons le Pinguin des cartes de transport à puce sans contact Suica proposées par la compagnie de chemin de fer JR Higashi Nihon (JR east), le champinon "Docomodake" du premier opérateur mobile nippon NTT Docomo, l'écureuil « Lismo » symbole du service de musique de son concurrent KDDI, ou encore la star des publicités de Softbank, le chien blanc « oto-san », qui pour le coup, est un vrai.
Pour terminer, sachez qu'à l'inverse, Jean-Paul Nishi n'est pas le vrai nom de notre mangaka, mais celui de son « kyarakuta » (personnage) mis en scène notamment dans « Paris, aishiteruze » (« Paris, ma chérie »), manga à paraître le 21 mai au Japon, où notre collaborateur (de son vrai nom Taku Nishimura) évoque à la fin « Clubic », ses rédacteurs et lecteurs.