Nombreux sont les consommateurs qui, saluant les progrès, jugent en effet leur smartphone suffisant pour immortaliser les instants de la vie quotidienne, et bien plus pratique pour partager avec la planète entière les moments intimes, comme l'illustre le mangaka japonais Jean-Paul Nishi, suivant la populaire expression des jeunes Nippons "imakoko" (maitenant, ici), ou comment on en est arrivé là en peu de temps.
Face à la nouvelle menace des smartphones, les Nikon, Canon, Olympus, Pentax, Fujifilm, Casio, Sony, Panasonic ou autres acteurs japonais du secteur sont forcés de concevoir soit des appareils compacts ultra-performants, mais aussi hyper-compétitifs, soit des modèles plus évolués mais touchant un public plus large que les boîtiers à visée Reflex, lesquels, de par leur encombrement, sont réservés à des usages plus rares. Ces dernières semaines, dans les rayons des empires de l'électronique japonais sont pleins de nouveautés assez fascinantes, soit par leur rapport performances/prix, soit par leur design, soit par leurs fonctions, soit par les technologies qu'elles enferment. Sans dresser une liste exhaustive, quelques exemples suffisent pour prendre la mesure des tactiques mises en oeuvre par les uns et les autres afin de susciter l'envie des chalands.
Côté rapport performances/prix, la palme revient sans doute actuellement à Sony, dont l'un des plus récents modèles compacts, le Cybershot DSC-HXV9, se targue d'un capteur 16 millions de pixels, d'un zoom optique 16X doublé d'un zoom numérique assorti d'un système de compensation des mouvements proprement ahurissant (photos nettes sans pied). Un zoom avec une telle portée (équivalent d'un 600 mm), mais entièrement optique cette fois, est la particularité d'un appareil concurrent, le SZ-30M d'Olympus (zoom 24X), qui en revanche encaisse moins bien les tremblements et qui, du coup, sort des images souvent floues. Reste que les deux appareils, enrichis de bien d'autres spécificités et que l'on peut avoir facilement en permanence sur soit, remplissent si bien leur office qu'aucun smartphone ne peut, à ce jour, prétendre rivaliser.
On se demande d'ailleurs comment les deux entreprises parviennent à dégager des profits sur ces modèles, vendus entre 250 et 300 euros. Qui plus est, même à ces tarifs plutôt bon marché, ni l'un ni l'autre, ne ressemble à de la camelote, bien au contraire, finition excellente surtout pour le Sony, qui, cerise sur le gâteau, est "made in Japan", une précision qui compte pour les Nippons. Autant dire que vu la cherté actuelle du yen, il est mécaniquement bien plus coûteux de produire quoi que ce soit au Japon qu'un équivalent en Chine ou même en Corée du Sud. A noter que Sony façonne aussi au Japon, et en quantité croissante, des capteurs CMOS utilisés tant pour les smartphones que pour les appareils photo numériques.
Achetés dans un temple de l'électronique, les modèles susmentionnés permettent d'obtenir en plus un à-valoir correspondant à 10% du prix, ce qui couvre le tarif d'une carte-mémoire plutôt confortable de 8 gigaoctets. A titre indicatif, les appareils photo compacts d'entrée de gamme mais de cette année les moins chers en rayon sont vendus moins de 10 000 yens (moins de 100 euros), ce qui est le cas du Sony DSC-W530 qui, pour ce petit prix, est quand même pourvu d'un capteur 14 millions de pixels et décliné en une variété de coloris. Pour le même tarif, Fujifilm est capable de proposer un modèle avec un capteur 16 millions de pixels, un zoom 5X, la possibilité de prendre des vidéos haute-définition et de les poster simplement sur le site de partage Youtube.
Sur le volet du design, mention spéciale à Fujifilm justement, qui vient d'annoncer, dans la catégorie des appareils compacts toujours, le très joli X10, un modèle qui suit le X100 et qui sera disponible au Japon le 22 octobre. Ce boîtier rappelle les bons vieux modèles à film argentique, tant par sa forme que par sa matière. Particularité, il est équipé d'un viseur (et pas seulement d'un écran) et d'un zoom contrôlé par une bague rotative d'objectif, offrant ainsi une prise en main et une gestuelle qui plaîsent aux amateurs avertis et professionnels, dont font assurément partie les premiers candidats à l'achat de ce produit. Prix attendu : aux environs de 650 euros. L'attractivité par l'esthétique réveillant les nostalgiques prêts à débourser des sommes relativement importantes est une tendance qui n'est pas nouvelle et que cultive par exemple depuis plusieurs années Olympus avec sa série E-Pen.
La même approche se remarque aussi chez Pentax (récemment racheté par son compatriote japonais Ricoh) qui a sorti fin août au Japon un mini-reflex, le Pentax Q, presque plus petit qu'un compact. Il accepte des optiques spécifiques de type "fish eye", "toy lens telephoto", "toy lens wide", toutes pensées pour réaliser des clichés un peu trafiqués dans un but artistique.
Chez Casio, une des stratégies pour que les appareils photo continuent de tenir la dragée haute aux smartphones, consiste à jouer sur le design et sur des usages bien particuliers en exploitant les points forts de la maison. Casio, qui fut pionnier en matière d'appareils photo numériques mais reste surtout connu à l'étranger pour ses montres ultra-résistantes et étanches G-Shock ou Protrek, a sorti récemment une gamme Exilim (G1) imaginée par des designers réputés. Outre des modèles conçus pour affronter les rudes conditions extérieures, Casio se distingue par des engins comme le EX-FH100, capable de saisir la bagatelle de 40 clichés en une seconde, par une seule pression du déclencheur. Depuis le lancement des Exilim il y a une dizaine d'années, les modèles de Casio se démarquent par la rapidité de saisie, enregistrement, traitement, bref par la célérité du logiciel qui contrôle le tout.
Au-delà du prix, du design, des fonctionnalités uniques et autres atouts des modèles compacts, pour que les appareils photo continuent d'avoir des raisons d'exister face aux smartphone, les fabricants nippons misent enfin sur une nouvelle catégorie, à mi-chemin entre les compacts et les traditionnels Reflex, ceux que l'on appelle les "mirrorless", autrement dit des "Reflex sans miroir" aussi surnommés "compacts à objectif interchangeable". A l'instar des reflex et contrairement aux compacts classiques, les mirrorless ont aussi l'avantage de faire vendre par la suite des objectifs.
Sony fut parmi les premiers à tabler sur cette nouvelle famille, avec les modèles NEX qui s'incrivent dans un registre voisin des E-Pen d'Olympus ou des Lumix GF de Panasonic. Ces appareils sont dépourvus de viseur optique, d'où la simplification du système et la taille réduite. Certains ont cependant un viseur électronique ou peuvent en recevoir un en option.
Le succès de ces gammes au Japon, notamment auprès des très nombreuses femmes photographes amateurs, incite les grands noms ancestraux de la photo à se lancer dans l'aventure, en prenant des précautions toutefois pour ne pas cannibaliser le marché encore croissant et très lucratif des Reflex traditionnels. Nikon va ainsi proposer le 20 octobre au Japon sa première gamme de reflex sans miroir, les Nihon One (J1 et V1). Fujifilm a promis cette semaine de faire de même l'année prochaine.
Les "sans miroir", que l'on appelle aussi parfois "les Reflex de petit format", représentent déjà au Japon de 30% à 40% des ventes de modèles Reflex. Au niveau mondial, les "sans miroir" ne correspondent encore qu'à un dixième des ventes de Reflex, mais la proportion pourrait approcher celle du Japon. De fait, on voit mal comment Canon, qui n'a encore rien dit sur le sujet, pourrait faire l'impasse sur ce potentiel gros marché. A suivre.