A son corps défendant, l'animal est ainsi de plus en plus élevé comme un nouveau-né (vêtements, poussettes, lit, etc.) , ce qui conduit les entreprises à investir sur ce marché potentiellement colossal. Quant à ce ce que pensent les chiens et chats de cet anthropomorphisme, voyez le manga du dessinateur japonais J.P. Nishi...
« Ces derniers temps, les animaux domestiques sont traités comme de véritables membres de la famille », remarque à juste titre l'entreprise japonaise de produits et services informatiques Fujitsu, un constat qu'elle traduit par : « profitons-en pour faire des affaires ». La société en question a donc décidé de lancer au cours du deuxième semestre de cette année des prestations spéciales pour une clientèle animale, en exploitant des technologies initialement conçues pour des humains et les atouts de l'informatique mutualisée en nuage (« Cloud computing »).
« Les animaux élevés avec davantage de soins voient leur espérance de vie s'allonger, mais à l'instar des humains ils ont tendance à développer des maladies psychologiques diverses ou liées à de mauvaises habitudes », soulignent les chercheurs de Fujitsu. Et d'en conclure: « il devient ainsi important pour eux comme pour les hommes de surveiller au jour le jour leur état de santé ». Pour ce faire Fujitsu va proposer un ensemble de services reposant notamment sur une flopée de capteurs de divers paramètres, composants conçus à partir des technologies utilisées par Fujitsu dans ses téléphones portables. Le maître de l'animal pourra suivre, depuis son mobile multifonctionnel (« smartphone »), l'évolution des conditions physiques de son protégé, le tout via des applications et un système en réseau.
Concrètement, la bête sera équipée d'un appareil capable d'enregistrer 24H/24 divers éléments significatifs (activité physique, température corporelle, etc.) dont le suivit quotidien permet de détecter les changements progressifs et brutaux, signes potentiels de maladie ou de dégradation physique. Les données ainsi conservées sont ensuite transférées dans une application spéciale sur mobile via une liaison sans contact de proximité (système Felica de Sony, employé notamment pour les porte-monnaie électroniques et cartes de train multitrajets). Ces informations peuvent être non seulement consultées et comparées grâce au logiciel dédié, mais aussi stockées sur un serveur distant et analysées via un ensemble spécifique de services sur Internet.
« De la sorte, nous voulons contribuer à créer un environnement tranquillisant pour les personnes qui chérissent leur animal de compagnie », argue Fujitsu, oubliant sciemment au passage que si les chiens et chats n'étaient pas élevés avec une telle dose d'anthropomorphisme, ils ne chopperaient peut-être pas des maux physiques ou psychologiques comparables à ceux des humains.
L'intérêt que portent les chercheurs de Fujitsu aux animaux ne s'arrête pourtant pas là. Ils ont aussi imaginé depuis quelques années un ourson en peluche robotisé, aux grands yeux noirs et petit minois espiègle, pour tenir compagnie aux personnes âgées ou contribuer à l'éveil des enfants. « Nous voulons proposer un objet qui puisse entrer dans les familles, les maisons de repos ou les écoles et qui ait une action humaine bénéfique », expliquait il y a quelque temps un des chercheurs de Fujitsu. « Nous souhaitons qu'il ait vraiment une apparence naturelle ».
De fait, cet ourson, existant en version beige et blanche, encore à l'état de prototype et qui ne porte toujours pas de nom, a un regard, des gestes, des attitudes et des murmures qui inspirent d'emblée confiance. A tel point qu'on ne remarque même pas que sa truffe est une caméra, troisième œil qui repère la présence d'êtres humains et répond à leur comportement par des mimiques adaptées.
« Nous avons conçu une bibliothèque de plusieurs centaines de postures que l'ourson adopte en fonction de l'attention qui lui est portée », précisait l'ingénieur. Bien avant cet animal couvert de peluche et bardé de capteurs, présenté pour la première fois en 2010 puis de nouveau en fin d'année dernière, existait déjà un précédent au Japon, le robot bébé-phoque Paro, développé avec l'aide de l'Etat japonais et utilisé dans des centaines de maisons de repos et hôpitaux.
Pour ceux qui préfèrent les vrais animaux mais on parfois du mal à les comprendre, un outil, le Bowlingual, du fabricant nippon de jouets Takara Tomy, était apparu il y a 10 ans, faisant à l'époque jaser les uns, aboyer les autres. L'appareil conçu avec un certain professeur Junichiro Nomura, et renouvelé en 2009, était composé d'une partie comprenant un micro et un émetteur se pendant au cou du chien et d'un récepteur/traducteur avec écran restant à proximité de son maître. Le tout, soi-disant basé sur des algorithmes de traduction résultant de maintes études et analyses, permettait à l'être humain non seulement d'entendre mais aussi d'interprêter les « wouah wouah » de son animal, aboiements pour le coup plus difficiles à comprendre que les pleurs d'un nouveau-né. L'engin a fait un malheur dans la presse, mais pas à ce point un carton en magasin, ce qui ne l'a pas empêché de renaître plus récemment sous une forme plus moderne: une application pour iPhone créée par la société de services internet et de contenus pour mobiles Index.
Ce petit programme en japonais (la version anglaise est une contre-façon) est proposé à 450 yens (4,5 euros), un tarif non prohibitif même si d'aventure le logiciel en question s'avère à l'usage totalement farfelu. L'argumentaire pour vendre l'appli est d'ailleurs assez marrant. Il explique que l'on peut configurer le dictionnaire de traduction en fonction du type de chien que l'on possède, avec comme styles proposés: « Akiba inu » (chien style maid - soubrette - d'Ahihabara), « Shibuya inu »(chien style nana de Shibuya), etc. L'application intègre enfin une fonction de lien avec Twitter pour permettre à tous les utilisateurs de l'appli de partager les mots de leurs chiens.
L'échange de données en ligne sur les animaux est une autre grande tendance au Japon. Outre les espaces internet spécialisés qui existent depuis que le web est ouvert au grand public, se sont plus récemment développés des réseaux communautaires ou sites de socialisation (SNS) animaliers.
Parmi eux Nekohachi (http://neko8net.sns-park.com/?m=portal&a=page_user_top) dont le slogan est « Ne présenteriez-vous pas l'animal de compagnie dont vous êtes fier ? » et qui, malgré son titre incluant le mot chat (« neko » en japonais) accepte aussi dans sa communauté les possesseurs de chiens ainsi que ceux qui élèvent des lapins, des oiseaux ou des marmottes.
Citons également Petvoice (http://petvoice.jp) qui, lui, propose de rédiger en ligne au quotidien le journal de son animal, avec photos. Et le site de préciser qu'il ne s'agit pas d'y faire figurer des impressions du maître, mais celles de la bête, laquelle « bien que toujours enfermée à la maison, ne sortant que rarement avec son maître faire une promenade dans le parc et ayant de facto trop peu d'amis, pourra s'en faire pas dizaines à travers la communauté ».
Ne reste plus qu'à développer un ordinateur ou un smartphone pour chiens et chats.
Live Japon au quotidien sur Twitter: @karyn_poupee