Live Japon : Un quadrupède mécatronique à Fukushima

Karyn Poupée
Publié le 25 novembre 2012 à 10h14
Vingt mois se sont écoulés depuis la catastrophe atomique de Fukushima, vingt mois durant lesquels les Japonais ont été confrontés à des épreuves inenvisagées qui les obligent désormais à imaginer des moyens inédits pour constater l'ampleur des dégâts et y remédier. D'où la multiplications ces derniers temps des annonces de nouvelles technologies et équipements en rapport avec la radioactivité et l'intervention sur site nucléaire.

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Mercredi 21 novembre, Toshiba, entreprise qui fabrique aussi bien des puces-mémoires que des réacteurs atomiques, avait convoqué la presse dans son immense centre industriel de Sugita, à Yokohama, populeuse cité en banlieue de Tokyo. Intitulé de l'invitation: "à propos d'un robot à quatre pattes pour intervenir à la centrale nucléaire Fukushima Daiichi".

Forcément, un tel motif suscite curiosité. Devant une quarantaine de journalistes d'agences, de journaux et de télévision, Goro Yanase, un ingénieur du département nucléaire de Toshiba, présenta l'objet: un nouveau robot d'inspiration animale destiné à intervenir dans un environnement radioactif. Ce quadrupède, qui ressemble à une grosse boîte rectangulaire montée sur quatre menues pattes, a été imaginé après l'accident de Fukushima, dans le but de pouvoir effectuer des tâches diverses à la place de l'homme là où règne des niveaux insupportables de radioactivité.

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Les quatre pattes articulées indépendamment les unes des autres sont régies par des algorithmes spécifiquement développés pour permettre à l'animal électronique de monter des escaliers, de franchir des obstacles, de changer d'orientation et de se relever au cas où... Il est constitué de matériaux spécifiques qui permettent à l'électronique de fonctionner dans un environnement pollués de rayonnements, à raison de 10 heures par jours, 300 jours durant, aux pourtours des réacteurs. Pour le moment, il peut grimper (à petite vitesse) des marches de 22 centimètres de haut (de 50 centimètres à l'avenir) et est capable de transporter 20 kilogrammes (80 kg ultérieurement).

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L'engin, qui pèse 65 kilogrammes pour un mètre de haut, est piloté à distance via une liaison sans fil, par une manette de jeu vidéo. "C'est très simple", assure l'homme aux commandes, un jeune ingénieur d'une petite trentaine d'années qui se dit d'ailleurs "bien entraîné". Selon Toshiba, qui est un des fournisseurs des équipements de la centrale de Fukushima et donc à ce titre présent depuis le départ sur le site ravagé, les tests effectués sur place ont prouvé la possibilité d'employer une liaison Wireless-lan. "Le robot communique avec un point d'accès qui est lui-même relié à un PC de commandes par liaison filaire", explique un autre ingénieur, Makoto Ochiai. "Si la liaison est perdue ou en passe de l'être, le robot est programmé pour revenir un peu en arrière de sorte qu'il la retrouve", précise-t-il. Le robot est en outre capable de déplacer lui-même son point d'accès pour progresser ensuite plus en profondeur à l'intérieur des lieux explorés. Et si par malheur il s'y perd, un autre robot essaiera d'aller l'y rechercher. Equipé d'un bras manipulateur, d'une caméra et d'un capteur de radioactivité, le robot de Toshiba, encore à l'état de prototype et sans nom, sait aussi porter et poser au sol un engin robotisé en forme de plateau à roulettes doté d'une autre caméra qui peut partir en éclaireur ou se faufiler dans des lieux inaccessibles pour le quadrupède.

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"Dans un premier temps, nous destinons ces robots à des patrouilles dans les zones fortement radioactives, pour de la reconnaissance visuelle et des mesures, afin de juger si l'homme peut ou non y intervenir", détaille M. Yanase. "A l'avenir, il pourrait être équipé d'outils de manutention et d'investigation pour effectuer diverses tâches comme le contrôle, la réparation ou le démontage d'équipements, ou bien encore des prélèvements d'échantillons ou aider à la décontamination", ajoute-t-il.

Les ingénieurs de Toshiba reconnaissent toutefois que leur créature nécessite encore des améliorations avant d'être dépêchée sur le site de Fukushima où quatre des six réacteurs ont été terriblement endommagés par le tsunami du 11 mars 2011 et où règne par endroits une radioactivité mortelle.

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Plusieurs entreprises et instituts de recherche japonais ont entrepris ces derniers mois de développer des robots pour des missions à Fukushima en bénéficiant de fonds publics. L'Etat et les industriels nippons ont en effet déploré l'absence de tels engins au Japon, pays où l'ont avait un temps songé à en développer mais où les projets ont été arrêtés parce qu'on pensait que les centrales étaient si sûres qu'il était inutile de songer l'intervention de quiconque sur site accidenté.

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Si bien qu'à leur ego défendant, avant de pouvoir adapter et dépêcher sur place un engin robotique chenille appelé Quince (de l'institut de technologies de Chiba), les Japonais ont été obligés d'appeler à la rescousse des robots américains lesquels, souvent pensés pour des missions militaires, font montre de capacités autrement surprenantes. Face aux BigDog et LS3 de Boston Dynamics (certes non conçus pour des interventions sur sites nucléaires mais pour accompagner des soldats au front), le robot de Toshiba fait un peu pitié, incitant à penser que des coopérations internationales sont sans doute souhaitables afin d'accélérer le développement de moyens les plus avancés pour le démantèlement du complexe ravagé de Fukushima.





Outre ce robot de Toshiba, ont été présentés ces derniers jours d'autres nouveautés conçues à la suite du désastre de Fukushima.
L'agence d'exploration spatiale nippone (Jaxa) et le groupe Mitsubishi Heavy Industries (MHI) ont créé un prototype de caméra pour "voir" la radioactivité ambiante par analyse des rayonnements, engin appelé ASTROCAM 7000 basé sur modèle initialement destiné à des observations interstellaires.

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Concrètement, la caméra évalue la quantité de rayons gamma émis par une source distante, permettant ainsi de donner une représentation imagée de la radioactivité ambiante, laquelle n'est pas perceptible par l'oeil humain.

Elle est notamment utile pour repérer les points de haute radioactivité très localisés. "L'avantage de cette caméra est qu'elle permet de mesurer le niveau radioactif à une distance d'une trentaine de mètres, ce qui donne par exemple la possibilité de détecter un foyer radioactif dans les environs, sur un angle de 180 degrés, ou encore d'évaluer la radioactivité d'un toit de maison sans grimper dessus", explique la Jaxa.

Il ne s'agit toutefois pas de la première caméra du genre, puisque le groupe nippon Hitachi a lui aussi présenté en mars dernier un modèle portatif qui évalue la radioactivité en mesurant la quantité de rayonnements gamma émis par les césium 134, 137, iode 131 et autres éléments radioactifs.

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Par ailleurs, Mitsubishi Heavy Industries a imaginé un siège pour engins de chantier protégeant les travailleurs en réduisant de moitié les rayonnements radioactifs. Ce fauteuil à base de tungstène, qui enveloppe le conducteur, coupe de 50% l'irradiation reçue par le corps, selon MHI.

Il est conçu pour être monté dans des grues, pelleteuses et autres engins devant intervenir dans les tâches de déblaiement et démantèlement de la centrale accidentée de Fukushima, ainsi que dans les travaux de décontamination de la région ravagée par ce sinistre environnemental.
Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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