Parmi les objets enregistrés, J.P. Nishi a fait son choix, en n'hésitant pas à puiser dans les années précédentes (le premier Walkman de Sony est entré dans cette liste de moins de 150 objets en 2012).
Cette année, 22 objets (du numéro 114 au numéro 135) ont été sélectionnés par les scientifiques japonais comme éléments majeurs de l'histoire technique et industrielle du Japon. Nous en avons retenu quelques uns qui sont directement liés aux technologies abordées sur Clubic et sont souvent les précurseurs des produits régulièrement présentés sur ce site.
Le N°114 est un VTR (video tape recorder), un magnétoscope à bande professionnel à 4 têtes conçu en 1974 par la chaîne de télévision publique nippone NHK. Il a d'abord été pensé pour être installé dans un camion-régie et permettre d'enregistrer des programmes à l'extérieur. Cet appareil, appelé SV7400B, est devenu le standard pour non seulement les enregistrements mais aussi la lecture, ce qui était bien utile lors de la réalisation d'émissions en direct depuis un site distant pour diffuser des reportages entre les plateaux-séquences.
Il faut savoir qu'à époque et encore aujourd'hui, NHK ne se contente pas d'être un groupe audiovisuel géant (avec plusieurs chaînes de TV et radios), c'est aussi une importante structure de recherche qui a joué un très grand rôle dans l'évolution de la TV en noir et blanc, son passage à la couleur (notamment pour les JO de 1964 à Tokyo), son amélioration constante vers la haute-définition et désormais vers le format 4K puis au-delà ensuite, avec cette fois en perspective les JO de 2020 à Tokyo.
Le N°115 est TAC, le premier ordinateur japonais à tubes à vide, conçu par le groupe Toshiba avec l'aide de l'Université de Tokyo. Il intègre notamment 7 000 tubes à vide, 3 000 diodes, 16 tubes cathodiques mémoires avec une capacité totale de 18 000 bits. Son horloge était cadencée à 330 kilohertz ce qui à l'époque était extrêmement rapide. Ce modèle, achevé en 1959, a été suivi de nombreux autres fabriqués non seulement par Toshiba (devenu ensuite numéro un des PC portables) mais aussi par Fuji Shashin Film et bien d'autres au Japon.
Le N°116 est encore plus étonnant: il s'agit d'un traducteur informatique expérimental pour l'anglais, l'allemand et le japonais. Il date exactement de la même période que l'ordinateur à tubes de Toshiba, la fin des années 50. Ce précurseur des systèmes de traduction s'appuie sur l'analyse directe des éléments du langage naturel et de leur relation pour décrypter une langue et en fournir un équivalent dans une autre. Cet appareil qui est resté à l'état expérimental a été imaginé par l'université du Kyushu (sud-ouest du Japon).
Depuis, les Japonais sont devenus avec Casio, Sharp ou encore Canon des champions mondiaux des encyclopédies et dictionnaires électroniques. Presque tous les Nippons possèdent un de ces appareils dont les fonctions sont d'ailleurs désormais aussi disponibles sous forme d'applications pour smartphones. On se souvient aussi que le premier grand coup de Masayoshi Son (fondateur et patron du groupe de télécommunication SoftBank) fut le développement d'un système de traduction anglais-japonais qu'il vendit un million de dollars à Sharp. Aujourd'hui, l'une des grandes ambitions des Nippons est de créer un véritable interprète électronique vocal en temps réel. NTT Docomo et NEC par exemple n'en sont pas très loin et il est à parier que cet objectif sera atteint en 2020 pour aider les étrangers lors des Jeux Olympiques de Tokyo.
Passons sur le numéro 117 (sans rapport avec notre rubrique) pour aller au N°118 est le premier bras robotisé de Fanuc (actuel numéro un de ce secteur). Le FANUC ROBOT MODEL 1 date de 1977. Ce fut l'exemplaire initial d'une très longue lignée d'automates industriels qui aidèrent le Japon à se propulser en tête des pays industrialisés dans les années 70-80. Il n'avait alors que 5 degrés de liberté mais était déjà capable de réaliser des tâches en usine. Aujourd'hui, le Japon est le premier pays producteur et utilisateur de robots une place dont il est fier.
Le N°119 est la première télévision en couleur produite en série au Japon. Appelée D-21WE, elle est signée Toshiba et date de 1960. Elle utilise un tube cathodique fabriqué par l'américain RCA, à la norme américaine NTSC (National Television System Committee). L'engin pesait la bagatelle de 88 kg et n'était produit au mieux qu'à 500 exemplaires par mois. Son prix: 520 000 yens à l'époque (4 000 euros), des mois de salaire. Avec ensuite les tubes trinitrons de Sony et une douzaine de fabricants de TV au Japon, le pays s'est hissé en tête dans ce domaine jusqu'à devenir l'inventeur des écrans plasma et à cristaux liquides (LCD). Las, les coûts de production dans l'archipel y rendent aujourd'hui difficilement rentable la production de télévisions.
Saut jusqu'au 121 qui n'est autre que la calculatrice SL-800 au format carte de crédit, la plus fine du monde, proposée par Casio en 1983, à une époque où les Japonais ne comptaient pas tant l'argent qu'il dépensait (à gtour de bras) que celui qui entrait dans leurs poches (à la pelle). Allez savoir pourquoi, les calculatrices ont toujours été une passion des Japonais. Aujourd'hui encore, dans les grandes boutiques d'électronique, on en trouve au moins 100 modèles différents à tous les prix et de tous les formats. Les plus grosses ont même la préférence des utilisateurs car on peut taper dessus à toute vitesse sans se tromper !
Le N°122 est aussi un duo précurseur: le premier téléphone de voiture à porter en bandoulière du monde développé par l'opérateur de télécommunications NTT et proposé au Japon en 1985, et le TZ-802B, un portable. Le téléphone de voiture pouvait être emporté avec soi en dehors du véhicule. Il pesait certes 3kg mais offrait 40 minutes de conversation et pouvait tenir 8 heures en veille. Le TZ-802B est apparu pour sa part en 1987: il pesait 900 grammes et offrait une heure de conversation et 6 heures d'autonomie en veille.
Arrive ensuite le N°124, "le premier appareil photo numérique commercialisé au monde en 1990" (dixit les commissaires du patrimoine), conçu par Fujifilm. Le Fujix DS-X, de forme rectangulaire plate, prenait des photos de 400 000 pixels qui pouvaient ainsi être regardées sur un téléviseur. Elles étaient enregistrées dans le format compressé ADPCM, qui existait avant le JPEG, sur une carte de 2 mégaoctets qui pouvait au total contenir...6 images. Le même modèle était également vendu par Toshiba sous l'appellation IMC-100.
Terminons enfin avec le premier film photo couleur japonais qui est aussi le plus ancien objet de la liste puisqu'il date de 1940. Il sortit alors de la firme Konishiroku (du nom de son fondateur) qui allait devenir Konica puis Konica-Minolta.
Le patrimoine des objets techniques est une liste créée par le Musée national de la Science qui distingue de la sorte les appareils et techniques japonaises révolutionnaires à leur époque et qui ont eu une influence considérable sur les développements techniques futurs ou ont grandement modifié dans le bon sens la vie des citoyens.