D'abord, c'est l'Agence japonaise d'exploration spatiale (Jaxa) qui a annoncé avoir réussi à convertir et transmettre de l'électricité par micro-ondes sur une distance de 55 mètres. « C'est la première fois qu'est envoyé ainsi l'équivalent d'une puissance de 1,8 kilowatt par micro-ondes vers une petite cible, en utilisant un dispositif de contrôle de la directivité », a expliqué à l'Agence France-Presse (AFP) un porte-parole de la Jaxa.
Produire de l'électricité avec des panneaux photovoltaïques au niveau interstellaire et l'envoyer ensuite vers la Terre, c'est contourner les caprices de la météo et s'affranchir des cycles jour/nuit qui empêchent d'exploiter à plein l'énergie du Soleil. Or, pour le Japon, qui n'a rien, pas de pétrole, pas de gaz, le coût de l'énergie n'est pas seulement financier, il est politique. Quand en plus, il est difficile d'utiliser de façon extensive l'énergie nucléaire à cause de l'accident de Fukushima et de ses terribles conséquences, il faut à tout le moins avoir de l'imagination et de l'ambition.
Et c'est ainsi que le Japon se fixe pour but de s'approvisionner en courant directement depuis l'espace, et ce, à compter de 2040 ou un peu au-delà. Concrètement, des vastes panneaux photovoltaïques, à l'instar de ceux employés au sol, convertiront l'énergie des rayons du soleil en électricité, avec une capacité annuelle cinq à dix fois supérieure à celle générée sur Terre à aire identique.
Ce courant sera à son tour transformé en flux énergétique transmis par faisceau laser ou micro-ondes jusqu'à la Terre où il sera capté par une gigantesque antenne parabolique dédiée, et retransformé en électricité.
D'ici quelques années, la Jaxa voudrait placer en orbite basse un satellite de démonstration destiné à l'expérimentation de la transmission par micro-ondes dans l'espace, après avoir perfectionné le dispositif au sol.
Puis, il s'agira de vérifier la faisabilité d'un assemblage par des robots des éléments constitutifs d'une large structure photovoltaïque flexible d'une puissance de 10 mégawatts (MW). Ceci était initialement prévu aux alentours de 2020.
Ensuite, un prototype d'une puissance de 250 MW est censé être placé en orbite géostationnaire. Il servira à tester l'ensemble du système et à mesurer sa pertinence sur le plan financier. Les chercheurs se fixent pour objectif de développer un système définitif de 1 000 MW (équivalent à un réacteur nucléaire de moyenne puissance) qui permette de générer de l'électricité à un coût équivalent à celui de la production solaire sur Terre, ce aux alentours de 2030.
« Puisqu'il s'agit d'une forme d'énergie propre et inépuisable, nous pensons que ce système peut contribuer à résoudre les problèmes d'insuffisance énergétique et de réchauffement climatique de la Terre dus aux gaz à effet de serre », avaient expliqué en 2009 des chercheurs de Mitsubishi Heavy Industries (MHI), groupe diversifié spécialiste des techniques aérospatiales.
Les ministères de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) et des Sciences et Techniques (Mext) venaient alors de confier à ce groupe, plus connu pour ses bateaux ou son activité aéronautique, le développement du dispositif et des différents éléments expérimentaux. Sont depuis aussi impliquées, au sein de l'Institut de recherches sur les engins spatiaux inhabités, dix-sept sociétés dont les groupes d'électronique Mitsubishi Electric, NEC, Fujitsu et Sharp ainsi que divers autres industriels.
Cette semaine, à peine la Jaxa avait-elle fait son annonce, que MHI disait mieux encore, affirmant, photo à l'appui, être parvenu à faire passer une puissance de 10 kilowatts sur une distance de 500 mètres en exploitant la conversion d'électricité en flux énergétique transmis sans fil.
Cette expérimentation de MHI, menée à Kobe (ouest) là encore en utilisant des micro-ondes et un dispositif de contrôle de la directivité. A l'arrivée, les diodes électroluminescentes (Led), dessinant les trois lettres MHI, se sont illuminées.
"« La technologie de transmission de puissance sans fil vise à éliminer les connexions classiquement nécessaires pour véhiculer de l'électricité, et les résultats des tests réussis ouvrent la voie à l'utilisation de cette technologie dans de nombreux domaines »", souligne MHI dans un communiqué.
Mais le groupe ne s'en tient pas à l'emploi de cette technique dans l'espace. Il espère auparavant des applications concrètes d'ici peu, à savoir dans les cinq ans. Et de penser notamment au remplacement d'infrastructures détruites par une catastrophe naturelle. Il imagine aussi le transport du courant produit par des éoliennes installées en mer, un de ses nombreux domaines de compétence.
Le groupe juge même possible d'alimenter ainsi des véhicules électriques.
Même si le rendement de ce type de technologie plafonne encore à 10% environ, il est en théorie possible d'espérer l'élever à 40%, selon les experts du secteur.
Le Japon n'est pas le seul pays à travailler sur ces technologies, mais c'est assurément un des plus motivés compte tenu d'une dépendance énergétique qui le rend très vulnérable à l'évolution de la situation politique des pays du Moyen-Orient desquels il importe l'essentiel des ressources dont il a besoin.