Une proposition de réforme des lois britanniques concernant la diffamation pourrait prochainement obliger les gestionnaires de sites Internet à identifier obligatoirement les « trolls », et plus précisément les internautes qui font dans le harcèlement en ligne, dans les commentaires ou sur les forums, et ce sans que leurs victimes ne soient obligées de passer par la case justice.
Les jours des trolls sont-ils comptés au Royaume-Uni ? C'est ce que laisse penser cette proposition de loi sur la diffamation qui sera prochainement débattue à la Chambre des Communes. L'objectif est de limiter les coûteuses actions en justice, notamment dans les cas de harcèlement en ligne.
Aujourd'hui, une victime de cyber-harcèlement doit apporter des preuves des méfaits qu'elle dénonce pour pouvoir enclencher une procédure d'identification de ses bourreaux en ligne. Mais souvent, la procédure est longue et, entre temps, par peur de représailles judiciaires, les responsables des sites sur lesquels les harcèlements ont eu lieu ont déjà effacé les propos calomnieux une fois qu'ils ont eu connaissance de la plainte. « L'approche que nous proposons sous-entend que les responsables des sites ont une défense contre les accusations de diffamation aussi longtemps qu'ils se conforment à une procédure aidant à identifier les auteurs des propos présumés diffamatoires » explique le secrétaire à la Justice Kenneth Clarke.
Cette démarche, associée au fait que les victimes n'auront plus besoin d'engager des frais pour effectuer des actions juridiques en ce sens, devrait grandement faciliter les choses et freiner le harcèlement en ligne, selon Kenneth Clarke. Ce dernier n'hésite pas à déclarer que cela signerait la fin « des propos calomnieux et des rumeurs » puisque les trolls seraient faciles à identifier, notamment par le biais de leur adresse IP.
Les défenseurs de la vie privée s'inquiètent néanmoins des dérives d'une telle loi, qui permettrait d'avoir facilement des informations sur des internautes dans une multitude de cas. « Une grande partie du contenu posté par les trolls du Web n'est pas réellement diffamatoire, et peut constituer un harcèlement, une violation de la vie privée ou tout simplement une remarque désagréable, mais légalement exprimée » a déclaré une porte-parole de Privacy International. « Toutefois, entre protéger l'anonymat de ses utilisateurs et risquer un couteux procès, de nombreux petits sites Internet ne vont pas hésiter et ne pas se préoccuper de savoir si un internaute a oui ou non diffamé le plaignant. »
Par ailleurs, la mise en place de tels procédés pourrait amener les trolls les plus informés à se tourner vers des solutions d'anonymisation, notamment les proxys ou les VPN.
On note que la question du cyber-harcèlement et des « trolls » préoccupe le Royaume-Uni depuis longtemps et que certains internautes fortement indélicats ont déjà été punis par la justice britannique. On se souvient du cas de Sean Duffy, condamné fin 2011 à 4 mois de prison après s'être acharné sur le cas d'une adolescente qui s'était suicidée quelques semaines plus tôt. Un cas parmi d'autres ces derniers mois en Grande-Bretagne.