Une communauté trentenaire !
Communément appelée «La Scene », cette communauté s'est spécialisée dans la copie numérique et la distribution d'œuvres culturelles protégées par des droits d'auteur. Tous les types de contenus culturels sont concernés : musique, films, jeux vidéo, logiciels, livres, magazines, bandes dessinées... À l'origine, ces données étaient partagées exclusivement entre les membres de la communauté par l'intermédiaire du BBS (littéralement « système de bulletins électroniques » : l'ancêtre d'Internet). Ce n'est que plus tard avec notamment l'essor d'Internet que les copies piratées (appelées « releases ») ont commencé à être propagées en dehors de « La Scene » par l'intermédiaire des newsgroups, des réseaux Peer to peer, etc.L'élite de cette communauté qui se renouvelle sans cesse au fil des années et des évolutions technologiques se compose pour l'essentiel d'érudits très bien organisés et dotés pour certains de compétences pointues en informatique (sécurité, réseau, programmation...). Si elle officie depuis plus de 30 ans malgré une répression qui ne cesse de s'intensifier, c'est qu'elle a su faire preuve d'au moins autant de talent pour se camoufler et s'organiser, que pour dénicher des œuvres culturelles en avant-première et déjouer tous les systèmes anti-copies développés par les éditeurs.
Une chaîne de distribution sophistiquée
Du support original jusqu'à son partage sur les réseaux, une copie illégale de « La Scene » peut suivre un cheminement très complexe dans lequel intervient de nombreuses personnes. Une chaîne humaine dans laquelle chacun possède des compétences particulières et joue un rôle bien précis.Des contenus comme les jeux vidéo, les logiciels, les systèmes d'exploitation, etc. nécessitent de véritables experts pour craquer les systèmes anti-copies. La numérisation des livres par OCR (méthode de numérisation de textes) est contrôlée par des relecteurs aussi passionnés que cultivés qui relisent et corrigent les fichiers générés par les logiciels de reconnaissance. Les DVD/Blu-ray doivent quant à eux être ripés et encodés, tandis que les films et les séries TV passent à une vitesse impressionnante par des équipes traducteurs qui s'occupent des sous-titrages... Ces travailleurs de l'ombre sont parvenus ainsi à développer un réseau de distribution mondial dont l'efficacité dépasse de loin celle des circuits de distribution traditionnels... Qui sont-ils, comment sont-ils organisés, quelles sont leurs motivations ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre.L'univers warez possède ses codes, ses règles et surtout son propre vocabulaire... totalement incompréhensible pour les non-initiés. Découvrez la signification des termes utilisés tout au long de ce dossier.
art ASCII: images réalisées à l'aide de lettres et des caractères spéciaux. Certains groupes utilisent cette pratique pour créer leur logo.
BBS : les Bulletin Board System (littéralement « système de bulletins électroniques ») sont des serveurs permettant des échanges de fichiers par le biais de plusieurs modems reliés à des lignes téléphoniques. Ils étaient utilisés par les groupes avant Internet.
Board : signifie forum en anglais. Il s'agit de sites déguisés en forums où l'on trouve des liens pour télécharger des fichiers piratés.
IRC (Internet Relay Chat) : Il s'agit d'un service de chat conçu en 1988. Il permet de discuter en temps réel via un logiciel spécifique de type mIRC à l'intérieur d'un chanel (canal) pouvant être totalement crypté. C'est le mode de communication le plus utilisé par les membres de « La Scene ».
La Course (Race) : compétition entre les groupes de « La Scene » qui consiste à être les premiers à diffuser une release.
La Scene : communauté undergound née à la fin des années 70 spécialisée dans la distribution de copies illégales d'œuvres protégées par des droits d'auteur.
NFO : fichier *.nfo de texte utilisé par les teams pour communiquer toutes sortes d'informations : détails sur la release, revendications, demandes de recrutement, logo des teams en art ASCII, etc.
Nuke (ou Nuked) : une release ne respectant pas les normes en vigueur (qualité, taille, format...) ratifiées par les membres de « La Scene »
PRE : désigne les copies contrefaites prêtes à être diffusées en avant-première.
PROPER : il s'agit d'un tag ajouté dans le nom d'une release lorsque cette dernière a déjà été diffusée par une autre team dans une qualité inférieure
Racer : personnes chargées de transférer les nouvelles releases sur le TopSite du groupe, puis de les propager sur des TopSites affiliés.
Release (ou Rlz) album, film, jeu vidéo, logiciel, etc., piraté par une team.
Retail version finale d'un DVD, d'un Blu-Ray, etc.
Rip : action consistant à capturer le flux audio/vidéo d'un support physique (CD, DVD, Blu-ray).
Screener : désigne en anglais un support physique (DVD, Blu-ray...) destiné à la promotion d'un film et confié aux journalistes, aux critiques de cinéma, aux membres de jurys de festivals, etc. En France, ce terme est aussi utilisé pour désigner les films de mauvaise qualité capturés à l'aide d'un caméscope ou d'un smartphone dans une salle de cinéma.
Supply (ou Supplier) : il s'agit de la personne qui apporte les contenus originaux aux teams.
Trader : pour certains groupes, il s'agit de la personne qui se charge de trader (transférer) les releases entre les TopSites (en lieu et place du « Racer »), alors que d'autres la considèrent plutôt comme celle qui les propage des TopSites aux réseaux P2P.
Décryptage d'une communauté insaisissable
Les noms de certaines teams -ADDiCTiOn, DEViANCE, ISO, FMC, VOMiT, LOL, Fairlight, Razor 1911, etc.,- sont devenus célèbres. Et pourtant, cette communauté très fermée dont l'adage « Pour vivre heureux, vivons cachés » ne cherche pas à se faire connaître du grand public, et encore moins de la presse. De ce fait, la plupart des internautes qui téléchargent des œuvres piratées sur Internet ne soupçonnent même pas l'existence d'une communauté aussi structurée et organisée que « La Scene ». Or, la grande majorité des releases disponibles sur les réseaux P2P, ou hébergés sur des services de Direct Download (RapidShare, 1fichier...), des boards (forums) et des newsgroups proviennent de cette communauté.Méthodes de communication
Cette élite des réseaux warez a su développer un langage et des moyens de communication ultra sécurisés. Ses membres communiquent notamment par le biais d'IRC (Internet Relay Chat), un service de tchat à l'apparence rudimentaire, mais qui permet de discuter de façon totalement cryptée avec un accès contrôlé par login et mot de passe à l'intérieur de chanels (canaux). Aussi appelés « Salons », ces canaux sont également utilisés pour annoncer les nouvelles releases diffusées pour la communauté. Au-delà de ces précautions, leurs codes et leur vocabulaire (voir notre lexique non exhaustif page 2) se révèlent totalement incompréhensibles pour le commun des internautes.Paradoxalement, les teams cherchent aussi à se faire connaître auprès de leurs pairs pour accroître leur réputation. Pour cela, elles signent notamment leurs exploits sur les fichiers textes NFO qui accompagnent les releases, et certaines d'entre elles y exhibent fièrement leur logo réalisé par de véritables artistes de l'art ASCII. Cette discipline artistique consiste à créer des images à l'aide de lettres et de caractères spéciaux (voir image ci-dessous).
Motivations, idéologie, et éthique de la Scene Warez
Il existe une grande différence entre les groupes qui forment « La Scene » et les réseaux précités qui diffusent massivement des contenus illégaux sur le Web. Au départ, leur but n'était pas de spoiler les ayant droits, mais d'échanger des contenus exclusifs entre les membres de leur propre communauté. Toutefois, apporter et échanger des contenus ne suffit pas : ils doivent être publiés le jour même ou avant leur lancement officiel (Zero day) et dans une qualité prédéfinie par la communauté. La mouvance a en effet établi un ensemble de règles techniques et de sécurité très strictes que seule une certaine population est capable d'appliquer à la lettre.Des groupes comme Paradox, Black Squadron ISO, Radium, Reloaded et bien d'autres ont multiplié les exploits en craquant des systèmes anti-copie de jeux vidéo et de logiciels (The Sims, Assassin'n Creed, Cubase VST, Windows 95, XP, Vista...) dont certains étaient considérés à l'époque comme très sophistiqués, voire quasi inviolables. Sans oublier que passer cette étape, ils réalisent d'autres prouesses en formatant, et diffusant en un temps record ces contenus en version numérique pour remporter la « Course » (Race) : une compétition sans fin entre les teams qui consiste à être les premiers à sortir LA release d'un blockbuster, d'un jeu vidéo, d'un système d'exploitation, etc. C'est ainsi que des contenus se retrouvent sur les réseaux parfois bien avant leur sortie officielle, comme ce fût le cas de plusieurs versions de la série de jeux vidéo de Microsoft Halo Reach, ou plus récemment des albums de Kayne West et Jay-Z... Les groupes ne font pas cela pour obtenir une quelconque récompense, mais pour montrer leur supériorité et être reconnues par leurs pairs.
De génération en génération, l'idéologie de cette mouvance n'a pas changé. La plupart des membres sont adeptes d'une culture libre, gratuite et accessible pour tous. Selon eux, les copies numériques permettent aux internautes d'essayer des produits et ne les empêcheraient pas ensuite d'acheter ceux qui leur plaisent vraiment. Le piratage est-il vraiment nuisible à l'industrie ? De plus en plus de voix s'élèvent pour dire qu'il n'aurait pas d'impact négatif. L'Union Européenne a récemment commandé une étude (en anglais) qui a même démontré qu'il serait au contraire bénéfique en tous les cas dans le domaine de la musique. Durant le procès-fleuve des administrateurs de The Pirate Bay, un professeur d'université appelé comme expert à la barre par le jury a subi les foudres de ce dernier pour avoir défendu également cette thèse. Un discours que les géants de l'industrie du divertissement ne veulent pas, ou ne sont pas prêts à écouter...
A l'origine et même encore aujourd'hui, la communauté n'a en principe pas vocation à faire de son activité un business. Il est toutefois impossible d'affirmer que tous les groupes et les membres de « La Scene » respectent cette éthique visant à ne pas monétiser leur activité ou entrer en contact avec les réseaux P2P sous peine d'exclusion. La tentation de gagner de l'argent peut se révéler évidemment très forte, et certains peuvent avoir une double casquette. Il y aurait d'ailleurs des précédents comme CiNEFOX, un groupe de la scène warez française arrêté en 2008 qui aurait, selon la Police, fait des profits grâce à son activité. On observe toutefois plus d'arrestations de revendeurs de contenus illégaux issus des réseaux P2P et des administrateurs de sites warez que de groupes appartenant à « La Scene » beaucoup plus difficiles à débusquer.
Guerre des clans : mythe ou réalité ?
À cette question, la majorité des personnes avec qui nous avons pu discuter par tchat nous ont répondu que l'ambiance entre les groupes était plutôt bon enfant, voire amicale. D'autres nous ont toutefois dépeint un tableau beaucoup moins idyllique, faisant état de règlements de comptes farouches entre certaines teams pouvant aller d'insultes, au piratage entre teams, jusqu'à la dénonciation pure et simple. Des Scenes Notices (des fichiers textes NFO) circulent parfois en clair sur des sites Web avec des informations confidentielles et bien sûr compromettantes pour telle ou telle team... Il s'agirait le plus souvent de dérives entre teams concurrentes officiant dans la même catégorie de contenus.L'un des motifs de querelles le plus fréquent concerne la diffusion de fichiers nommés « PROPERS» : il s'agit d'un tag ajouté dans le nom d'une release lorsque cette dernière a déjà été diffusée dans une qualité inférieure. Selon les règles de « La Scene », il n'est pas possible de publier deux fois la même release, sauf si une team propose un « PROPER ». Cette méthode serait trop souvent utilisée par certaines teams vexées de ne pas avoir remportée la « Course », par exemple. Comme dans toutes les communautés, toutes sortes de conflits plus ou moins graves peuvent survenir...
Ernesto Van Der Sar : responsable du site TorrentFreak témoigne
Basé en Hollande, le site TorrentFreak est devenu un média incontournable sur l'univers du hacking. Il fait partie des rares sites Internet « amis » de « La Scene » sur lesquels certains membres acceptent parfois de s'exprimer. Nous nous sommes entretenus avec son responsable pour tenter d'en savoir un peu plus sur les us et coutumes de la communauté.Que pouvez-vous nous dire sur la communauté underground appelée « La Scene » ?
EV : Les personnes qui créent les « releases » (fichiers piratés) sont issues de « teams » indépendantes ou faisant partie d'un groupe appelé « La Scene ». Elles sont très bien organisées avec une hiérarchie qui leur est propre et de nombreuses règles. Chaque « team » (équipe) pirate des contenus avec ses propres moyens et s'engage à les mettre d'abord à la disposition de la communauté qui en a la primeur. Ce n'est qu'ensuite que les fichiers sont diffusés, ou pas, sur le Web.
Les teams communiquent-elles ensemble ?
EV : Elles sont totalement indépendantes et à ma connaissance, elles ne communiquent pas régulièrement entre elles, du moins en ce qui concerne les teams de « La Scene ».
Comment les membres sont-ils recrutés ? Quel est le profil type d'un pirate de « La Scene » ?
EV : Il est très difficile de rentrer dans un « Release groups », on y entre par connaissance et en montrant patte blanche. Les teams communiquent parfois leur besoin de recrutement dans les fichiers NFO* qui accompagnent les releases. Il n'y a pas de profil type, ce sont principalement des hommes de différentes générations et évidemment très doués en informatique.
Les teams sont-elles motivées par l'argent ?
EV : En principe non, les teams réputées de « La Scene » font cela pour le « sport », les défis techniques, et pour avoir l'honneur d'être les premières à partager de bonnes « releases ».
Comment font-ils pour diffuser des contenus originaux parfois avant même leur sortie officielle ?
EV : Cela implique d'avoir un excellent réseau dans différentes industries et dans le domaine culturel. Évidemment, cela ne suffit pas, car même s'ils parviennent à se procurer un contenu original, ils doivent avoir la capacité de déjouer les systèmes anti-copie qui peuvent être extrêmement complexes.Les œuvres piratées sont diffusées et pour certaines traduites avec une rapidité impressionnante et dans une qualité qui ne cesse de s'améliorer. De l'obtention de la copie, jusqu'à sa diffusion, une chaîne de personnes aux talents multiples intervient dans le processus. Les fichiers piratés passent de mains en mains et sont « releaser » sur les TopSites (serveurs ultrasécurisés et cryptés où sont stockés les releases) selon des règles très strictes ratifiées entres les groupes de même catégorie. Qu'il s'agisse de « La Scene » française, suédoise ou américaine, ces processus de fabrication et de distribution établis de longue date sont respectés à la lettre aux quatre coins de la planète. Mais une fois qu'un fichier est transféré en exclusivité sur les serveurs de la communauté, il ne faut généralement pas longtemps pour qu'il soit diffusé massivement sur le Web. Chaque jour, ce sont plusieurs centaines de copies illégales qui alimentent les sites warez du monde entier.
De la source au TopSite
Les contenus originaux sont fournis aux teams par un de leur membre ou une sorte d'associé appelé « Supply ». Pour obtenir des contenus parfois avant même leur sortie officielle, ce dernier peut avoir des complicités (ou un accès direct) au sein de l'industrie audiovisuelle et de la musique, ou des éditeurs de jeux et de logiciels. Il peut également passer par diverses sources -journalistes spécialisés, critiques, usines de fabrication, grossistes, revendeurs, etc.- ayant accès à du matériel média : des « Screeners » (copies promotionnelles), des Workprints (versions en cours de production sur lesquelles il peut parfois manquer quelques effets sonores ou visuels), ou encore des supports définitifs (CD, DVD, Blu-ray...).Pour les releases françaises de films, des sources basées en Belgique, en Suisse ou au Québec peuvent fournir le « Retail » (version finale d'un DVD, Blu-Ray...) aux « supplys », car ils sortent parfois dans ces pays avant la France. Il peut également faire la copie du Master du cinéma (Telecine ou TC) sur bobines avec du matériel haut de gamme. Ou utiliser les différentes méthodes -Telesync (TS)- connues depuis une salle de cinéma : copier directement le Master numérique en temps réel depuis la cabine de projection avec un caméscope sur trépied (très bonne qualité), ou en filmant depuis la salle et en prenant le son sur une prise casque de fauteuil pour les malentendants (résultat assez variable). Il existe certainement bien d'autres méthodes pour se procurer des contenus en avant-première que seuls les intéressés connaissent...
Transformation des contenus originaux
Les contenus à copier se présentent le plus souvent sous la forme d'un DVD, d'un Blu-ray, voire d'un fichier numérique. Lorsqu'il s'agit notamment de logiciels ou de jeux vidéo, il faut tout d'abord déverrouiller (ou déplomber) les systèmes anti-copies. Une mission confiée à des programmeurs ayant des compétences pointues appelés « Crackers». Ils peuvent aussi créer un « keygen » ( générateur de clés pour utiliser des logiciels piratés), voire un « crack » (une grande spécialité de la communauté) qui va permettre de modifier le programme et de l'ouvrir notamment sans même avoir besoin d'indiquer un numéro de série. Cette phase qui représente parfois un véritable défi fait la fierté et la réputation des groupes. En fonction du support original, les contenus doivent être ripés, encodés, voire scannés (dans le cas des ebooks) pour être transformés en fichiers numériques. Comme nous l'avons vu, cette étape est encadrée par des règles draconiennes dans le but d'obtenir des fichiers de bonne taille et qualité. Cette méthode de travail caractéristique des groupes de « La Scene » marque aussi une grande différence avec ceux du P2P qui n'effectuent aucun contrôle sur leurs releases.Une fois au bon format et déverrouillés, les fichiers sont envoyés au « Siteop » (administrateur d'un TopSite) qui les confient à une équipe de « Nukers » (personnes chargées de vérifier la conformité des releases). Ces derniers s'assurent qu'ils ne présentent pas d'éventuels défauts (décalage entre l'image et le son, compression trop élevée, fichier corrompu...), et s'ils n'ont pas été déjà publiés par un autre groupe. Lorsqu'une release a déjà été diffusée par une autre équipe, celle-ci se retrouve (en langage warez) « Nuke pour Dupe », c'est-à-dire qu'elle est éliminée, car il existe déjà une copie de même qualité sur le réseau. Si elle est conforme (on parle alors de release « PRE »), elle se voit automatiquement transférée sur le TopSite privé du groupe, puis propagée sur tous ceux avec lesquels il est affilié par des « Racers » ou « Traders » (selon les teams). En quelques minutes, elle parvient en avant-première à l'ensemble de la communauté.
Diffusion massive des copies illégales sur le Web
Ces fichiers très convoités se retrouvent très rapidement accessibles à monsieur tout le monde sur la toile. La grande majorité des membres de « La Scene » ne propage pas leurs précieux butins en dehors des TopSites. Toutefois, il est clair que des personnes faisant partie ou non de « La Scene » font ensuite circuler les releases sur les réseaux P2P, les newsgroups, etc. D'une manière ou d'une autre, celles-ci ont accès à un TopSite sur lequel elles téléchargent les releases puis les envoient sur les réseaux publics. C'est là qu'un immense business débute sur les réseaux P2P, les sites qui indexent des liens de téléchargement, les services de Direct Download (Uptobox, 1fichier, Rapidgator...), les Boards (forums de partage warez), les opérateurs de Newsgroups, etc.Traduction des releases
Si ces dernières années le piratage a pris une telle ampleur, c'est également grâce à l'incroyable travail des teams de traducteurs appelées « fansubs » qui s'occupent des sous-titrages des films, séries TV, émissions, jeux vidéo, mangas, etc. dans toutes les langues. Certaines œuvres culturelles qui n'auraient peut-être jamais dépassé les frontières de leur pays d'origine se retrouvent accessibles dans le monde entier ! Elles ont fait notamment les beaux jours des films d'animations japonaises qui n'étaient généralement pas traduits. Sans parler de l'immense succès des séries américaines qui battent tous les records de téléchargements illégaux dans le monde, grâce notamment à ces équipes de traducteurs.Ces groupes passionnés qui œuvrent dans l'ombre ou en plein jour, cela dépend, ne font pas partie de « La Scene ». Il y a deux grandes écoles : les équipes de « fast-sub » dont le but est de fournir les sous-titres le plus rapidement possible après la sortie de la release, et les « quality-sub » qui effectuent un travail de sous-titrage d'un niveau quasi professionnel. Une tâche fastidieuse et complexe qui consiste à faire attention aux contresens, à l'orthographe, à la synchronisation entre l'image et le son, ou encore à la typographie. Des teams ont pignon sur le Web, comme Subfactory qui recrute en permanence des sous-titreurs bénévoles. Elle est connue pour avoir été la première à sous-titrer (à l'époque sous le nom de « sub-way ») le tout premier épisode de Prison Break en 2006. Rien qu'en France, il existe une bonne cinquantaine de teams de traducteurs...
Malgré la répression qui s'accentue (en début d'année le leader de la team IMAGiNE a écopé de 5 ans de prison, l'une des plus lourdes peines infligées dans une affaire de piratage), rien ne semble pouvoir arrêter « La Scene ». Les opérations « Fastlink » (2001 et 2004) menées par le FBI, et « TopSite » (2010) qui regroupait les autorités de 14 pays européens l'ont sérieusement ébranlé sans toutefois l'anéantir. Pour cette dernière, les autorités européennes annonçaient avoir arrêté un trafic représentant un manque à gagner de six milliards d'euros pour l'industrie... Des chiffres très contestés, car aucun calcul ne permet de déterminer quels téléchargements de contenus piratés auraient été effectivement convertis en achats.
Quels que soient les coups portés et les risques, cette communauté de passionnés ne semble pas prête de raccrocher les gants. Le seul moyen d'endiguer ce phénomène serait sans doute que l'industrie culturelle commence à proposer des solutions comme Deezer, Spotify, etc. dans la musique, qui auraient permis de commencer à faire reculer substantiellement le téléchargement illégal dans ce domaine. Avec la prolifération des tablettes numériques, des smartphones, des TV connectées, etc., nous consommons bien plus de produits culturels que par le passé. Or, non seulement les prix des jeux vidéo, des disques, des DVD, ou encore des ebooks ne baissent pas, mais beaucoup sont cloisonnés à tels ou tels appareils par le biais de DRM ou autres verrous numériques. Des méthodes qui semblent totalement archaïques dans notre monde actuel et que dénoncent en tous les cas, une certaine élite de cette mouvance.
La grande majorité des membres de « La Scene » se défend de vouloir s'enrichir avec leur activité au sein de la communauté, mais l'énorme trafic que génèrent leurs contenus piratés dans les réseaux P2P et autres hébergeurs brouille leur message idéologique. De ce fait, l'idée d'un compromis avec l'industrie du divertissement semble utopique, et pourtant tout n'est pas toujours tout noir ou tout blanc. « La Scene » a réussi à produire et distribuer à grande échelle des versions numériques d'œuvres culturelles bien avant que l'industrie ne sache le faire... Bien que son activité demeure illégale, il faut reconnaître que sans elle, beaucoup d'œuvres seraient bien moins populaires, et peut-être moins rentables pour l'industrie du divertissement et les ayants droit. Un sujet qui n'a pas fini de faire débat...