Jouer aux jeux les plus gourmands sur un ordinateur portable bureautique à 300 euros : une proposition qui, aux yeux de beaucoup, semble improbable. Néanmoins, pour d'autres, une idée se matérialise : celle du cloud gaming, qui permet de jouer à des jeux qui sont installés sur des serveurs distants. Du streaming version jeux vidéo, qui ne nécessite pas de disposer de la dernière configuration guerrière, puisque la configuration en question se trouve dans un data center.
Ce n'est pas à proprement parler ce que propose la start-up Blade avec Shadow. Cette petite entreprise d'une douzaine d'employés, dont les locaux sont basés à Paris, travaille sur quelque chose de très différent d'Onlive et consorts. Elle propose de ne pas se contenter de streamer les jeux, mais de streamer l'accès à un ordinateur entier, à travers une offre qui se destine aux gamers PC, et même aux pro-gamers.
Un cheval de course sur un canasson
« Nous proposons de dématérialiser l'ordinateur local par le biais du cloud computing » résume Emmanuel Freund, l'un des cofondateurs de Blade. Si l'offre précise reste encore à définir - le lancement du service est prévu à l'automne prochain - le concept est clair : chaque abonné au service dispose d'un espace de stockage et d'une configuration dédiée, auxquels il peut accéder à distance par le biais d'un ordinateur portable, d'un simple écran ou même d'une télé via un boitier. Il y branche les périphériques essentiels - clavier, souris - mais également d'autres appareils - appareil photo, smartphone - comme s'il utilisait un ordinateur présent physiquement chez lui. A distance, sa machine virtuelle réagit comme un PC local. Il peut y installer ses propres logiciels, Steam, ses jeux, il peut naviguer sur le web, stocker ses fichiers... Il n'y a pas de limitation.Une partie de l'équipe de Blade.
En théorie, la démarche est séduisante. En pratique, elle l'est aussi : nous avons pu nous essayer à la version alpha du service. D'un côté, un ordinateur portable Lenovo à 300 euros en local. De l'autre, le même modèle, mais en streaming. Si nous sommes parvenus à différencier la machine utilisant Shadow, c'est au prix d'un examen de quelques minutes, et en scrutant des détails que nous n'aurions pas cherchés en temps normal - comme des textes qui bavent très légèrement. En matière de réactivité de la souris, du lancement des programmes ou des interactions avec les logiciels, impossible de faire la différence. Un benchmark avec PCMark finit de nous convaincre : le modèle en local est à la traîne, celui en streaming, non. Il faut dire que la machine hébergée dans le data center de Blade dispose d'une GTX 1080. Ça aide (voir notre test de la Geforce GTX 1080).
Notre première impression s'est confirmée avec une partie d'Overwatch, en streaming depuis notre PC à distance. Dans une partie en ligne avec d'autres joueurs, rien ne venait différencier nos performances de nos équipiers et adversaires. Pas de lag, pas de baisse de performances. Pourtant, on pourrait imaginer que la latence entre notre portable et le data center, combinée à celle entraînée par la mise en relation avec le data center et le serveur du jeu, aurait une incidence.
« Quand vous allez vous connecter au service d'un jeu, disons League of Legend, la connexion est directe avec un ordinateur local. Avec notre système, il y a deux jumps : de vous à notre data center, et du data center au serveur du jeu. Depuis notre data center, on a d'énormes connexions qui partent, donc le ping qu'on a vers LoL est bien moindre. Et quand on va du data center à chez vous, on passe par des connexions qui se font en direct avec les opérateurs. Pour simplifier, si vous êtes client Orange, on a une fibre Orange qui relie le data center à chez vous, idem si vous êtes chez Free... Potentiellement, il est possible d'avoir un meilleur ping en passant par notre service, car le trajet le plus court n'est pas nécessairement le meilleur. »
Un lancement limité et une souscription sous conditions
Contrairement à des services de cloud computing dédié aux entreprises, Shadow n'utilise pas de cartes graphiques Nvidia Grid dont l'utilisation est fragmentée entre plusieurs utilisateurs. « On utilise des cartes GTX classiques venues du retail. Chaque joueur a l'assurance que lorsqu'il se connecte chez nous, il va avoir accès à une carte graphique qui lui est dédiée. Il ne partage pas avec un autre joueur. »L'une des stations reliées au cloud, au siège de Blade.
Pour cette raison et quelques autres, lors du lancement du service en fin d'année, le nombre de premiers abonnés sera limité pour assurer un fonctionnement optimal de la plateforme. « On s'attend à voir débarquer des hardcore gamers adeptes de performances de malades. On veut qu'ils puissent confirmer dès le lancement que tout fonctionne parfaitement. »
Une connexion fibre ou coaxiale sera également nécessaire au lancement, même si l'ouverture à l'ADSL est envisagé, mais plus tard. Avec, évidemment, des restrictions et d'autres conditions, puisque le débit de l'ADSL n'offre pas les mêmes possibilités que la fibre.
Et le prix ?
La campagne de précommande est prévue en autonome, pour un lancement concret en fin d'année, en France uniquement. Mais la tarification reste encore à définir par l'équipe, même si, dans un premier temps, il n'y aura qu'une offre d'abonnement unique. « Tout est mutualisé sauf la carte graphique » explique Emmanuel Freund. « L'offre unique proposera le même modèle à tous les abonnés, on ne sait pas encore s'il s'agira d'une GTX 1070 ou 1080. »Un prototype de boîtier Shadow. La version finale sera plus grosse.
Côté prix, la tarification mensuelle devrait être comprise « entre 30 et 40 euros », et l'acquisition du boitier physique Shadow permettant de connecter un écran ou un téléviseur devrait coûter aux environs de 200 euros. « C'est l'assurance d'avoir toujours la meilleure configuration possible » rétorque Emmanuel Freund quand on lui demande s'il a conscience que les gamers vont immédiatement faire le calcul de la rentabilité d'acheter sa propre configuration à domicile. Par ailleurs, comme la société a réalisé « une importante levée de fonds » récemment, elle ne planifie pas de lancer une campagne de financement participatif.
Il reste encore de nombreuses questions en suspens concernant Shadow. Mais l'équipe de Blade promet d'en dire plus à la rentrée. Elle assure déjà disposer d'une liste de partenaires pour le lancement. Comme la startup ambitionne de se faire une place dans la sphère du pro-gaming, on imagine qu'elle va mettre toutes les chances de son côté pour valoriser l'efficacité de sa solution.
Retrouvez notre test 2019 de Shadow, le PC dématérialisé de Bade.