Deus Ex Mankind Divided : quand le jeu vidéo fait réfléchir sur le transhumanisme

Audrey Oeillet
Publié le 20 janvier 2016 à 11h36
Prévu pour août 2016, Deus Ex : Mankind Divided se déroulera deux ans après les événements de Human Revolution, et accordera encore une fois une large place aux réflexions sur le transhumanisme. Un thème qu'Eidos Montréal prend très au sérieux, comme ont pu nous l'expliquer trois membres de l'équipe de développement.

Sorti en 2000, le premier Deus Ex proposait de mettre les pieds en 2072, dans un univers cyberpunk, une tendance particulièrement émergente dans les grands thèmes des jeux vidéo. A l'époque, parler de nanomachines tenait encore de la science-fiction, et le transhumanisme était loin d'être dans les esprits.

Mais lorsque Deus Ex : Human Revolution est sorti en 2011, ce nouveau volet, censé se dérouler avant le tout premier Deus Ex, offrait paradoxalement une version plus moderne et plus réaliste de l'homme augmenté. Eidos Montréal, en charge du développement du jeu, a même utilisé la question du transhumanisme comme l'une des thématiques phares du titre : le joueur incarne Adam Jensen, ancien agent du SWAT devenu chef de la sécurité au sein de Sarif Industries, une entreprise spécialisée dans l'augmentation du corps humain. Victime d'une attaque terroriste, Adam est augmenté pour survivre, mais sans donner son consentement. Bardés d'implants, il est désormais plus fort, plus agile, et même plus intelligent. Mais également bien moins humain.

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Adam Jensen, le héros de Deus Ex : Human Revolution et Mankind Divided.

2011, c'était il n'y a pas si longtemps. Et pourtant, compte tenu des avancées technologiques de ces dernières années, 5 ans représentent un véritable bond dans la réflexion sur le transhumanisme. Si aujourd'hui la thématique est exploitée, non plus en science-fiction, mais davantage en anticipation, Deus Ex : Human Revolution a été l'un des premiers jeux à évoquer le transhumanisme à travers un prisme psychologique, quasi-philosophique.

« On voulait toucher à l'humain »

« On ne se sent plus seuls aujourd'hui. A l'époque, on entendait l'écho de notre voix ! » s'amuse Jonathan Jacques-Belletête, qui a occupé le poste de directeur artistique dans le développement de Human Revolution, et qui a rempilé pour Mankind Divided.

« Il y a huit ans, quand on parlait d'augmentation humaine, c'était encore de la science-fiction. Aujourd'hui, on le voit avec les prothèses notamment, c'est en train de devenir réalité. Mais tout ne tient pas aux bras mécaniques ou aux nanotechnologies. Ce ne sont, finalement, que des éléments de ce cycle d'évolution. Il y a d'autres sujets qui sont, pour nous, plus intéressants, et qui tournent autour de l'humain. »

Censé sortir le 23 février prochain, Deus Ex : Mankind Divided sortira finalement le 23 août. L'intrigue, qui se déroule deux ans après les événements de Human Revolution, devrait montrer un Adam Jensen apaisé par rapport à son corps. « Il accepte ce qu'il est devenu : une arme humaine. » Si, comme dans le précédent volet, le joueur pourra optimiser les augmentations du personnage pour le rendre plus puissant ou plus discret, ce ne sera, une nouvelle fois, pas qu'une affaire de gameplay : le scénario compte pousser encore davantage la réflexion sur ce qui sépare l'homme et la machine.

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Brouiller les frontières

Lorsqu'on évoque le côté précurseur de Deus Ex en matière de réflexion sur le transhumanisme, les développeurs nous répètent que leur vision n'a pas été la plus facile à vendre. « Aujourd'hui, de nombreux studios évoquent le transhumanisme dans leurs jeux, et le voient comme une opportunité marketing » explique Andre Vu, directeur exécutif de la licence. « Il y a 8 ans, il fallait le vendre : quand on parlait de cyborg, les investisseurs nous regardaient bizarrement, il n'y avait pas d'opportunité commerciale. »

A en croire Andre Vu, c'est le virage opéré par la licence, plus que le thème en lui-même, qui a posé problème. « Le transhumanisme en général fait partie de la franchise Deus Ex depuis les deux premiers, mais la conspiration était plus centrale. De notre côté, nous avons voulu mettre le transhumanisme au centre, car c'est un sujet qui est désormais contemporain. »

Un constat qui s'est démontré d'une étonnante manière dans la presse britannique en 2013, lorsque The Sun a pris pour argent comptant les innovations technologiques développées par Sarif Industries, l'entreprise fictive que l'on trouve dans Human Revolution. « Le fait que The Sun tique là-dessus deux ans après la sortie du jeu prouve bien qu'il n'a pas fallu longtemps avant que ça ne devienne vraiment d'actualité » estime Olivier Proulx, producteur sur la franchise. « On vit à l'époque du cyberpunk, et même, à bien des niveaux, on la dépasse. »


Du réalisme dans le divertissement

De par sa chronologie dans l'histoire de la franchise, mais également en raison des réflexions qui se développent depuis quelques années autour de l'homme augmenté, Deus Ex : Human Revolution posait les bases d'une intrigue. Mankind Divided ira clairement plus loin.

« Quand on regarde ce qui se passe sur un même thème dans d'autres franchises, Call of Duty par exemple, on en est à peu près là où l'on en était dans Human Revolution. Dans Mankind Divided, on parle de l'étape suivante, des conséquences... désormais on parle d'Apartheid, on parle de choses très dures au final. Mais les gens ne sont pas déconnectés du sujet, d'une certaine manière, ils voient ce genre de choses au journal télévisé. »

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Pour développer le scénario du jeu, l'équipe d'Eidos Montréal s'est tournée vers des scientifiques, des chercheurs et des philosophes experts sur la question du transhumanisme. « Ils nous ont aidé et ont validé notre travail » explique Andre Vu. « On s'amuse, on fait du divertissement, mais on a besoin de validation de la part d'experts. »

L'équipe travaille notamment avec Will Rosellini, un expert dans le domaine des neurosciences, qui s'intéresse très particulièrement à l'augmentation de l'être humain. « C'est quelqu'un de très enthousiaste, il comprend qu'on est dans l'entertainment, qu'on fait de la science-fiction. Mais il sait également que la fiction et la réalité sont de plus en plus proches. »


Voir au-delà du simple jeu vidéo et pousser à la réflexion est une pratique de plus en plus courante au sein des studios, et le transhumanisme est un sujet toujours plus populaire. Deus Ex devrait donc continuer à explorer cette voie avec sa patte caractéristique. Au-delà de l'intrigue, les développeurs promettent de nombreuses améliorations de gameplay, une interface plus homogène, un rééquilibrage de l'action et de l'infiltration, ou encore de nouveaux boss, plus intéressants et stratégiques : « ce qui sera intéressant, c'est que l'on sera confronté à des ennemis dotés des mêmes augmentations qu'Adam. » Mais ça, c'est une autre histoire...
Audrey Oeillet
Par Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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