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À partir de ce mercredi 2 août, le Global Footprint Network considère que l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que les écosystèmes terrestres sont capables de produire en une année. On vous explique ce que signifie « le jour du dépassement », et pourquoi il a reculé de cinq jours en 2023 par rapport à 2022.

Alors que la Terre semble de plus en plus fatiguée, le « jour du dépassement » nous rappelle chaque année l’urgence écologique dont nous sommes les témoins (et les acteurs). Mais à quoi correspond exactement cet indicateur, et pourquoi cette année marque-t-elle un tournant dans sa méthode de calcul ? On vous aide à comprendre cette notion à l’apparence concrète, mais aux contours abstraits.

Comprendre le jour du dépassement : un concept symbolique pour une réalité tangible

L’idée même de « jour de dépassement » est assez parlante : il s’agit de la date théorique à laquelle la consommation de ressources par l’Homme dépasse la capacité de la Terre à les regénérer.

Pour calculer cette date, les chercheurs du Global Footprint Network font l’inventaire de toutes les matières premières employées pour la création de biens et de produits consommés ou gaspillés par l’humanité, et comparent cette empreinte écologique annuelle avec la capacité de la Terre à renouveler ces ressources, appelée biocapacité.

S’agit-il d’un indicateur parfaitement fiable ? Pas nécessairement : certains spécialistes, comme Aurélien Boutaud, chercheur en sciences de la terre et de l’environnement, mettent en garde contre des imprécisions dans le calcul des données. Selon lui, ces statistiques sous-estimeraient l’empreinte écologique de l’Homme d’environ 40 %.

Malgré ses imperfections, le jour du dépassement demeure un puissant outil de communication, puisqu’il permet de prendre la mesure de la surconsommation des ressources mondiales par l’être humain.

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151 jours de dette écologique : un recul en 2023 (qui n’en est pas vraiment un)

En 2023, la date fatidique est fixée au 2 août, marquant le début de notre « dette écologique », qui durera 151 jours cette année. Autrement dit, il faudrait 1,7 Terre pour subvenir aux besoins actuels de l’humanité. En 2022, le jour du dépassement survenait cinq jours plus tôt, le 28 juillet. Bien que ce recul puisse avoir l'air d'une bonne nouvelle, le décalage n’est pas aussi positif qu’il pourrait paraître.

Quatre des cinq jours « gagnés » en 2023 sont attribuables à des changements dans la méthodologie de calcul et dans l’actualisation des données. En effet, le Global Footprint Network utilise désormais de nouvelles informations, provenant de sources telles que l’Agence internationale de l'énergie (AIE) et le Global Carbon Project, au lieu de s’appuyer uniquement sur les données fournies par plusieurs agences des Nations unies, qui étaient actualisées avec un décalage de trois à quatre ans.

La nouvelle méthode de calcul, plus alignée avec la réalité actuelle, a permis de revoir la date du jour du dépassement de 2022 au 1er août. Ainsi, le gain réel en 2023 est de moins d’un jour par rapport à l’année précédente, et non de cinq jours comme on pourrait le croire au premier abord.

Un jour de gagné, c’est toujours ça, penserez-vous – mais les experts mettent en garde contre cette interprétation, soulignant que cette évolution ne reflète pas nécessairement une amélioration tangible de l’état de la planète. « Il est difficile de déterminer dans quelle mesure cette évolution est due à un ralentissement économique ou à des efforts délibérés de décarbonisation », explique ainsi le Global Footprint Network.

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La France, mauvaise élève en matière de climat : de gigantesques défis, des solutions concrètes

Depuis 1971, le jour du dépassement n’a cessé d’avancer, témoin d’une détérioration inquiétante de l’équilibre écologique. En 1971, la date était fixée au 25 décembre. Elle avait lieu le 2 septembre en 2004, et s’est stabilisée autour du mois d’août au début des années 2010. Si le jour bouge assez peu depuis lors, le consensus est clair : « la réduction du dépassement est encore beaucoup trop lente », alerte à nouveau le Global Footprint Network.

Les États-Unis, l’Australie et la Russie figurent parmi les plus grands consommateurs de ressources, d’après les données de 2023. De son côté, la France fait partie des plus mauvais élèves en la matière. Elle est classée septième consommateur de ressources au niveau mondial, avec un jour du dépassement fixé au 5 mai, et une consommation 86 % supérieure à que ce que ses écosystèmes peuvent régénérer. Si tout le monde vivait comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins de l'humanité. 

« Même si la France fait des efforts, notamment en matière de décarbonisation, de réduction des déchets alimentaires et d’élimination des voyages aériens nationaux, le pays est encore loin d’être apte à fonctionner dans un monde en proie à un dépassement persistant. Le fossé reste immense », déclare Steven Tebbe, PDG de Global Footprint Network.

Des solutions existent, et elles sont clairement identifiées, comme le rappelle aussi le consortium : « réduire de 50 % les émissions de CO2 permettrait de retarder le dépassement de plus de 90 jours ; et diviser par deux la consommation de viande ferait gagner 15 jours ». Mais le temps presse : pour atteindre les objectifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il faudrait déplacer le jour du dépassement de 19 jours par an pendant les sept prochaines années.