La genèse du projet
Concevoir et commercialiser le Flyboard n'a pas suffi à Francky Zapata. Cet ancien pilote d'essai de jet-ski, deux fois champion du monde dans la catégorie F1 Run, sept fois champion d'Europe, a arrêté l'école très tôt. Ce qui ne l'a pas empêché d'inventer sa planche hydro-propulsée. « Durant mes 15 ans d'expérience en tant que pilote d'essai, j'ai observé le travail des ingénieurs, et j'ai beaucoup appris. Et finalement, je me suis dit que j'étais aussi capable de faire ce qu'ils faisaient ». Francky Zapata s'est alors mis à étudier, la plupart du temps via Internet. C'est donc en autodidacte qu'il a conçu le Flyboard, puis sa déclinaison le Flyboard Air.Cet engin, que l'on peut qualifier de « Jet board », il y pense depuis longtemps. Et le travail a commencé il y a plusieurs mois, pour finalement aboutir à un premier essai il y a environ un mois. « Au premier test, j'ai fini à l'eau. Mais le second essai a été concluant, et j'ai pu piloter l'engin sans tomber ».
Passionné, Francky Zapata a réuni autour de lui quelques fournisseurs à même de répondre à ses demandes rapidement : « Si j'ai besoin d'une pièce ou de matériel un dimanche, je passe un coup de fil et on s'arrange. ». Des appels, il y en a, et des dépenses aussi, et tant pis pour le retour sur investissement : ce n'est pas cela qui dicte la politique de développement du Flyboard Air.
Le pilotage
S'il ne compte pas l'argent (dans une certaine mesure tout de même), l'inventeur ne compte pas non plus son temps. Et il en faut pour dompter son engin, dont le pilotage est particulièrement délicat. De son propre aveu, « il n'y a que très peu de personnes au monde capables de piloter le Flyboard Air ».Pourquoi est-ce si complexe ? Son appareil fonctionne grossièrement comme un Segway, c'est à dire grâce au transfert de masse opéré par le pilote. Sauf qu'un Segway dispose d'un support et n'a pas pour préoccupation le lacet, ce mouvement de rotation horizontal autour d'un axe qui n'est, par ailleurs, pas toujours vertical dans le cas du Flyboard Air.
Pour parvenir à stabiliser son engin, Francky Zapata a donc prévu de l'équiper de pas moins de six moteurs. Quatre sont disposés sous le plateau qui supporte le pilote, deux sur les côtés (bien visibles sur la vidéo), ces derniers sont utilisés pour la rotation. Pourquoi quatre moteurs sous la planche au lieu d'un seul ? Pour stabiliser l'appareil. Ces quatre moteurs sont en effet en mouvement, afin d'ajuster au mieux la direction de la poussée en fonction des mouvements du pilote.
« Ce fut là la plus grosse difficulté du développement. Créer un algorithme qui parvienne à faire que s'entendent mes jambes et les moteurs. Nous avons passé quatre mois à le développer, afin d'atteindre le résultat que nous connaissons aujourd'hui. » Le programme conçu par son équipe est ainsi capable d'ajuster la vitesse des turbines latérales, et l'inclinaison des turbo-réacteurs. Et si la poussée est gérée de manière globale par le joystick (sans fil) que le pilote a dans sa main, elle est modulée de manière plus fine par l'algorithme, qui va la distribuer de manière adéquate sur chacun des moteurs.
Et concernant ces moteurs justement ? « Des réacteurs de missiles ou de gros drones de l'armée », précise Francky Zapata, développant chacun 250 chevaux, pour un total de 1 000 chevaux. Une puissance que le pilote ne pourrait pas contrôler sans ses trois cent heures d'expérience avec le Flyboard hydro-propulsée. « J'ai passé environ 300 heures sur le Flyboard, et c'est cette expérience qui m'a permis de savoir exactement ce que j'attendais du Flyboard Air. Car finalement, les sensations sont et doivent être les mêmes. ».
La sécurité
Tout ceux qui ont regardé la vidéo de présentation (ou la vidéo amateur) mettant en scène le Flyboard Air se sont posé une question : n'est-ce pas dangereux d'avoir plusieurs litres de carburant sur soi ? Car les plus observateurs auront sans doute noté la présence d'un sac dans le dos du pilote, ainsi que celle d'un câble reliant ce réservoir à la planche.« Pour pouvoir voler environ 4 minutes, comme dans la vidéo de présentation, j'emporte avec moi 14 kg de carburant. Pour un vol plus long, de l'ordre de 8 minutes, il faut 23 ou 24 kg » précise Francky Zapata, qui ne considère pas son dispositif comme dangereux pour autant. « Ma combinaison est ignifugée, tout comme l'est la durite d'alimentation. » Et l'inventeur d'ajouter : « Lorsque vous roulez à moto sur la route, vous avez un réservoir d'essence juste sous le ventre. Un carburant dont le point d'éclair (ou point d'inflammabilité, NDLR) est bien plus bas que celui du carburant que j'utilise, le Jet A1. ». A ce jour, aucun incident n'est survenu de ce dispositif, nous affirme M. Zapata.
En ce qui concerne les chutes ? « Je n'ai connu qu'un seul incident grave, et c'est l'engin qui a pris, et non moi. J'ai effectué un entrainement avec un vent violent (environ 80 km/h), et nous n'avions pas anticipé que cela allait solliciter de manière anormale le système de stabilisation, qui a demandé bien plus d'énergie qu'à l'accoutumée. Résultat, quelques secondes avant de me poser, je suis tombé en panne de carburant, et je n'ai pas eu d'autres moyens que de laisser l'appareil s'échouer, ce qui l'a significativement endommagé. ».
Une panne sans gravité pour le pilote donc. Mais qu'arriverait-il si un moteur venait à lâcher à plusieurs mètres, voire dizaines de mètres de haut ? «< Des quatre moteurs présents sous la planche, seuls trois sont nécessaires. Nous avons l'un des rares appareils volants à avoir un plan B en cas de défaillance, au même titre que les avions qui n'ont pas besoin de tous leurs moteurs pour atterrir. ».
Même la connexion Wi-Fi entre la planche et la manette des gaz disposent d'une solution de secours : « Nous utilisons trois canaux Wi-Fi différents et avons disposé trois puces dédiées dans la manette. Elles communiquent entre elles, et si l'une connaît un souci, les autres le savent et s'adaptent ».
Quoi qu'il en soit, et pour ne pas tenter le diable, tous les tests s'effectuent actuellement au-dessus d'un plan d'eau. « Mais d'ici quelques mois, nous serons prêts à voler au-dessus du sol », affirme Francky Zapata.
L'exploitation commerciale
Car il reste encore beaucoup de travail à réaliser autour de son Flyboard Air. « Nous travaillons actuellement sur un enregistreur capable de capturer toutes les métriques durant mes vols. Le but est ensuite d'utiliser ces données pour améliorer l'algorithme de stabilisation. ». De là à rendre le Flyboard Air accessible à tous ? « Nous ne souhaitons pas mettre cet appareil entre toutes les mains. Car quoi qu'il arrive, il restera complexe à piloter ».Quel avenir autour de cet appareil dans ce cas ? « Nous avons plusieurs idées. Nous allons mettre en place une équipe à même de piloter le Flyboard Air, pour réaliser des spectacles. Nous avons déjà des demandes en Chine. ». L'autre intérêt de ce prototype audacieux : créer une vitrine pour l'entreprise. L'intéressé ne s'en cache pas « Bien sûr qu'avec le Flyboard Air, nous souhaitons aussi mettre en avant nos solutions commercialisées. Et cette invention a également pour but de rappeler à ceux qui nous copient et bafouent notre travail ce dont est capable une entreprise qui innove vraiment. ». Voilà qui est dit.
La suite pour Zapata Racing ? Un projet que son patron n'a fait qu'évoquer brièvement auprès de nous, « car il y a des brevets qui sont en jeu ». L'objectif est de proposer un appareil très proche du Flyboard Air, mais dont le maniement serait rendu bien plus aisé. « Nos clients potentiels seraient avant tout l'armée et la sécurité civile. ».
Concernant son Flyboard Air, Francky Zapata promet de nombreuses actualités à venir, avec pour commencer un record du monde prévu pour le 30 avril prochain, à l'occasion d'une traversée de ville à ville d'environ 5 km sur le littoral méditerranéen et qui devrait se terminer par une spectaculaire arrivée au milieu du public. Et après ça ? « On enfonce des portes qui étaient considérées comme fermées, alors on se dit que tout est possible. Mon rêve est de voler au milieu des nuages, et c'est ce que je vise. ».
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