Firefox 4.0
Rarement une version Mozilla Firefox n'aura été aussi attendue, et pour la première fois, pour les mauvaises raisons. Franchement dépassé par les dernières versions de Google Chrome, Opera et Safari, Firefox 3.6 restait un bon navigateur, mais en terme d'ergonomie ou de performances, il accuse aujourd'hui son âge. Heureusement, la version 4.0 corrige la plupart des défauts du navigateur libre.Interface
L'interface de Firefox 4 n'est plus un secret pour personne à force d'avoir longuement affiché sa gestation par diverses maquettes avant même la publication des premières versions bêta. Pour faire court, il s'agit, comme pour Opera depuis la version 10.5, d'une version un peu moins extrême du minimalisme de Chrome (et aujourd'hui d'Internet Explorer).La barre de menus disparaît pour laisser la place à un menu général, accessible, comme dans Opera, depuis un bouton en haut à gauche de la fenêtre. Les onglets son situés au dessus des barres d'outils et l'interface fait la part belle à Aero comme celle de ses concurrents. Les amateurs d'une disposition plus classique pourront néanmoins rétablir le comportement de la version 3 : onglets en dessous des barres d'outils et barre de menus rétablie.
Tout comme Opera, Firefox n'opte pas pour une barre d'adresse unique qui englobe également la barre de recherche. Cette fonctionnalité à double tranchant facilite la vie des néophytes, mais comporte quelques effets secondaires désagréables : cherchez un terme, validez votre recherche et... le mot clé aura disparu ! Avec deux barres séparées, les termes restent affichés et on peut switcher d'un moteur à l'autre sans avoir à les saisir à nouveau.
Du point de vue de l'intégration avec Windows 7, tout y est ou presque : gestion optionnelle des aperçus d'onglets dans la barre des tâches, intégration de la barre de progression des téléchargements, jumplists... ne manque par rapport à Google Chrome ou IE9 que la gestion d'Aero Snap pour les onglets, et bien sûr les sites épinglés d'iE9 exclusifs au navigateur de Microsoft.
Au final, l'interface de Firefox 4 laisse une impression globalement positive même si elle apparaît par moments un peu brouillonne : on sent que Mozilla a voulu s'inspirer de Google Chrome, mais s'en tire avec un résultat moins réussi que son modèle ou Internet Explorer 9 : certains boutons sont peu visibles, la barre de menus que l'on peut afficher de manière optionnelle souffre d'un certain manque de lisibilité et on se demande pourquoi le menu Firefox est divisé en deux panneaux... Peut être pour distinguer les fonctionnalités principales de celles concernant l'apparence et les extensions... Malgré tout, les progrès par rapport au vieillissant Firefox 3 sont évidents.
Fonctionnalités
Firefox 4 introduit plusieurs nouveautés concernant la gestion des onglets, nouveautés qui ont été plus ou moins reprises dans Opera 11 (l'inconvénient d'être en retard !). La première est la possibilité d'épingler un onglet pour le réduire à son icône et empêcher sa fermeture. Cela peut être intéressant pour les applications web comme Gmail que l'on souhaite garder à part.La deuxième fonctionnalité est la création de groupes d'onglets que l'on peut réorganiser à sa guise. À la différence d'Opera néanmoins, qui se limite glisser/déposer des onglets dans la barre, Firefox 4 passe par une sorte d'espace de travail sur lequel on dessine des blocs. Ceux-ci peuvent contenir des onglets, que l'on peut déplacer d'un bloc à l'autre. En quelque sorte, des bureaux virtuels d'onglets, plutôt pratiques à utiliser, mais auxquels il manque une fonctionnalité qui aurait été bien pratique : sauvegarder ces blocs pour les retrouver plus tard ! Quoi qu'il en soit, cette vue peut s'avérer pratique pour obtenir une vue d'ensemble des onglets ouverts, d'autant plus qu'il est possible d'y effectuer des recherches.
Firefox 4.0 intègre désormais en standard la fonctionnalité de synchronisation entre plusieurs postes, anciennement connue sous le nom de Weave. Celle-ci permet de synchroniser les favoris, l'historique, les onglets ouverts, les mots de passe et les préférences entre plusieurs ordinateurs exécutant Firefox. Le fonctionnement est en revanche plus contraignant, mais sans doute plus sûr que ce que propose Google Chrome ou Opera. En effet, Firefox Sync ne se contente pas d'un compte en ligne, mais passe par un ordinateur « maître » auquel on ajoute d'autres machines : ordinateurs exécutant Firefox, mais aussi smartphones exécutant Firefox Mobile. Un point d'avance sur Google Chrome qui ne permet pas encore de synchronisation Chrome/Chrome Lite. En revanche, contrairement à Chrome, Firefox ne permet pas de synchroniser les extensions et les thèmes d'une instance du navigateur à l'autre.
Les extensions ont toujours fait la force de Mozilla Firefox et la version 4.0 apporte quelques nouveautés dans ce domaine. Pour l'utilisateur, la plus visible sera la nouvelle interface de gestion des extensions, qui prend désormais la forme d'une page dans un onglet. Cette page permet d'accéder au catalogue d'extension intégré et aux extensions, thèmes et plugins installés de manière plus confortable.
Hormis cette nouvelle page, Firefox 4 est surtout l'occasion pour Mozilla de proposer un nouveau SDK pour développer des extensions en utilisant des technologies standard telles que JavaScript, CSS et HTML. Ces extensions viennent compléter celles existantes et utilisant XUL, toujours compatibles pour la plupart avec la version 4. L'avantage des extensions développées avec l'Add On SDK (anciennement Jetpack) est de ne pas nécessiter de redémarrage, à l'image des extensions Google Chrome ou Safari. À l'heure actuelle, Mozilla affirme n'avoir aucune intention d'arrêter à terme la prise en charge des extensions « classiques ».
Un passage sur la plupart des extensions que nous avons pu proposer dans nos dernières sélections de logiciels permet de se rendre compte de certaines incompatibilités regrettables : les extensions portant sur les onglets sont notamment impactées : pas (encore ?) de TabKit ou de Colourful Tabs dans Firefox 4. À l'exception de ces cas, et de certains autres modules comme Readability, toutes les extensions testées fonctionnent sans problème : ScribeFire, Download Helper, Download Manager Tweak et autres AdBlock plus ou Flashblock sont d'ores et déjà compatibles.
Pas de changement en revanche en ce qui concerne la gestion des signets, qui est toujours un des points forts du navigateur : l'interface d'organisation est agréable, et les marque-pages peuvent être agrémentés de mots clés pour les retrouver plus facilement dans la barre d'adresse. Les signets peuvent être importés et exportés au format JSON ou HTML.
Rien de neuf non plus en ce qui concerne les téléchargements : le gestionnaire est toujours aussi fonctionnel et prend en charge la reprise d'un téléchargement interrompu après redémarrage du navigateur.
On terminera ce tour d'horizon des fonctionnalités sur les flux RSS : là encore pas de nouveauté ou plutôt si, mais pas dans le sens que l'on souhaiterait. Alors que Firefox était jusqu'ici un des navigateurs les plus agréables à utiliser pour s'abonner au fil RSS d'une page, le bouton permettant de s'abonner depuis la barre d'adresse a disparu ! Il est possible de le rétablir, mais il prend alors la forme d'un bouton supplémentaire, et non plus d'une icône intégrée à la barre d'adresse. Heureusement, Mozilla n'a pas touché à l'excellente gestion RSS de Firefox hormis ce détail : il est toujours possible de s'abonner en un clic à un flux via Netvibes, Yahoo ou Google Reader, ou à son application desktop préférée. Les signets RSS sont également de la partie.
Sécurité et stabilité
Côté sécurité, on prend les mêmes et on recommence : le navigateur propose toujours deux options permettant de se protéger contre les sites malveillants et contre les contrefaçons, à partir d'une liste noire régulièrement mise à jour. Les sites sécurisés, à l'inverse, sont clairement identifiés par leur certificat, mais on regrettera que les URL ne mettent pas en évidence le domaine principal comme le fait IE 9, Chrome ou Opera en grisant le reste de l'adresse.La navigation privée est toujours de la partie : dans ce mode, le navigateur ne sauvegarde aucun mot de passe, cookie ou historique de navigation. Le mode navigation privée peut être d'ailleurs activé de manière permanente. Un nouvel outil fait également son apparition : un anti tracking, activable ou désactivable à souhait du côté des options avancées du navigateur. Néanmoins contrairement à Internet Explorer 9, il est actuellement impossible de le personnaliser en détail.
Côté stabilité, si Firefox 4 n'utilise pas des processus séparés pour les onglets à l'image de Google Chrome, il utilise néanmoins un processus distinct pour la gestion des plug-ins comme le fait Safari 5 sous Mac OS X.
Performances
Sans être un mauvais élève en ce qui concerne les performances, Firefox 3.6 commençait sérieusement à trainer derrière ses concurrents, et notamment Google Chrome, Opera et Safari. Le nouveau moteur de rendu Gecko 2.0 et le nouveau moteur d'exécution Javascript Jägermonkey intégrés à cette version 4 tiennent toutes leurs promesses.Le moteur JavaScript de Firefox 4.0 reste en dessous du Chakra d'Internet Explorer 9 sur le test Sunspider, mais fait mieux sur le test V8 de Google.
Concernant l'exécution de Canvas pour les graphismes 2D, Firefox 4 s'ouvre également, comme IE9, à l'accélération matérielle via Direct2D. Les résultats obtenus à la fois sur les benchmarks mis en place par Microsoft et par des tests indépendants montrent des résultats légèrement inférieurs à ceux d'IE9, mais supérieurs à ceux de Google Chrome 10 (pour lequel l'accélération matérielle de Canvas est toujours désactivée par défaut).
En revanche, on note, alors que Firefox 3.6 avait fait de gros progrès sur ce point, une nette augmentation de la consommation de mémoire vive. Plus de 700 Mo avec 20 onglets ouverts alors que Firefox 3.6 arrive à environ 400 Mo avec les mêmes sites.
Compatibilité
Firefox 4 améliore également sa compatibilité avec les derniers standards du web, et notamment HTML5 et CSS3. La version 4 prend ainsi en charge le format WebM de Google en ce qui concerne la vidéo. Cette prise en charge vient potentiellement renverser l'équilibre en terme de compatibilité : à l'heure où Google prévoit d'abandonner le format H264, on aurait donc trois navigateurs compatibles WebM et Ogg (Firefox, Opera et Chrome), et deux navigateurs compatibles H264 (Safari et Internet Explorer).Le navigateur améliore également sa prise en charge CSS3, avec une meilleure compatibilité avec les polices « web fonts » et une prise en charge partielle des transitions CSS. Jusqu'ici, seuls les navigateurs utilisant webkit permettaient de les utiliser. Tout ce que Safari ou Google Chrome permettent d'afficher n'est pas encore pris en charge, mais c'est un début...
On notera enfin que Firefox 4 est avec Google Chrome le seul navigateur à prendre en charge WebGL pour afficher de la 3D sur le web. Là encore, la compatibilité est plutôt expérimentale : seuls quelques sites comme le Body Browser de Google en tirent parti. Néanmoins, il est appréciable de constater que dans l'ensemble, Firefox 4 revient en première ligne de la compatibilité avec les derniers standards, juste derrière Google Chrome.
Notre avis :
Disons-le sans détour : on aime ce nouveau Firefox. L'interface subit un lifting bienvenu, même s'il est difficile de savoir qui d'Opera ou Firefox a copié sur l'autre... Les habitués aux anciennes versions pourront rétablir la plupart des comportements de Firefox 3, et les néophytes découvriront un navigateur épuré et simple d'utilisation.Du tout bon également sur les performances et la compatibilité HTML5/CSS3, en progrès par rapport à une version 3.6 qui commençait à accuser un certain retard. À l'heure où tous les navigateurs semblent enfin aller plus ou moins dans la même direction, on va peut-être enfin profiter d'une vraie standardisation du web, et il faudra donc un navigateur performant et avant-gardiste, ce que Firefox redevient. On regrettera tout de même l'impact plus lourd sur la mémoire vive par rapport à Firefox 3.6 sur notre machine de test.
Au final, même si certains lui préfèreront un Google Chrome décidément passé maître dans la simplicité maximale (synchronisation avec le compte Google, barre d'adresse unique...), ou un IE9 plus rassurant et mieux intégré à Windows 7, Firefox revient au sommet et c'est une excellente nouvelle !