Certes, il n'y a guère plus que Canon, Nikon, et surtout Panasonic et Sony à faire vivre aujourd'hui le filon du bridge. A l'image de l'ensemble du marché de la photo, c'est vers le haut de gamme que les constructeurs se tournent. Puisqu'ils vendent moins qu'avant, il faut bien être plus cher pour équilibrer l'équation. Ça déplait inévitablement au porte-monnaie, mais de bien beaux appareils voient ainsi le jour (voir notre guide d'achat d'appareils photo). Comme le FZ1000 de Panasonic, le G3 X de Canon ou ce RX10 III, qui veut s'imposer comme le meilleur bridge de tous les temps. A 1 600 euros, c'est en tout cas assurément le plus cher. On se rappelle du R1 avec capteur APS-C sorti en 2005 à 1 000 euros, et on sourit...
Présentation et prise en main
Le RX10 III reprend l'essentiel du RX10 de deuxième génération, dont le capteur CMOS 20 mégapixels de 1 pouce, mais change un élément central et majeur : l'optique. Oui, c'est généralement un coup l'objectif, un coup le capteur. Et là, c'est l'objectif (ce qui laisse à penser que le RX10 IV aura le même zoom mais un nouveau capteur, mais bon, passons...).La version précédente avait un zoom 24-200 mm avec ouverture constante à F2,8, Sony opère ici une bascule significative sur une plage de focales trois fois plus vaste de 24-600 mm. L'optique reste bien lumineuse puisqu'elle ouvre à F:2,4 au grand-angle (c'est donc mieux que précédemment), puis F:2,8 jusqu'à 34 mm et elle se rétrécit à F:4 dès 100 mm et reste ainsi jusqu'à 600 mm. Autrement dit, on est « perdant » entre 35 et 200 mm en ouverture maximum par rapport au F2,8 constant, d'un « diaph' » au pire. Un compromis plus qu'acceptable pour récupérer un zoom trois fois plus ample.
En toute logique, le boîtier a pris un certain embonpoint : 238 g et 2,5 cm de profondeur en plus. Sony a intelligemment profité de l'allongement du fût pour passer sur trois bagues métalliques (au lieu de deux) : diaphragme, zoom électronique et mise au point. Et également pour ajouter un bouton de verrouillage de la mise au point.
Le zoom électronique peut être paramétré de trois façons : en mode « vite » et « incrément », où il jouera plus ou moins le même rôle que la manette de zoom encerclant le déclencheur, mais surtout en mode standard. Il se comporte alors quasiment comme un objectif de reflex - la focale change proportionnellement aux mouvements de bague et simultanément. Assez génial ! Ce bel objectif Zeiss se marie parfaitement avec le corps du RX10 III, donnant plus l'allure, l'encombrement et la sensation d'un reflex, que ceux d'un bridge.
Impression renforcée par la poignée copieusement creusée, le grip de pouce confortable, le viseur électronique proéminent, la molette de correction d'exposition ou encore, l'écran de contrôle monochrome (rétroéclairé en orange) sur le dessus du boîtier. Côté boutons de raccourcis, c'est un peu moins dense que sur un reflex expert. Un ressenti biaisé par la présence de touches non floquées mais paramétrables (le bouton au centre de la roue codeuse cliquable et trois directions du pavé). Il n'y a que le toucher très plastique des coques qui fasse baisser le standing, sinon c'est du sérieux !
Pas de grande surprise lorsqu'on continue de faire le tour du produit : on retrouve le bel écran LCD orientable de 3 pouces (1 228 800 points) et le superbe viseur électronique OLED de 2,36 millions de points. Un régal de précision et d'immersion ! Notez qu'il faudra songer à activer le réglage Tps. Ensoleillé pour réussir à lire l'écran en plein soleil.
Sony a préservé la connectique essentielle à tout appareil avec de fortes prétentions vidéo, à savoir l'entrée micro et la prise casque, mais aussi les connectivités Wi-Fi et NFC dignes de tout appareil récent. Batterie et carte SD font emplacement à part, une bonne chose. Et l'appareil se recharge directement via l'USB, c'est pratique.
Réactivité et qualité d'image
Le RX10 III repose sur le processeur de traitement d'image le plus rapide du constructeur (Bionz X), mais aussi sur un capteur Exmor RS de type stacked (empilement de la surface photosensible et des circuits électroniques) qui intègre sa propre mémoire vive, et sur un module autofocus prédictif (Fast Intelligent AF, qui s'appuie sur la détection de sujet).Vous nous voyez venir ? Oui, le RX10 III est rapide et nerveux à souhait. Seul le démarrage prend un peu de temps - il faut bien déployer l'optique - mais pour le reste, les chronos se montrent tout à fait favorables. Côté rafale, on oscille entre 5 im/s avec suivi de l'AF sur 50 Jpeg, ou 14 im/s sans actualisation de la mesure ni de l'AF.
Le RX10 III est assurément un appareils nerveux
L'autofocus se montre effectivement bien réactif et fiable. Il n'y a qu'à 600 mm où, selon le sujet, le RX10 III pourra patiner un peu. Mais bon... Côté qualité d'image, Sony maîtrise son sujet. Le capteur de 1 pouce, quatre fois plus grand qu'un capteur de compact standard, permet de monter à 400 ISO sans dégradation visible et 800 ISO de manière parfaitement satisfaisante. Le cap des 1 600 ISO peut se franchir sereinement et on ne craindra pas de titiller les 3 200 ISO au besoin, en Jpeg ou de préférence en RAW.
Au-delà, on observe un brouillage plus franc des textures fines, rendant les images moins simples à exploiter. Mais 6 400 ISO est encore utilisable pour du Web ou du petit tirage, si possible pas pour des photos de personnes. Il n'y a vraiment qu'à 12 800 ISO où le bruit fait moutonner les images ostensiblement.
Que penser de l'optique ? C'est l'essentiel de l'accomplissement de Sony sur ce RX10 III. Le piqué est bon sur toute la ligne, avec juste un léger coup de « moins bien » sur les bords au grand-angle et en bout de zoom. Au grand-angle toujours, la distorsion en barillet est bien corrigée mais toujours présente. Et quand on ouvre à fond, on observe du vignettage. Rien de véritablement gênant comparé à la superbe polyvalence offerte, et réellement exploitable. Le sigle Zeiss se paye mais la qualité est là !
Voici une représentation de l'étendue du zoom en GIF
Fonctionnalités et vidéo
Qui achètera ce genre d'appareil n'aura pas grand-chose à faire des modes scène. Et pourtant, ils sont là. La panoramique à la volée n'est pas perdu dans ce menu fourre-tout mais dispose de son entrée dédiée, c'est appréciable. Pour notre part, nous avons affecté le traitement DRO (optimisation de la dynamique) et la HDR à une des trois touches C1, C2 et C3 personnalisables. Les résultats sont très bons. Le DRO permet notamment de bien récupérer de la matière dans les zones sombres.Pour les zones claires, la HDR rattrape bien les scènes très contrastées que le boîtier tend à surexposer. Ce n'est qu'un capteur 1 pouce après tout, il est logique que la dynamique naturelle ne soit pas à la hauteur d'un micro 4/3 ou encore moins d'un APS-C et d'un Full Frame. Seul hic de la HDR : les sujets en mouvement se transforment facilement en fantômes.
Photo normale, avec DRO automatique puis en HDR 5EV
Le photographe appréciera l'entrée MR permettant de se créer des ensembles de réglages personnalisés et d'y accéder rapidement, les fonctions de bracketing (exposition, balance des blancs et DRO) ou l'obturateur électronique qui permet d'atteindre des vitesses extrêmes (1/32 000) sans le moindre bruit, ni risque de rolling shutter ; mais aussi l'assistance au cadrage qui se démocratise sur les appareils à gros zoom. En pressant la touche à laquelle on a attribuée la fonction, le RX10 III dézoome un peu en surlignant le cadrage de départ : ça permet de s'y retrouver quand on a perdu son sujet (à 600 mm, le champ est très étroit).
La fonction d'assistance au zoom, fort utile
Mais le gros des fonctionnalités sert avant tout la vidéo. Mode HFR (High Frame Rate qui filme en 1 136 x 384 à 960 fps, ensuite upscalé en 1080p), Dual Rec (possibilité d'enregistrer des images de 17 mégapixels pendant la capture vidéo), la stabilisation sur cinq axes en vidéo, affichage des zebras, focus peaking, réglage de la sortie HDMI et des marqueurs vidéo ou encore, gestion ultra fine des profils d'image (sept différents) avec dosage du niveau de noir, du mode colorimétrique ou de la courbe de gamma (Cine, ITU709, S-Log2, etc.). Pointu le RX10 III !
Et dans la pratique ? Le RX10 III filme en 1080p à 120 im/s et 100 Mbps, rien que ça, ou en 4K à 30 im/s et 100 Mbps. Attention, pour ces valeurs élevées, accessibles uniquement dans le format XAVC S, Sony exige une carte mémoire UHS-I de classe 3. La qualité d'image déjà superbe à 60 Mbps devient exceptionnelle à 100 Mbps. La mise au point automatique fonctionne parfaitement bien, mais on préférera filmer en tout manuel, et sur trépied si on souhaite utiliser toute l'amplitude du zoom. Jusqu'à 200-300 mm, la superbe stabilisation parvient à gommer les petits tremblements, au-delà ça devient compliqué. Et avec une qualité d'image pareille, ça ne pardonne pas.
Capture réalisée en 1080p à 120 im/s et 60 Mbps
Téléchargez un exemple de capture en 4K à 100 Mbps
Conclusion et galerie
Difficile de ne pas tomber amoureux du RX10 III, un appareil photo assez encombrant - même pour un bridge - mais redoutablement efficace et polyvalent. Tout ce qui compte en photo est là : un viseur confortable et précis, une optique lumineuse, généreuse et piquée, une ergonomie pertinente et pratique, une réactivité à toute épreuve et, bien sûr, une très bonne qualité d'image.Le RX10 III est tout autant une formidable machine à filmer, capable de tenter les vidéastes amateurs ou professionnels qui ont déjà lorgné du côté du GH4 de Panasonic, par exemple. Tout est là pour autoriser une exploitation experte du boîtier (prise casque, entrée micro, sortie HDMI pour monitoring sur écran externe, griffe porte-accessoires) et des images produites (XAVC S avec débit élevé, gestion fine des profils d'images, etc.).
L'appareil ultime ? En termes de possibilités, et si l'on reste dans le spectre des optiques non interchangeable, le RX10 III en a bien tout l'air. Maintenant, il faut comme toujours pondérer notre enthousiasme en mettant dans la balance les faiblesses du bridge, puisqu'il y en a. A commencer par le prix, astronomique et par conséquent, dissuasif. Surtout quand on sait que le plus proche rival du RX10 III, à savoir le Panasonic FZ1000 est vendu... deux fois et demie moins cher ! Oui, vous pouvez acheter deux FZ1000 pour le prix d'un RX10 III - 1 600 euros - et il vous reste même du budget pour une ou deux bonnes cartes mémoire.
RX10 III ou FZ1000 ?
Ensuite, l'autonomie annoncée de 420 vues fond comme neige au soleil quand justement on active le mode temps ensoleillé pour pouvoir lire l'écran par beau temps. Cette autonomie tombe par ailleurs naturellement à 370 vues quand on utilise le viseur électronique. Et si vous filmez (modestement en Full HD MP4), la batterie sera drainée en une heure ! Bref, en plus d'une carte mémoire rapide (et assez chère), il faudra également envisager une deuxième batterie. En tout cas pour un usage vidéo sérieux, le RX10 III se hisse tout de même assez nettement au-dessus du FZ1000.
Enfin, si la qualité d'image est excellente pour du bridge, ça reste un capteur de 1 pouce à l'intérieur du RX10 III. Comme sur les G3 X de Canon ou FZ1000 de Panasonic. L'optique Zeiss a beau se démarquer, les qualités photo de ces trois appareils demeurent assez similaires. En tout cas, il n'y a pas de quoi justifier l'écart de prix sur ce point précis. Et à 1 600 euros, on trouve par exemple un SLT-A77 II pour rester chez Sony, avec des capteurs autrement plus grands et capables.
Point par point, on arrive à trouver mieux ou plus abordable, mais voilà, le RX10 III est un tout. Et il faut bien l'admettre, c'est un tout exceptionnel pour qui peut se l'offrir.