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Pour les dirigeants de Mindgeek, la mise en place d'un contrôle de l'âge ne sera possible que lorsque les législateurs et l'industrie numérique dans son ensemble se seront mis d'accord sur les moyens d'y parvenir.

En France et dans d'autres parties du monde, les législateurs franchissent une nouvelle étape dans la lutte contre l'accès des mineurs à la pornographie. En effet, la simple vérification de l'âge par un simple clic, sans aucune garantie et présente sur la grande majorité des sites, ne suffit plus à nos décideurs. Il est donc décidé de contraindre les médias concernés à faire des efforts, au risque de subir sanctions et blocages. Mais, si cette bataille est plus que bienvenue, ces derniers doivent encore trouver le bon outil permettant cette vérification.

Une loi encore imprécise

Parmi les géants de l'industrie pornographique figure Mindgeek. Fondé au Canada, le groupe domine largement le secteur, avec des sites comme Pornhub, Brazzers ou YouPorn. Il n'est donc pas étonnant de le voir plus que concerné par les législations et les décisions de justice qui se mettent progressivement en place sur ses marchés. Détenue par le fonds d'investissement Ethical Capital Partners, il doit s'adapter à ces changements qui promettent de modifier radicalement ses habitudes et celles des millions d'utilisateurs qui se rendent chaque jour sur ses plateformes.

Solomon Friedman, l'avocat canadien en charge des affaires de Mindgeek, a donné son avis sur la question au journal Le Monde. Il a été invité à commenter le « sursis à statuer » concernant l'autorisation du blocage par l'Arcom de Pornhub, pour ne citer que l'une des plateformes concernées. En effet, le régulateur français de l'audiovisuel estime que de nombreux sites ne prennent pas suffisamment de mesures pour empêcher les mineurs d'accéder à leurs contenus.

Selon Solomon Friedman, « Ce que le tribunal a reconnu, c’est qu’il existait encore d’importants problèmes à régler. L’Arcom s’est vu confier le pouvoir de demander le blocage de sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs, sans que les solutions de vérification d’âge soient spécifiées dans la loi. »

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Des solutions qui ne font pas consensus

Si le gouvernement français a opté pour la solution de l'attestation numérique pour vérifier l'âge des visiteurs, une partie de l'industrie la juge inappropriée. Pour Friedman, il s'agit d'une méthode peu efficace et qui ne fait pas l'unanimité auprès des utilisateurs. « Nous en avons fait l’expérience en Louisiane, où les internautes peuvent utiliser le portefeuille numérique de l’État [qui contient leur permis de conduire] pour prouver leur majorité », explique-t-il. « Nous avons mis en place ce système et instantanément vu notre trafic chuter de 80 %. » En effet, il ajoute que « personne ne veut donner une copie de son passeport ou prendre un selfie chaque fois qu’il ou elle se rend sur un site réservé aux adultes ».

Pour l'avocat, une telle solution soulève d'importantes questions en matière de protection de la vie privée. Bien que cet argument soit très incongru compte tenu de l'actualité autour de Mindgeek, il insiste sur la nécessité d'impliquer l'ensemble du secteur numérique dans les questions de vérification de l'âge. « Je suis confiant sur le fait que les gouvernements vont le comprendre, et qu’il faut qu’ils travaillent avec l’ensemble de l’industrie – pas seulement les sociétés du domaine de la pornographie, mais aussi la vente de cannabis là où c’est légal, d’alcool ou de jeu d’argent », déclare Friedman, qui ajoute : « Internet a besoin d’une solution de vérification d’âge. Cette solution, ça n’est pas de photographier votre passeport chaque fois que vous visitez un site. »

Alors que l'industrie et l'Arcom n'ont pas encore trouvé de méthode qui leur convienne et qui soit efficace, de nombreux médias pornographiques cherchent à bloquer les décisions de justice visant à les obliger à se conformer aux législations. En attendant, Friedman laisse entrevoir une solution possible, qui risque de ne pas plaire à tout le monde non plus : « nous avons tous dans nos poches un outil qui est parfait pour contenir des certificats numériques, auquel nous donnons déjà nos données bancaires ou de santé : la vérification de l’âge doit se faire sur le téléphone ».

Source : Le Monde