Ces derniers mois, les conférences et les articles se sont multipliés en France sur le sujet de la blockchain. La technologie se présente comme un moyen d'échange capable de sécuriser tout type de transaction, et ce, sans organe central de contrôle. Chaque « bloc » est comme un livre de comptes privé, consultable par les différents acteurs d'une transaction, et hautement sécurisé. Système de non intermédiation, la blockchain fut conçue à l'origine par des esprits voulant s'émanciper des rouages bancaires et boursiers.
Pour certains, le terme est à la mode dans le monde du high-tech et des start-up. Les séminaires et conférences se multiplient tant aux Etats-Unis qu'en France. Preuve de cet intérêt porté à la technologie qui porte le bitcoin, Blockchain France réunissait 500 participants à Paris en janvier dernier lors de sa conférence Big Bang Blockchain. Un score impressionnant pour un sujet complexe et mal connu.
Au-delà du bitcoin, cette technologie aura potentiellement de multiples applications dans notre vie courante et pourrait bien bousculer nos sociétés. L'écosystème en France est vif et des sociétés se sont lancées dans le secteur.
« Beaucoup de gens s'intéressent au secteur, ont envie de lancer des projets mais la connaissance de ce qu'est la blockchain est encore assez superficielle » estime Claire Balva, cofondatrice de Blockchain France. « Il y a de nombreux porteurs de projets en France, mais ils sont encore peu à avoir réellement créé une entreprise ».
Claire Balva, cofondatrice de Blockchain France, l'organisateur de la conférence Big Bang Blockchain et de la BlockFest à l'Ecole 42.
Pour Laurent Leloup, fondateur de l'association France Blocktech qui compte une vingtaine d'adhérents, l'écosystème français est en train de se former : « Si en 2014, Blockchain trouvait encore peu d'écho dans l'Hexagone, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Il y a un gros intérêt porté à la technologie. Quelques start-up ont pu être financées et nombreuses sont celles qui sont dans les starting-block pour trouver des associés, être financées et lancer des projets. Les investisseurs commencent à se doter de cellules blockchain et les choses se mettent en place petit à petit ».
De nouvelles blockchains apparaissent
Né en 2008, l'écosystème bitcoin est plus mature et compte plusieurs entreprises comme Paymium, Moneytis, Utocat qui ont lancé des services depuis plusieurs années. Des acteurs qui maîtrisent bien la technologie blockchain sur laquelle s'appuie le bitcoin mais qui restent souvent très attachés à la monnaie virtuelle et ne se positionnent pas systématiquement sur ce nouveau marché. Or, la blockchain peut potentiellement toucher tous les secteurs d'activité où entre en jeu un intermédiaire.Depuis 2015, les conférences et séminaires, à l'image de Big Bang Blockchain, connaissent un vif succès en France, preuve de l'intérêt porté à la technologie par les entreprises.
Les banques et assurances sont, bien entendu, les secteurs qui seront potentiellement les plus concernés, tout comme des fonctions réglementées comme les notaires, les avocats ou encore tous les objets connectés. « Toutes les applications ne pourront être supportées par la blockchain ou le bitcoin » explique Claire Balva qui souligne notamment la montée en puissance de la blockchain Ethereum. « Pour ces applications nouvelles, il faudra aller chercher du côté d'Ethereum où de nouvelles blockchains semi-publiques ou privées devront être créées à l'avenir. Ce qui est intéressant avec Ethereum, c'est qu'il s'agit d'une solution plus simple à exploiter pour proposer des smart-contrats par exemple ».
Dès l'origine du projet Ethereum, l'objectif était de pouvoir intégrer de multiples applications, ce qui n'était pas l'objectif initial de bitcoin. « Aujourd'hui on peut espérer qu'Ethereum va conduire à l'apparition d'usages bien plus larges de la blockchain, mais la technologie n'est clairement pas encore mature. Le projet a un an à peine et une version n'est disponible que depuis le mois de janvier 2016. »
Une effervescence de projets commerciaux pour certains, idéalistes pour d'autres
L'écosystème blockchain français est encore très immature, les porteurs de projets qui visent le marché des entreprises cohabitent avec de nombreux développeurs idéalistes qui estiment que la blockchain va tout simplement changer le monde. Nouvelles façons de faire du commerce, de collaborer, de se déplacer ou même, de gérer des entreprises ou des États, son approche totalement décentralisée remet en cause effectivement bien des fondements de notre société actuelle.Quels projets parviendront à réellement déstabiliser des pratiques vieilles de plusieurs centaines d'années pour certaines, nul ne le sait. Dans de nombreux cas, le rôle des États sera primordial dans l'assouplissement de la règlementation qui pèse sur de nombreux secteurs. Bercy semble enfin prêt à faire bouger les choses et permettre l'éclosion de champions de la blockchain dans l'Hexagone.
Afin que les banques n'aient plus le monopole des prêts accordés aux PME, Emmanuel Macron, le ministre a profité de ce système sécurisé et décentralisé pour inciter particuliers et entreprises à leur accorder des financements avec intérêts. Des « minibons », sortes de bons de caisse (engagements à rembourser, émis par des sociétés en échange d'un prêt sur cinq ans) permettent ainsi aux grands comptes d'utiliser les plates-formes de financement participatif pour financer de plus petites entreprises. Ces bons permettent alors de dépasser la limite de prêt de 1 000 euros en matière de financement participatif.
Le besoin de définir un cadre
Récemment, plusieurs secteurs se sont interrogés quant à la nécessité de définir un socle commun de règles permettant d'encadrer la technologie. C'est notamment le cas de la doctrine juridique qui s'est penchée sur le domaine. Certains experts s'interrogent par exemple sur les risques que le caractère décentralisé de la blockchain ne lui nuise.Hubert de Vauplane, ancien directeur juridique dans le secteur bancaire estimait à ce titre que la technologie pourrait être « contraire aux principes de la propriété intellectuelle. Toutes les opérations et les innovations intégrées dans le domaine ne seront pas soumises au droit de la propriété intellectuelle. Lorsque des entreprises vont développer leurs propres smart contracts au sein de blockchains privées, quel régime juridique appliquer ? ».
Malgré ces questionnements, le besoin de cadre est patent. La Commission des communications électroniques (CSSPCE) nous a ainsi précisé qu'à l'heure actuelle, certaines start-up françaises étaient encore réticentes à l'idée de développer leur activité. Des règles juridiques et réglementaires pourraient assurer une assise plus stable au secteur.
Technologie d'avenir ou simple effet de mode ? La rédaction de Clubic Pro penche pour la première assertion. C'est pourquoi elle est partenaire du Blockchain Day, le salon regroupant l'ensemble des professionnels du secteur. Pendant une journée, Novaway et la Cuisine du Web à Lyon organisent en partenariat avec la rédaction une série de conférences dédiées.
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