Éclipsée par la bataille juridique qui opposait Apple et Epic Games, la plainte que le développeur de Cydia a déposée contre le géant à la Pomme a de quoi faire sourire tant elle est surprenante.
Cydia, voilà un nom que beaucoup liront pour la première fois et qui rappellera de lointains souvenirs aux amateurs du jailbreak. Aujourd'hui oublié, Cydia est tombé en désuétude en même tant que le jailbreak. La raison ? Des mises à jour d'iOS venant combler peu à peu les lacunes de l'iPhone, une tâche dans laquelle s'étaient spécialisés les développeurs de Cydia.
Mais qu'est-ce que Cydia au juste ? Un bref historique du premier store d'applications de l'iPhone
L'histoire de Cydia remonte à février 2008. À cette époque, l'iPhone premier du nom n'avait même pas un an… l'App Store n'existait tout simplement pas. iOS (qui s'appelait à l'époque iPhoneOS) était en 2007 encore plus fermé qu'il ne l'est aujourd'hui. Qui plus est, il n'était disponible que chez un seul opérateur aux États-Unis. À une époque où bloquer les cartes SIM des opérateurs concurrents était encore monnaie courante, des petits bricoleurs ont donc cherché un moyen d'affranchir l'iPhone de son allégeance à AT&T. C'est comme ça qu'ont été découverts les premiers exploits et que Cydia a vu le jour.
Sur le plan technique, Cydia n'était qu'une interface graphique pour APT (Advance Package Tool). Cette technologie simplifie la distribution et la gestion de logiciels et applications sur les systèmes UNIX (dont iOS est un descendant). D'un point de vue fonctionnel, Cydia a tout d'un App Store : une curation par la communauté, un catalogue large d'applications, un processus d'installation simplifié, etc.
Le succès fut rapide pour ce projet open-source qui amassait un dixième des utilisateurs d'appareils iOS en août 2009. Jay Freeman, le développeur de Cydia, et ses comparses finançaient le projet à l'aide de publicités dans les applications installées et de dons de la part d'utilisateurs. À mesure que le projet gagnait en popularité, un jeu du chat et de la souris entre Apple et et les différentes équipes de jailbreakers se déroulait et aucun des deux ne semblait réussir à prendre l'ascendant.
Ayant échoué à mettre fin au jailbreaking par la voie technologique puis par la voie légale, Apple décida de rendre la pratique obsolète en donnant simplement aux utilisateurs les fonctionnalités qu'ils obtenaient par la voie du jailbreak. Ainsi, Jay Freeman annonça la fin de la monétisation sur Cydia en décembre 2018, ce qui causa le départ de nombreux développeurs de la plateforme.
Une plainte qui remonte à fin 2020
2020 fut un temps fort pour les GAFAM, Apple et Google en particulier. Les deux géants furent attaqués de toute part, tant par des gouvernements que par des développeurs pour leur abus de position dominante sur leurs plateformes respectives. Tout cela a atteint un point culminant avec l'affaire « Epic Games vs Apple » à la fin de l'année. Jay Freeman a intenté un procès à Apple en décembre 2020, alléguant qu'Apple détenait un monopole illégal sur la distribution des applications iOS par l'intermédiaire de l'App Store. Sa plainte allègue également qu'Apple a « constamment essayé d'étouffer les magasins d'applications alternatifs » tels que Cydia.
En janvier 2022, Apple a vu sa demande de rejet de l'action en justice accordée par la juge de district américaine Yvonne Gonzalez Rogers, qui a convenu avec la société que les réclamations dans la première action en justice étaient en dehors du délai de prescription. Toutefois, la juge a autorisé Freeman à déposer une nouvelle plainte, qui a maintenant été acceptée.
Les avocats de Cydia soutiennent qu'Apple a introduit de nouvelles technologies entre 2018 et 2021 pour nuire aux apps distribuées en dehors de l'App Store, ce qui est le cas de Cydia et de nombreuses autres apps populaires que les utilisateurs ne peuvent installer que sur des appareils jailbreakés.
Avec cette action en justice, Cydia souhaite qu'Apple ouvre iOS afin que les développeurs puissent distribuer des applications en dehors de l'App Store. Elle souhaite également qu'Apple autorise des méthodes de paiement alternatives « à ceux qui souhaitent faire une concurrence loyale » à l'entreprise. Cette action intervient au moment même où Apple est confrontée à une action en justice similaire de la part d'Epic Games, qui est également examinée par la juge Gonzalez Rogers.
Le point aujourd'hui
Les avocats de Cydia ont déclaré que le litige pourrait tirer parti d'attendre que l'audience de la Cour d'appel dans l'affaire antitrust Epic Games contre Apple se soit déroulée, ce qui pourrait arriver dès octobre. Mais la juge Gonzalez Rogers, qui a supervisé cette affaire et s'est largement prononcée en faveur d'Apple l'année dernière, a récemment déclaré qu'elle souhaitait que l'affaire avance plus rapidement.
Wolfson, l'un des avocats de Cydia, avait demandé à la juge Gonzalez Rogers d'autoriser la prolongation de certaines dépositions et de preuves jusqu'en juin 2023, afin de donner plus de temps aux parties pour entendre la décision de la justice américaine dans l'affaire Epic. Apple s'est opposé à cette prolongation jusqu'en juin prochain. Le procès qui opposera Apple à Cydia devrait avoir lieu le 25 mars 2024.