Voilà, Google Stadia, c'est terminé. Vous le regretterez ? Pour être honnête, nous, pas du tout.
C’est fait ; Google Stadia a fermé boutique depuis quelques heures ; une boutique qui n’avait pas attiré suffisamment de chalands à l’évidence. Cette fermeture, ou cette mort, comme vous voulez, était annoncée. Fin septembre, Google avait prévenu que son service de cloud gaming, inauguré en 2019, vivait ses derniers mois. Désormais, la page Google Stadia affiche cette épitaphe : « Merci d'avoir joué avec nous. Stadia n'est plus disponible depuis le 18 janvier 2023. » Le service de cloud gaming de l’entreprise américaine aura fait illusion pendant 1 156 jours.
Ci-gît Google Stadia (19 novembre 2019 – 18 janvier 2023)
Google avait officialisé en grande pompe la naissance de son Stadia, appelé Project Stream durant la phase de gestation (ou de développement si vous préférez) le 19 mars 2019. Dans son faire-part de l’époque, le géant de Mountain View proclamait : « Le futur du jeu vidéo n’est pas dans une console » Google promettait une plateforme gaming grâce à laquelle nous allions pouvoir « jouer à des jeux AAA sur tous types d’écrans ».
Moins de quatre de plus tard, nous attendions toujours les jeux AAA, et nous serions tentés de répondre à la première assertion de Google, que le futur du jeu vidéo n’était, à l’évidence, pas non plus chez Stadia.
Toutes les cartes en main pour réussir
Lors de sa venue au monde en novembre 2019, Google Stadia semblait pourtant avoir toutes les cartes en main pour réussir à s’imposer comme LE service de cloud gaming et ringardiser les consoles de salon.
Né avec une cuillère dorée, il bénéficiait de l’énorme popularité de la firme auprès du grand public, et, bien sûr, de la puissance financière ainsi que de la vaste implantation géographique de papa Google, qui lui léguait 7 500 serveurs répartis à travers le globe. Bref, un écosystème qui semblait idéal.
Et, pour ne rien gâcher, quelques mois plus tard, une bonne partie du monde se retrouvait confinée, avide de contenus numériques en tous genres.
Le credo de Google pour Stadia se résumait en un mot : accessibilité. L’idée générale de l’entreprise était de permettre aux utilisateurs de profiter du service de manière transparente sur différents écrans : ordinateurs, tablettes, smartphones, téléviseurs... Lors de la présentation de Stadia en mars 2019, Google montrait Assassin's Creed Odyssey joué successivement sur différents appareils, sans le moindre contretemps. Nous nous souvenons également de cette promesse de pouvoir visionner une vidéo YouTube d’un jeu puis de lancer une partie de ce dernier en quelques secondes d’un simple clic.
Enfin, pour l’aspect plus technique, Google misait sur des serveurs basés sur du matériel AMD, offrant 10,7 TFLOPS FP32 ; la puissance d’une PlayStation 5 approximativement (qui n’était pas sortie à l’époque). La société proposait de la 4K à 60 images par seconde lors du lancement en novembre 2019, et faisait déjà miroiter de la 8K à 120 images par seconde.
Un service plombé par sa technique ?
Nous ne nous attarderons pas trop sur l’aspect technique du service, tout simplement parce que nous ne considérons pas que c’est la cause première de cette déroute.
De fait, quel que soit le fournisseur, le cloud gaming reste très dépendant de la connexion et de la localisation de l’utilisateur. Cependant, dans l’ensemble, si vous disposez d’une bonne connexion avec un débit suffisant et surtout d’une latence faible et stable, les principaux services de cloud gaming du marché sont relativement au point désormais.
Bon, à notre humble avis, en matière de qualité d’image, Google Stadia était devancé par le Xbox Cloud Gaming de Microsoft et le GeForce Now de NVIDIA. À ce jour, ce dernier reste, selon nous, le meilleur service de cloud gaming en matière de rendu/latence. C'est peut-être ce qui distingue une entreprise spécialisée dans le hardware, dont les ingénieurs bossent sur le service de cloud gaming depuis 2013 (NVIDIA GRID au départ), et une entreprise qui, si la qualité et la pertinence de ses algorithmes sont avérées, gagne essentiellement de l'argent grâce à la publicité.
Les raisons d’un échec : un modèle commercial foireux, où le client passait deux fois à la caisse
Non, le véritable talon d’Achille de Stadia serait plutôt à chercher du côté de son modèle économique, un modèle un peu bâtard, qui imposait de passer deux fois à la caisse.
Le système économique du GeForce Now est limpide. Vous louez l’accès à des serveurs pour profiter de jeux présents dans vos bibliothèques Steam, Uplay, etc. Vous « détenez » ces jeux auprès d’autres entreprises mais ils ne sont pas liés à NVIDIA en somme, qui assure finalement un rôle de prestataire de services.
Vous êtes en voyage quelques semaines ou mois, vous avez envie de poursuivre votre aventure Cyberpunk 2077 commencée sur votre PC gaming, mais ne disposez que d’un ordinateur portable peu puissant ? NVIDIA vous loue simplement l’accès à des GeForce RTX pour un mois ou plus, libre à vous de reprendre votre aventure ensuite sur votre PC fixe. Votre carte graphique est en panne, vous n’avez pas les moyens d’en acquérir une nouvelle pour l’instant, mais vous souhaitez quand même jouer à votre centaine de jeux Steam ? Le GeForce Now est une option. Clairement, le service de NVIDIA s’adresse essentiellement aux joueurs disposant d’une ludothèque bien garnie, mais dont le PC actuel et/ou les conditions de vie ne permettent pas de jouer en local. Si, demain, le service ferme, ils n’ont plus accès au service, mais conservent leurs jeux.
Du côté de Microsoft, le Xbox Cloud Gaming s’appuie sur une philosophie différente : il mise sur une formule tout-en-un à un tarif très attractif. Pour 12,99 euros par mois, l’abonnement GamePass Ultimate donne accès à un gros catalogue de jeux, comprenant de nombreuses productions récentes, jouables en local ou, pour certaines, via le cloud. Un joueur occasionnel souhaite tester quelques titres de ce catalogue pendant un mois ? C’est possible pour une somme relativement modique au vu du prix des jeux à leur sortie, et il peut le faire en local, simplement en installant le jeu sur son PC. Un gros joueur souhaite consommer des jeux comme d’autres consomment des séries et des films sur Netflix ? Il lui en coûtera 13 euros par mois, soit peu ou prou l’équivalent de deux jeux neufs pour une année.
Stadia a essentiellement pris le mauvais côté de ces formules : les utilisateurs devaient payer à la fois l’abonnement, mais aussi les jeux, lesquels étaient cantonnés à cette plateforme. Les clients payaient deux fois pour un même service en quelque sorte, et leurs achats étaient circonscrits à Stadia. Le client qui achetait Red Dead Redemption 2 sur le store Stadia (au prix fort d’ailleurs) devait exclusivement y jouer sur cette plateforme, sans autre alternative.
Au fond, si vous nous autorisez cette comparaison, le Google Stadia des débuts nous faisait un peu penser à Amazon Prime Video. Si vous êtes abonné, vous avez déjà certainement eu la désagréable surprise de vouloir regarder un film sur la plateforme et de constater qu’il fallait encore repasser à la caisse, en plus de l’abonnement Prime. Alors Amazon Prime Video est peut-être sauvé par le service de livraison qui motive la plupart des adhérents, mais pas Stadia. Surtout que pour le service de cloud gaming, ce n’était pas des vidéos à 3 ou 4 euros, mais des jeux vendus 60 euros !
Un catalogue famélique
Google a ensuite un peu rectifié le tir avec son offre Pro, en octroyant quelques jeux par-ci par-là et en finissant par donner accès à l’intégralité du catalogue à ses abonnés. Toutefois, cette réaction est arrivée trop tard pour changer la donne et corriger la mauvaise trajectoire prise par le service dès ses débuts.
En outre, en dépit de ces ajustements, le catalogue restait très famélique, avec environ 300 jeux (le GeForce Now en propose plus de 1 000), extrêmement chiche en AAA, contrairement à la promesse initiale.
Tak, fordi du spillede med
Quoi qu’il en soit, Google a donc désormais tourné la page Stadia. L’entreprise a remboursé tous les achats de jeux et autres packs d'extension aux clients. Elle a également débloqué le support Bluetooth du contrôleur Stadia pour permettre aux clients de continuer à utiliser cette précieuse relique avec d'autres plateformes.
Désormais, la page officielle Google Stadia affiche simplement le message d’adieu rapporté en français en début d’article. Il est d’ailleurs possible de l’afficher en différentes langues. En danois par exemple, tenez « Tak, fordi du spillede med. Stadia lukkede den 18. januar 2023 », ou alors en polonais « Dziękujemy za wspólną grę. Platforma Stadia zostanie wyłączona 18 stycznia 2023 roku ». Alors, à défaut d’avoir façonné l’avenir du jeu vidéo, Stadia peut finalement servir à nous rendre polyglottes de quelques mots.
Enfin, nous allions les oublier : les consoles se portent très bien, PlayStation 5, Xbox Series X / S et Nintendo Switch en tête. Victimes d’une très forte demande, elles n’ont, hélas, pas eu le temps de passer à l’enterrement de feu Google Stadia !
Source : Google