Face aux robots, à l'IA et autres Uber, l'idée du revenu universel suit son chemin en France

Alexandre Broutart
Publié le 06 mai 2016 à 14h15

Au choix : la pression du chômage ou celle des plateformes en ligne, le travail semble avoir pris une drôle de tournure avec la modernité. Un chauffeur Uber par exemple, doit travailler environ 70 heures par semaine pour gagner en moyenne 1200 euros net, et parfois la fatigue n'est pas bien notée par les clients. Un problème, jusqu'au moment où les chauffeurs seront des voitures autonomes. Pourtant tout n'est peut-être pas noir, et les spécialistes français pensent déjà aux solutions qui ré-humaniseraient le paysage robotisé à venir.


« On s'apprête à voir une robotisation sans précédent » déclare Benoit Thieulin, peu rassurant. Et le directeur de l'agence La Netscouade, véritable gourou des politiques sur les sujets numériques, ne démord pas : « Là, ce ne sont plus les ouvriers qu'on va mettre au chômage (comme après l'industrialisation), mais les "cols blancs". Dans 15 ans plus aucun médecin ne fera de diagnostique, ils seront plus des sortes de « pédagogues » qui expliqueront au patient les recommandations de la machine. Le métier d'avocat ou notaire ne tiendra pas non plus. Déjà aujourd'hui, les armées de stagiaires qu'on voyait avant sont remplacés par des bons algorithmes de recherche juridique. »

Pourtant, l'ancien président du conseil national du numérique (CNNum) essaye d'ouvrir des perspectives : dans le rapport préludant à la loi El Khomri, il avait fait inscrire l'idée d'un revenu minimum universel. « Ils nous ont écoutés poliment, mais n'ont rien gardé dans le projet de loi. » Convaincu cependant que le sujet réapparaîtra lors des présidentielles de 2017, Benoit Thieulin vante la solution, et attend qu'un candidat s'en fasse le chantre.


Benoit Thieulin


L'allocation universelle, ou revenu de base, est déjà expérimentée aux Pays-Bas, au Canada et bientôt en Finlande. Financée par l'impôt, elle remplacerait les aides sociales existantes. On la chiffrerait en France à environ 900 euros par mois. Pour Benoit Thieulin, il s'agit de garantir des conditions de vie décentes aux plus démunis, mais aussi d'ouvrir des perspectives inédites aux travailleurs : le salarié pourrait privilégier un mi-temps et éventuellement entreprendre, les indépendants des plateformes numériques consolideraient leurs revenus.

« Je pense que nous allons plutôt vers un système moins vertical qu'Uber »

Pour ces raisons, la mesure est étudiée chez les libéraux, mais est aussi synonyme de progrès pour bon nombre de socialistes. Vincent Huguet, spécialiste du travail freelance, s'interroge : « D'un côté, le salaire universel pourrait accentuer l'inflation et la fracture sociale. Il ne faudrait pas non plus que l'héritière Rothschild soit gratifiée par nos impôts. Mais en même temps, la mesure pourrait encourager le freelancing et la création d'entreprise : si vous avez un revenu garanti vous allez prendre plus de risques. Pour moi la priorité est d'abord une unicité des caisses (RSI, CPAM, etc.), car le système en l'état n'est pas conçu pour les changements de parcours ou le cumul des statuts salariés et indépendants. ».

Vincent Huguet


À la question de savoir si les plateformes de type Uber ne recréent pas une forme d'exploitation des plus faibles, Vincent Huguet nous répond : « Pour rester efficaces, les plateformes devront contenter leurs travailleurs, sinon elles se feront elles-mêmes "ubériser". Je pense que nous allons plutôt vers un système moins vertical qu'Uber, où les offreurs de service choisissent eux-mêmes leurs prix, à la façon d'Airbnb. » Vincent Huguet est le cofondateur d'Hopwork, une plateforme qui se veut précurseur dans l'encadrement du travail indépendant, car elle garantit à ses travailleurs freelance des revenus journaliers fixes, ainsi qu'une assurance responsabilité civile.

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