Émois au pays de l'Oncle Sam : la très conservatrice loi encadrant le droit d'auteur aux Etats-Unis vient, comme tous les trois ans, d'être révisée par la Bibliothèque du Congrès, avec à la clé quelques modifications d'envergure : le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) autorise en effet désormais les opérations de type jailbreak et desimlock d'un smartphone, mais aussi le contournement des mesures techniques de protection apposées à un DVD commercial si l'extraction est réalisée à des fins documentaires ou éducatives.
Jailbreak : le cas iPhone
La portée de la décision publiée lundi dépasse largement l'iPhone, mais le téléphone d'Apple a joué un rôle central dans les débats dans la mesure où il a fortement contribué à démocratiser la notion de jailbreak. Le jailbreak, comprendre « sortie de prison », c'est cette opération qui permet de s'affranchir des limitations logicielles imposées par un fabricant en vue d'interdire l'installation et l'exécution d'applications qu'il n'aurait pas approuvées.
Notamment défendue par l'Electronic Frontier Foundation (EFF), association de consommateurs militant pour une plus grande ouverture dans le domaine informatique, cette opération a toujours suscité l'ire d'Apple, qui officiellement l'a toujours considérée comme étant parfaitement illégale dans la mesure où elle engendrait une modification du code source de ses propres logiciels, logiquement soumis au droit d'auteur.
La Bibliothèque du Congrès en a finalement jugé autrement. Parmi les six exceptions au DMCA avalisées lundi figure en effet la suivante : « les programmes informatiques qui permettent à des combinés téléphoniques sans fil de lancer des applications logicielles, lorsque ce contournement est effectué à des seules fins d'interopérabilité avec ces applications ».
Autrement dit, il devient admis par la loi américaine de mettre au point un programme favorisant l'installation d'applications tierces sur un téléphone mobile, à partir du moment où l'opération est réalisée dans les règles (logiciel acquis légalement) et à des seules fins d'interopérabilité. Ce motif est donc considéré comme suffisamment important pour que la loi sur le Copyright s'efface, l'idée n'étant bien évidemment pas ici de soutenir ou d'encourager les usages illégaux (piratage d'applications) mais de raisonner sur le principe d'une « ouverture » à des modifications légitimes.
Dans le domaine de la téléphonie mobile toujours, une seconde exception autorise le fait d'utiliser un logiciel permettant de se connecter au réseau mobile de son choix. Ultrasn0w, logiciel permettant de désimlocker son iPhone (i.e. l'utiliser sur un réseau mobile autre que celui de l'opérateur auquel est lié l'appareil) devient donc toléré par la loi, tout comme les outils équivalents dédiés à d'autres terminaux. Jusqu'ici, la question de la légalité des opérations de jailbreak et de desimlock n'avait jamais été clairement tranchée.
DVD : le DRM CSS compromis
Copyright toujours, mais au niveau des DVD cette fois, avec une autre exception qui devrait faire sensation à Hollywood : la possibilité de contourner la fameuse mesure de protection contre la copie Content Scrambling System (CSS) dès lors que la copie consiste en une extraction de séquences destinées à des fins éducatives et documentaires ou à l'intégration dans une vidéo non commerciale. Les termes sont suffisamment larges pour laisser place à des interprétations contraires, mais constituent tout de même une prise de position affirmée en faveur de l'exploitation contrôlée d'oeuvres de l'esprit.
Entre autres mesures, le DMCA ainsi amendé autorise par ailleurs le contournement des mesures techniques de protection apposées sur un jeu vidéo à des fins de sécurité (recherche de failles par exemple), ainsi que le fait de déjouer les protections externes de sécurité associées à un logiciel (clé de sécurité externe) dès lors que ces dernières ne sont plus mises à jour ou disponibles dans le commerce.
Le livre électronique, sous les feux de la rampe médiatique, n'est pas oublié : une dernière exception prévoit enfin que le contournement des protections associées à un format est autorisé dès lors qu'il est effectué à des fins d'accessibilité : association avec un logiciel de synthèse vocale ou lecture sur un écran adapté aux déficients visuels.