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Après cinq ans de gestation, la série d'animation Arcane, basée sur l'univers de League of Legends, est enfin disponible sur Netflix. À l'occasion de sa sortie, nous avons pu découvrir les coulisses du développement de cette superproduction signée Fortiche, le studio français auquel Riot Games a accordé sa confiance.

Cerise sur le gâteau, nous étions accompagné de Barthelemy Maunoury, directeur de l'animation de la série, dont on a pu recueillir les propos.

Le dessin à l'honneur

Derrière League of Legends, mais aussi Legends of Runeterra et le futur MMO de Riot, il y a Runeterra. Ce vaste monde a commencé à prendre forme il y a quelques années, et tend à se faire le théâtre d'histoires diverses et variées. C'est d'ailleurs pour crédibiliser l'ensemble que Riot s'est associé à Fortiche Production pour concevoir une série d'animation.

Et pour cause, le studio a déjà fait ses armes avec Runeterra. On lui doit notamment les clips musicaux à succès Warriors et More de K/DA, un groupe fictif de K-Pop imaginé pour les Worlds 2018 (le championnat du monde de League of Legends).

Fort de ce bagage, Fortiche a signé il y a cinq ans le contrat de développement de ce qui devait être une série d'animation dans la plus pure tradition des productions du studio français, à savoir : de la 2D sans aucune motion capture.

« Ça n'a jamais été notre souhait de faire de la motion capture, cela rend les personnages et les visages trop réels »

Barthélémy Maunoury, directeur de l'animation d'Arcane

Dans Arcane, des touches de 3D sont tout de même présente, notamment dans les décors, mais le matte-painting est réalisé en 2D, tout comme les effets spéciaux, une spécialité de Fortiche.

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« Une technique, pas une finalité »

« Animation », voilà un vaste mot pour évoquer ce que Fortiche décrit comme « une technique, pas une finalité ». Ici, si l'animation se permet des folies dans les couleurs, Arcane se démarque surtout par une réalisation réaliste. Pas question pour le studio de proposer des plans improbables, ou de mettre des personnages dans des positions impossibles.

L'idée a été de réaliser Arcane comme une série live, contraintes comprises. Les mouvements de caméras sont donc pensés et opérés de façon à ce que le téléspectateur puisse penser qu'il s'agit de prises de vues réelles.

« Le format et le nombre d'épisodes sont là depuis le début »

C'est un travail de titan réalisé en amont qui a permis à Fortiche de bénéficier d'une telle liberté de création. Le studios avait notamment précisé ses intentions esthétiques et de mouvements dès la phase de storyboarding :

« L'animation vient chercher la beauté dans son écriture et ses mouvements, on voulait que tous les décors ressemblent à des peintures, c'est pour ça que tout est fait à la main. Ensuite, les éléments inspirés du cinéma live viennent casser le côté "tableau vivant" de la série. »

Une confiance mutuelle

Une telle réalisation n'aurait sans doute pas été possible sans une confiance mutuelle entre Riot Games et Fortiche.

« On était libres, et c'était la clé de la réussite du projet. Riot nous a fait confiance, une confiance qui s'est créée au fur et à mesure des années, sur d'autres projets. Ça a été incroyable. »

Et Netflix dans tout ça ? La plateforme de SVoD a signé pour la diffusion de la série dans les derniers mois de la production, et n'a eu aucun impact sur celle-ci. Riot a financé la première saison avec ses propres fonds, offrant carte blanche à Fortiche. Selon nos informations, le budget avoisinerait d'ailleurs 50 millions d'euros, du jamais vu pour une série d'animation française ou européenne. À titre d'exemple un long métrage d'animation comme Spider-Man : Into the Spiderverse a nécessité l'investissement de 90 millions de dollars.

« C'est dur de fabriquer Arcane »

Le développement d'Arcane a été long et pas de tout repos. Le projet a notamment dû composer avec la crise sanitaire, et pris quelques mois de retard le temps que Fortiche trouve une nouvelle manière de travailler, le studio réussissant finalement à s'adapter aux contraintes du télétravail.

Aussi il y a bien eu une phase de crunch, mais pas comme on peut le voir dans le secteur du jeu vidéo :

« Il a fallu augmenter les effectifs, notamment pour assurer l'aspect technique puisque Fortiche fabriquait jusque là des films avec des contraintes liées à des plus petits projets ; avec Arcane, il fallait modifier ça, trouver un pipeline technique adaptée à l'ampleur de la production. »

La fabrication de la série a été un moyen pour Fortiche et Riot de se « challenger », en offrant aux deux parties de nombreuses possibilités de création.

Concrètement, on retrouve Riot à l'écriture et à la gestion de l'univers, Fortiche se chargeant bien sûr de l'animation. L'éditeur de League of Legends s'occupait aussi de fournir au studio français les designs des personnages et des décors, ou de valider les propositions de l'équipe.

Au total, 80 animateurs ont été nécessaires pour proposer neuf épisodes de 45 minutes, accompagnés de nombreuses autres petites mains pour un effectif total de 300 personnes mobilisées.

L'animation en France

L'animation est encore trop souvent vue, notamment en France, comme destinée aux enfants. Un biais regrettable, qui a causé du tort à de nombreux films, dont Dofus : Le Film, ou Spider-Man : Into the Spiderverse pour ne citer qu'eux, se retrouvant souvent en peine de distributeurs.

Résultat : l'innovation dans le secteur est à la peine.

« L'animation, ça coute cher. ça implique un retour sur investissement, ce qui implique de faire des productions mainstreams, et on se retrouve avec des films qui sont toujours un peu les mêmes. »

Avec Arcane, Fortiche a pourtant voulu montrer aux spectateurs, aux producteurs et aux diffuseur qu'une autre forme d'animation était envisageable et pouvait être rentable.

« En France, on a des choses qui permettent de sortir un peu des sentiers battus. La situation s'améliore, même si on n'est pas au niveau du Japon, c'est sûr. »

Maintenant, la suite

La seule première saison d'Arcane a nécessité cinq ans de développement, illustrant le temps nécessaire pour proposer une production aussi ambitieuse. Rien ne dit toutefois qu'en cas de renouvellement, la suite devrait attendre autant de temps avant de débarquer sur nos écrans :

« Nous avons mis en place une équipe et des moyens de production qui permettent de produire beaucoup. Mais il est toujours difficile de timer correctement le développement d'un épisode, d'autant plus qu'à partir d'un moment, le temps nécessaire n'est plus compressible. »

La base existant déjà, une suite serait tout de même plus facile à produire… Rappelons que les six premiers épisodes de la première saison d'Arcane sont actuellement disponibles sur Netflix.

Nous remercions Barthélémy Maunoury pour cet échange.

  • Une explosion visuelle de chaque instant
  • Un univers maîtrisé de bout en bout
  • Des dialogues inspirés
9 / 10