© Grand Warszawski / Shutterstock.com
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Nokia, qui a rapidement annoncé l'arrêt de ses ventes en Russie suite à l'invasion de l'Ukraine, aurait pourtant largement collaboré avec les autorités locales, ces dernières années, pour mettre en place un vaste système de surveillance des télécommunications.

Après le scandale Ericsson List et le financement de l'État islamique par l'entreprise suédoise, c'est cette fois l'autre géant des équipementiers télécoms nordiques, Nokia, qui est mis en cause dans une nouvelle affaire. Le New York Times révèle que la firme finlandaise a fourni des équipements et des services permettant au gouvernement russe d'espionner ses opposants. Et ce pendant plusieurs années.

Nokia a permis au gouvernement russe de connecter un réseau de surveillance à celui du premier opérateur télécom du pays

Si Nokia a, tout comme Ericsson, annoncé dès le début du mois de mars l'arrêt de ses ventes en Russie en signe de protestation contre l'invasion de l'Ukraine, l'équipementier laisse derrière lui, au pays des Tsars, tout un système orné d'équipements et logiciels permettant de relier le plus grand réseau de télécommunications du pays, qu'il a contribué à mettre en place, à l'outil de surveillance numérique le plus puissant du Kremlin.

Cet outil de surveillance XXL, appelé SORM, pour « système pour activité d'enquête opérateur », est utilisé depuis plusieurs années par le Kremlin. Le NY Times avance même que les appels téléphoniques interceptés par Moscou auraient entraîné l'assassinat d'un ennemi du pouvoir. Ce système permet tout à fait légalement au FSB (le service de renseignement russe) d'écouter les communications depuis de nombreuses années. Il serait aujourd'hui particulièrement sollicité par le gouvernement russe, ne serait-ce que pour surveiller et/ou faire taire les opposants à la guerre en Ukraine.

Le Kremlin
Le Kremlin

L'enquête nous apprend que Nokia a fourni, pendant plus de cinq ans, des équipements et services pour relier SORM à celui qui est considéré comme le principal opérateur de télécommunications russe, Mobile TeleSystems (MTS). Et si Nokia n'a pas fabriqué la technologie permettant de directement intercepter les communications, l'équipementier finlandais a travaillé avec la Russie pour renforcer la connectivité du système SORM avec le réseau de l'opérateur MTS. Les e-mails, SMS, conversations téléphoniques et autres éléments de communication peuvent être librement interceptés grâce à ce système.

Des documents que Nokia ne conteste pas, tout en affirmant s'être soumis à la loi russe

Selon les documents consultés par le média américain, Nokia savait bien qu'il activait un système de surveillance russe. De la même façon que Ericsson a pactisé avec l'EI pour conserver son marché en Irak, Nokia a dû suivre le mouvement pour ne pas voir le marché russe lui échapper, surtout que l'entreprise est l'un des principaux fournisseurs d'équipements et services de télécommunications dans le pays.

D'autres géants des nouvelles technologies, comme Google ou Facebook, ont aussi eu du mal à trouver un équilibre entre le respect de certaines « valeurs » et le business mené en Russie. De la même manière, Apple travaille avec un acteur public pour stocker des données en Chine, et NVIDIA et Intel vendent des puces via des revendeurs chinois qui ensuite permettent aux autorités de faire fonctionner des ordinateurs contribuant à la surveillance dans l'empire du Milieu.

De son côté, Nokia n'a pas contesté l'existence des documents, bien réels. L'entreprise répond tout de même que la loi russe l'oblige à fabriquer des produits qui ensuite permettent à un opérateur russe de se connecter au fameux système SORM. Elle indique même que d'autres pays font des demandes similaires, et affirme ne pas fabriquer, installer ni entretenir quelconque équipement SORM directement, tout en rappelant condamner « sans équivoque l'invasion de l'Ukraine par la Russie ».

Le New York Times ne l'entend pas de cette oreille et détient des documents attestant d'une réelle participation des ingénieurs Nokia à l'examen du système SORM, entre autres interventions sur une douzaine de sites de l'opérateur MTS, lié à SORM. Même après 2017, date à laquelle les documents prennent fin, Nokia aurait continué à travailler avec MTS. D'autres acteurs, comme Cisco, cité dans le journal, auraient aussi été connectés aux boîtiers SORM.