Dans un avis rendu mardi, la commission des affaires économiques du Sénat apporte 27 nouveaux amendements au projet de loi « Création et Internet », et suggère qu'un système d'amendes soit mis en place en lieu et place de la suspension d'abonnement à Internet préconisée par les auteurs du texte initial. A quelques heures des premiers débats relatifs à l'examen du projet au Sénat, amendements et interventions publiques se multiplient, contribuant à faire de ce texte, censé permettre d'endiguer le téléchargement illégal des oeuvres culturelles un véritable imbroglio que sénateurs et députés risquent d'avoir bien du mal à démêler.
Revenir à l'esprit des accords de l'Elysée
Pour la commission des affaires économiques, il convient d'amender le texte « Création et Internet » de façon à répondre à trois objectifs. En premier lieu, elle souhaite « revenir à l'esprit des accords signés à l'Elysée en novembre 2007 », et insiste pour que des mesures concrètes soient prises en vue du développement de l'offre légale de contenus culturels sur Internet. Dans le même temps, elle écarte le filtrage des réseaux, qualifié de « très difficile et coûteux à mettre en œuvre, intrusif et d'une efficacité très discutable ».
Elle suggère que soient mieux articulées « la protection des droits de propriété intellectuelle et celle de la vie privée », en développant la question des moyens de sécurisation permettant à l'abonné de s'exonérer de sa responsabilité (voir Hadopi : un logiciel flic pour prouver sa bonne foi ?).
Amendes ou suspension : indemniser les ayants droits ?
Enfin, et surtout, elle préconise que la suspension de l'abonnement à Internet soit écarté du dispositif de riposte graduée au profit d'un système basé sur des amendes, de façon à respecter le principe d'égalité entre les citoyens. Selon qu'ils sont dégroupés ou non, ceux-ci pourraient selon elle se voir privés de téléphone si on leur coupait Internet. La mise en place de sanctions basées sur des amendes permettrait en outre « d'éviter la création d'un fichier des internautes suspendus (interdits de réabonnement) ».
Dans ce cas, les amendes perçues seraient majorées si l'oeuvre piratée est disponible sur les services de téléchargement légaux, et leur montant serait reversé aux ayants droits, en guide de réparation du préjudice subi.
Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime, a également déposé une série d'amendements au projet de loi « Création et Internet ». Celle qui jouera le rôle de porte parole de l'Union centriste au cours des débats qui débuteront ce soir indique souscrire « pleinement à la philosophie du projet de loi » et ne remet donc pas en cause le principe de la suspension de l'abonnement à Internet. Elle suggère toutefois que le texte prévoie que « le prix de l'abonnement soit versé aux sociétés de perception des droits pour leurs actions de création pendant la suspension de l'abonnement ».
C. Albanel maintient le projet de départ
Invitée mardi soir du Soir 3, la ministre de la Culture Christine Albanel maintient quant à elle que le principe de riposte graduée tel qu'il a d'abord été conçu (courrier électronique d'avertissement, lettre recommandée puis suspension temporaire de l'abonnement à Internet) est le mieux adapté à la situation. « On est dans une logique pédagogique, alors que l'amende, je trouve qu'on est beaucoup plus dans une logique répressive », explique Christine Albanel, avant de rappeler que la justice pourra toujours être saisie pour les cas de contrefaçon lourde, et que le long métrage Bienvenue chez les Ch'tis aurait sans doute dépassé les vingt millions d'entrées en salle s'il n'y avait pas eu le piratage (1)... Clubic.com vous propose de retrouver l'interview, en vidéo.
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(1)Au 20 août 2008, Bienvenue chez les Ch'tis comptabilisait 20,371 millions d'entrées en salle.