Alors que sa campagne scientifique a commencé, les chercheurs ont observé une baisse de luminosité sur les miroirs du télescope Euclid. Inquiétant ? Pas de panique, il ne s’agit que de givre. Mais ce n’est pas une mince affaire pour un appareil aussi sensible qui doit cartographier la structure de l’Univers.
Ce n’est pas tout à fait inédit, même dans le petit monde des télescopes spatiaux. Malgré les précautions lors de la préparation, malgré les salles blanches et leur atmosphère protégée, il reste un très faible taux d’humidité confiné lors du lancement dans les entrailles de la partie optique du télescope Euclid. Ces molécules d’eau, en impesanteur et dans des conditions très froides, gèlent et ont tendance à se déposer sur les optiques extraordinairement propres du télescope.
Il s'agit d'une couche minuscule, quelques particules de givre à peine, mais elle peut perturber les mesures d’instruments dont la sensibilité est extrême. « Nous avons comparé la lumière reçue par l’instrument VIS lors des étapes d’étalonnage, avec des mesures prises par Euclid et par son cousin le télescope Gaia », explique Mischa Schirmer, l’un des responsables de l’instrument. « Il existe des étoiles dans l’Univers dont l’intensité peut varier, mais une majorité sont stables durant des millions et des millions d’années. Ainsi, lorsque nos mesures ont montré qu’elles recevaient moins de photons, nous avons su que ce n’étaient pas elles, c’était nous. » Ennuyeux, à 1,5 million de kilomètres de la Terre.
Pas de fonction « dégivrage pare-brise »
Il a fallu plusieurs semaines pour identifier à quel endroit spécifique (puis sur quel miroir) une minuscule couche de givre était en train de se constituer et de perturber les mesures. Il existe des moyens pour évacuer les gaz atmosphériques présents dans les parties optiques d’un véhicule spatial, en particulier lors de son étalonnage initial, ce qui consiste tout simplement à réchauffer (doucement) chaque organe du télescope pour que la glace se sublime en gaz, avant de la ventiler dans l’espace.
Le télescope Euclid a déjà réalisé cette étape, mais il reste toujours un peu de givre qui se reconstitue. C’est un problème particulier, parce qu’au contraire d’un satellite optique « classique », Euclid a démarré sa mission scientifique. Il vaudrait donc mieux éviter de réchauffer le télescope dans son ensemble, car il faut ensuite réétalonner les capteurs. Ce qui équivaudrait à refaire ensuite des mois de mesures...
Une petite touche après l’autre
Néanmoins, il faut s’occuper du problème. Et limiter tout changement thermique. Pour cela, les équipes vont « jouer » avec des cycles de chauffe ciblés sur les miroirs, qui ne sont pas les parties les plus sensibles (il s’agit évidemment des capteurs), d’abord un par un, puis plus s’il le faut, jusqu’à ce que les mesures optiques montrent une amélioration des mesures.
Il s’agit bien entendu d’un délicat compromis. Le givre n’empêche pas Euclid de bien faire la majorité de ses relevés. Néanmoins, pour les plus précis d’entre eux, qui sont importants afin de réussir sa mission de cartographie et d’observation de la structure de l’Univers (notamment l’observation de galaxies extrêmement lointaines, grâce à des effets de lentilles gravitationnelles), il faudra réussir à dégivrer, puis dégazer autant de molécules d’eau que possible.
Plus les capteurs et les ambitions d’une mission sont complexes, plus les problèmes le sont aussi...
Source : Communiqué de presse ESA