Europol s'attaque aux centres d'appels frauduleux © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock
Europol s'attaque aux centres d'appels frauduleux © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock

Dans une opération baptisée « Pandora », Europol a réussi à fermer 12 centres d'appels frauduleux et a permis d'arrêter 21 personnes. Un coup de filet qui aurait permis, selon l'estimation des policiers, d'empêcher 10 millions d'euros de pertes pour les victimes.

Ils pourrissent encore la vie à la plupart d'entre nous qui sommes tout de même 35 % à décrocher notre téléphone lorsque nous recevons un appel inconnu. Au bout du fil, la promesse d'une mutuelle moins chère, d'une économie d'énergie substantielle ou encore de panneaux photovoltaïques remboursés par les aides de l'État. Et si le démarchage téléphonique est un fléau en France, il n'en reste pas moins autorisé dès lors qu'il est conforme au RGPD en respectant vos données personnelles.

En revanche, ça n'est pas la même limonade lorsqu'il s'agit non pas de vous vendre des fenêtres en PVC, mais de vous extorquer de l'argent sous la menace. Une des techniques utilisées par la douzaine de centres d'appels téléphoniques malveillants qu'Europol a démantelée le 18 avril 2024, dans une opération baptisée « Pandora » à travers l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et le Liban.

La manipulation mentale et la pression, les principales techniques des centres d'appels frauduleux pour escroquer leurs victimes

Et c'est presque un hasard si Europol a pu démanteler ce réseau. C'est grâce à la réactivité d'un guichetier d'une banque allemande. Alerté par un client qui venait d'effectuer un retrait de 100 000 euros en espèces sonnantes et trébuchantes, l'employé a flairé l'arnaque et a aussitôt prévenu la police, après avoir compris que le client était sous la menace d'un faux policier. L'opération Pandora venait de commencer. Après avoir arrêté les escrocs, la Polizeipräsidium Freiburg (le commissariat de police de Fribourg) a mené l'enquête à partir de la mise sur écoute de la ligne téléphonique de la victime. En 48 heures, ils ont pu dénombrer près de 30 000 appels frauduleux.

Par la suite, l'enquête, confiée à l'Office national de la police criminelle et l'Office fédéral de la police criminelle, ont découvert d'autres techniques d'extorsion. Les escrocs se faisaient passer pour des proches, des employés de banque, des agents du service client ou même des policiers. Ils utilisaient diverses tactiques de manipulation pour choquer, menacer ou mettre la pression afin d'escroquer leurs victimes. Au programme, de fausses promesses de gains à la loterie, des opportunités d'investissement fictives, des demandes de recouvrement de créances inexistantes, des fraudes par carte prépayée et des appels surprise, prenant les victimes souvent au dépourvu, qui tombent plus facilement dans le piège de l'extorsion de fonds.

Un centre d'appel contre des centres d'appels, ce n'est pas Inception, mais Europol © khunkornStudio / Shutterstock
Un centre d'appel contre des centres d'appels, ce n'est pas Inception, mais Europol © khunkornStudio / Shutterstock

La méthode d'Europol pour neutraliser les centres d'appels frauduleux : un centre d'appels

Mais comment couper simultanément tous les bras de cette organisation tentaculaire qui sévit dans plusieurs pays ? La réponse réside dans une tactique imparable : retourner l'arme de son adversaire contre lui. Europol a décidé de créer une plateforme téléphonique pour veiller à la bonne coordination des équipes de tous les pays dans l'opération Pandora. Plus de 100 agents ont travaillé sans relâche pour sécuriser plus de 1,3 million de conversations suspectes. Leur objectif principal était d'empêcher la fraude avant qu'elle ne se produise, alertant les victimes potentielles dès qu'un risque était identifié.

En quatre mois, plus de 7 500 appels ont franchi le seuil permettant des poursuites pénales. Grâce à ces efforts, les pertes financières ont été évitées dans plus de 80 % des cas, économisant ainsi plus de 10 millions d'euros.

Parallèlement à la prévention, les enquêteurs ont également travaillé à démanteler l'infrastructure des centres d'appels frauduleux. Avec le soutien d'Europol, ils ont cartographié les lieux d'où provenaient les appels et recueilli des informations sur les numéros de téléphone, les propriétaires et l'infrastructure technique.

C'est ainsi qu'au matin du 16 avril 2024, plus de 60 agents allemands, soutenus par des collègues internationaux et des spécialistes d'Europol, ont effectué des raids dans plusieurs pays. Ils ont arrêté 21 personnes et saisi de nombreuses preuves, dont des données, des documents, de l'argent liquide et des biens d'une valeur de 1 million d'euros. Ces preuves pourraient aider à identifier de nouveaux centres d'appels et d'autres fraudeurs.