Suite à la révélation de la remise en question de l'accès illimité à Internet par trois des principaux opérateurs, les réactions s'enchaînent parmi les politiques. Après la négation pure et simple d'Eric Besson, on assiste de part et d'autre à la critique des arguments mis en avant par les opérateurs, notamment de l'argument technique lié à la saturation des réseaux, mais aussi de l'action des opérateurs eux-mêmes. En outre, l'accent est mis sur le danger inhérent à cette initiative qui, si elle est adoptée, mettrait en péril le principe de la neutralité du net, qui a fait l'objet de si vifs débats.
Pour rappel, le site Owni annonçait vendredi dernier le projet de la Fédération Française des Télécoms (FFT) de mettre en place de nouveaux forfaits pour l'accès à Internet fixe instaurant un « débit IP maximum » et un « plafond de consommation ». Un projet concernant les opérateurs de premier plan Orange, SFR et Bouygues Telecom et qui, sans surprise, n'a pas laissé les politiques de marbre. Outre Eric Besson, qui affirme l'intention du gouvernement de ne pratiquer « aucune restriction de l'accès à Internet » et insiste sur le travail mené pour le « développement du très haut débit fixe et mobile », d'autres voix se sont fait entendre.
La saturation du réseau filaire, déjà sujette à caution, serait à imputer aux opérateurs
Côté politiques, certains n'hésitent pas à retourner les arguments des opérateurs contre eux-mêmes. Le président du Parti radical de gauche (PRG) et actuel candidat à la primaire socialiste Jean-Michel Baylet, notamment, condamne dans un communiqué publié sur son blog l'argument de la saturation des réseaux, attribuant ce problème à l'insuffisance des investissements réalisés par les FAI en matière d'infrastructure, notamment dans le développement de la fibre optique.
Un point de vue partagé par Marine Le Pen, qui, outre la responsabilité des opérateurs, invoque dans un communiqué la responsabilité de l'Etat dans le problème de la saturation de la bande passante.
La saturation du réseau filaire n'est d'ailleurs pas avérée, l'Arcep elle-même la remettant en cause en jugeant qu'« autant dans le mobile, la ressource est finie... autant dans le fixe... », rapporte Owni.fr d'après une conversation téléphonique avec le régulateur. C'est donc peu dire que l'autorité de régulation des télécoms ne valide pas le projet de la FFT, que, toujours selon Owni, il déclare d'ailleurs ignorer et considère comme « bizarre ».
Quant à l'UFC Que-Choisir, elle remet tout bonnement en cause le fondement économique qu'aurait l'éventuelle limitation de l'Internet fixe, affirmant que « Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu », selon Owni.fr également.
Et la neutralité du net dans tout ça ?
Le député PS de la Nièvre Christian Paul voit le projet de la FFT de limiter l'Internet fixe comme une entrave à la neutralité du net, qu'il défend. Sur son blog, il va jusqu'à qualifier l'initiative de « confiscation de l'Internet, réseau bien commun, essentiel aujourd'hui, par quelques acteurs dominants ». Il met en doute l'efficacité de la mesure en matière de désaturation des réseaux, de même que son fondement économique, voyant avant tout dans ce projet la volonté des opérateurs de « maximiser les profits de court terme ». En réaction au projet, sur son fil Twitter il rappelle la proposition de loi socialiste sur la neutralité du net, qui a été rejetée début mars 2011, mais en appelle également au gouvernement, qui doit selon lui se faire le « chef d'orchestre des investissements publics et privés, nécessaires au déploiement en 10 ans partout sur le territoire des technologies de nouvelle génération, comme la fibre optique » et positionner « les citoyens à égalité devant l'accès au très haut débit ».
Quant à Laure de La Raudière, députée UMP d'Eure-et-Loir et secrétaire Nationale UMP en charge du Numérique, qui avait mené avec la députée PS des Côtes d'Armor Corinne Erhel une « mission d'information sur la neutralité de l'Internet et des réseaux », elle estime que, quelles que soient les pratiques commerciales, il est indispensable de maintenir la neutralité du net au premier plan. La députée UMP a en effet indiqué sur son fil Twitter « La neutralité d Internet est ce qu il y a de plus fondamental à préserver ! ».