Près de 20 ans après la fin de la trilogie Matrix, Lana Wachowski revient aux affaires avec un nouvel opus surprenant et conscient de lui-même, qui s'impose comme une anomalie aussi déroutante que fascinante dans le paysage des blockbusters actuels.
- Vous aimez les univers méta-textuels qui jouent avec le public
- Cela fait 20 ans que vous attendez le retour de Néo et Trinity
- Vous vénérez le travail de Lana Wachowski
- Vous n'aimez pas les oeuvres qui brisent le quatrième mur
- Vous attendez une nouvelle révolution technologique d'envergure
- Pour vous la Matrice, c'est vert et puis c'est tout
Accompagnez la lecture de cet article avec la musique du film :
Fiche technique Matrix Resurrections
Titre original | The Matrix Resurrections |
Date de sortie | 22 décembre 2021 |
Durée du film | 148 minutes |
Réalisateur | Lana Wachowski |
Société(s) de production | Warner Bros Pictures, Village Roadshow, Silver Pictures, NPV Entertainment |
Genre cinématographique | Science-Fiction, Action |
Classification | Public averti |
Retour au code source
Vingt ans après les événements de Matrix Revolutions, Thomas Anderson a.k.a. Neo est toujours prisonnier de la Matrice et semble avoir tout oublié de son combat passé. Il devra finalement s'extraire de nouveau de la simulation pour poursuivre le combat contre les machines et retrouver l'amour de sa vie, Trinity.
Le retour de Matrix est dans les cartons de la Warner Bros depuis plusieurs années déjà. Au milieu des années 2010, on apprenait que le studio avait missionné l'écriture d'un reboot sans le concours des sœurs Wachowski, alors occupées à d'autres projets dont la géniale série Sense8.
Ce fut donc une totale surprise d'apprendre le retour de Lana Wachowski à l'écriture et à la réalisation de ce quatrième opus ; on pouvait toutefois craindre l'absence de Lily Wachowski, qui n'a pas souhaité prendre part au projet et encore moins revenir au genre de la science-fiction, qui ne l'intéresse plus aujourd'hui.
Mais que pouvait donc apporter ce Matrix Resurrections alors que la trilogie semblait avoir bouclé la boucle, tant en termes de spectacle que de thématiques ? Lana Wachowski allait-elle céder aux sirènes de la nostalgie qui gangrène Hollywood depuis une décennie ? Plongeons dans ce quatrième opus.
Rage Against The Machine
La réalisatrice débute le film par une première partie surprenante qui nous rappelle surtout que nous n'avions pas forcément besoin d'un nouveau Matrix. Si Matrix Reloaded et Matrix Revolutions ont été tout simplement haïs à leur sortie, ils formaient avec le premier opus un ensemble cohérent - et fini ! - qui n'appelait pas de prolongement. Le combat de l'Elu était terminé, passons à autre chose.
Sauf que la Warner n'était pas prête à perdre l'un de ses univers les plus iconiques (et rentables) ; et Lana Wachowski de crier à l'envi que ce projet n'a été monté par ses ayant-droits pour l'appât du gain et pour rappeler de bons souvenirs à des spectateurs, désormais considérés comme des enfants nostalgiques en manque de doudous à câliner.
On peut d'ailleurs saluer une certaine forme de courage du studio, qui a laissé passer un scénario permettant à Lana Wachowski d'adresser un joyeux doigt d'honneur à tout Hollywood. D'autant que le film s'interroge aussi sur la place de Matrix dans la pop culture contemporaine et dans la vie de la cinéaste, obligée de composer avec sa création et d'y revenir pour mieux la dynamiter et exprimer ses désirs d'artiste.
La réflexion est ainsi poussée à l'extrême par un nouvel usage du bullet-time, l'effet spécial qui a fait la renommée de la saga, réinventé ici pour emprisonner les protagonistes dans un moment figé. Le détournement des boucles temporelles sert aussi ce double discours, servant cette fois à répéter encore et encore les mêmes scènes vues et revues.
Matrix Resurrections est alors une vraie leçon d'écriture méta, qui ne se moque pas de son public mais l'invite à réfléchir, à courir après le film pour l'appréhender et le comprendre pleinement.
All you need is Love
Nous n'entrerons évidemment pas dans les détails du scénario pour vous laisser la surprise la plus totale et éviter les spoilers, mais on peut vous affirmer que Matrix Resurrections n'est pas un reboot, et encore moins un remake, mais une vraie suite aux aventures de l'Elu. La deuxième partie du film se fait d'ailleurs moins analytique, plus sensible au fur et à mesure que nos héros, nouveaux comme anciens, se replongent dans l'univers de la Matrice.
Les fans de la saga auront les réponses qu'ils attendaient quant au pourquoi du comment de ce retour dans la Matrice, même si Lana Wachowski n'entre pas vraiment dans les détails. Seules quelques informations nécessaires sont lâchées en cours de film, le reste est laissé à l'imagination du spectateur… Mais c'est déjà beaucoup !
Le vrai moteur du film reste néanmoins la relation entre Neo et Trinity. Oui, Resurrections est avant tout une love-story entre ces deux êtres qui cherchent à renouer leur connexion, malgré tous les obstacles mis sur leur chemin. Après Cloud Atlas et Sense8, qui exploraient déjà cette thématique, Lana Wachowski persiste et signe avec un métrage plus émouvant que ses trois prédécesseurs, bien aidé par les partitions de Keanu Reeves et Carrie Anne-Moss, dont l'alchimie reste intacte après toutes ces années.
Les nouveaux venus sont également très à l'aise dans le terrain de jeu mis en place par la réalisatrice, même s'ils restent en retrait, certains étant presque relégués à de la figuration à côté des têtes connues. On prend tout de même plaisir à retrouver une bonne partie de casting de Sense8 ainsi qu'à découvrir les rôles de Neil Patrick Harris et Jonathan Groff, qui crèvent l'écran à chacune de leur apparition.
Quelques bugs d'affichage
Si Matrix Resurrections nous a enthousiasmé au delà du raisonnable, le film a néanmoins quelques défauts de fabrication assez surprenants de la part d'une réalisatrice qui compte parmi les plus grandes formalistes de son temps.
Visuellement le film détonne des trois premiers grâce au renouvellement des équipes artistiques et notamment l'arrivée du directeur de la photographie John Toll, qui collabore avec Lana Wachowski depuis Cloud Atlas. Oubliés les teints verdâtres de la Matrice d'antan, cette nouvelle version est plus chaude, plus colorée, plus chatoyante aussi, ce qui assure une parfaite continuité avec le tout dernier plan de Matrix Revolutions.
On a néanmoins été déçus des scènes d'action, dont le découpage laisse parfois franchement à désirer. Filmés de trop près, manquant parfois d'imagination dans la chorégraphie, les combats sont le parent pauvre de cet opus, mis à part une poursuite en moto très réussie.
Avec un usage important de la caméra à l'épaule, Matrix Resurrections gagne en vigueur ce qu'il perd en grâce et en fluidité. Il ne cherche jamais à égaler les affrontements du premier opus, et encore moins les scènes délirantes des deux suites.
La musique de Tom Tykwer et Johnny Klimek n'est pas non plus à la hauteur des compositions magistrales de Don Davis des précédents Matrix. Sans être mauvaise, loin de là, la bande-son se fait juste décorative et vient habiller chaque scène sans qu'aucune note ne nous poursuive une fois la séance terminée.
Malgré une forme un peu décevante par moments, Matrix Resurrections reste tout de même un incroyable acte de foi de la part d'une cinéaste punk que l'on attendait au tournant. Les spectateurs pourront se sentir désarçonnés face à une œuvre qui leur demande en permanence de lâcher prise et de se laisser porter par une proposition qui les bouscule dans leurs certitudes.
Tous n'arriveront pas à quitter leur propre Matrice intellectuelle et détesteront sans doute le film sitôt sortis de la salle : ce n'est pas grave, cela fait partie du jeu. Les autres profiteront d'une expérience stupéfiante et réjouissante, qui s'impose comme l'un des meilleurs films de cette année.
Matrix Resurrections est un film complexe et vivifiant qui divisera à coup sûr le public. Si on peut lui reprocher une forme un peu plus lâche qu'auparavant, l'œuvre de Lana Wachowski est d'une densité rare, tout en s'amusant volontiers de son statut « culte » pour déjouer les attentes et explorer de nouvelles voies cinématographiques. Un retour aussi inespéré que gagnant.
- Vous aimez les univers méta-textuels qui jouent avec le public
- Cela fait 20 ans que vous attendez le retour de Néo et Trinity
- Vous vénérez le travail de Lana Wachowski
- Vous n'aimez pas les oeuvres qui brisent le quatrième mur
- Vous attendez une nouvelle révolution technologique d'envergure
- Pour vous la Matrice, c'est vert et puis c'est tout
Matrix Resurrections est en salles depuis le 22 décembre 2021.
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