Fichier des "honnêtes gens" : le Conseil constitutionnel censure

Olivier Robillart
Publié le 23 mars 2012 à 08h54
Saisi en mars dernier, le Conseil constitutionnel devait donner sa position au sujet du projet de création d'une carte d'identité biométrique et d'une base de données contenant ces informations. Les neuf sages ont censuré le recours à un tel fichier et condamné ainsi la possibilité pour les autorités d'y accéder lors d'enquêtes sur le terrorisme.

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Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision sévère contre la proposition de mettre en place une carte d'identité nationale numérique. L'institution a censuré 3 aspects majeurs du dispositif adopté récemment par les deux assemblées. En effet, les sages ont refusé la création d'un fichier contenant les données biométriques des français (article 5). Ils ont également condamné le recours au lien fort, lorsque les services de police souhaitent consulter cette base de données (article 10). Enfin, la puce électronique facultative contenue sur la prochaine carte et pouvant servir à des opérations d'E-commerce (article 3) a également été retoquée.

La carte d'identité numérique pourrait être prochainement mise en place en France. Toutefois, son dispositif vient d'être largement amputé de plusieurs mesures. Dans leur décision, les neuf sages estiment que la constitution d'une base de données contenant « l'état civil et le domicile du titulaire, sa taille, la couleur de ses yeux, deux empreintes digitales et sa photographie » créait « au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ».

Cela signifie qu'un tel fichier ne doit pas être constitué car il pourrait limiter la vie privée des Français. Le Conseil constitutionnel pointe clairement les risques de dérives de ce type de fichiers puisqu'il souligne que ces « données biométriques, notamment les empreintes digitales, sont particulièrement sensibles ». Ce fichier pourrait ainsi être interrogé « à d'autres fins que la vérification de l'identité d'une personne » s'inquiètent les sages.

Second volet censuré, le Conseil refuse sur les mêmes motifs le droit accordé aux « agents des services de police et de gendarmerie nationales d'avoir accès à ce traitement de données à caractère personnel, pour les besoins de la prévention et de la répression de diverses infractions, notamment celles liées au terrorisme ». Ce recours au lien fort permettait ainsi aux autorités de consulter ce fichier d'informations dans le cadre d'enquêtes.

Enfin, la carte d'identité numérique devait contenir deux types de puces. L'une obligatoire contenant les informations civiles, l'autre facultative et permettant de réaliser des signatures électroniques sur Internet pour des échanges commerciaux et administratifs. Là encore, la mise en place de cette seconde puce non-obligatoire n'a pas été acceptée par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2012-652 DC rendue le 22 mars, l'institution estime que la loi ne précise pas suffisamment quelles données seront contenues dans cette puce.

Il ajoute que l'article 3 du texte ne donne : « ni la nature des données au moyen desquelles ces fonctions pouvaient être mises en œuvre ni les garanties assurant l'intégrité et la confidentialité de ces données. La loi ne définissait pas davantage les conditions d'authentification des personnes mettant en œuvre ces fonctions, notamment pour les mineurs ».

Plusieurs pans majeurs du projet de carte d'identité ont donc été censurés. Toutefois, le dispositif (sans ces mesures jugées anticonstitutionnelles) pourra être mis en place suite à de nouveaux débats et votes dans les différentes assemblées. Pour ce faire, les députés et sénateurs devront donc revoir leur copie.
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