Alors que le ministère de la justice américain poursuit actuellement Apple et deux éditeurs pour entente présumée sur les prix des livres électroniques, la présence massive d'Amazon dans le dossier laisse penser que le cybermarchand pourrait ne pas être étranger à l'affaire initiale. Un soupçon d'autant plus pertinent qu'Amazon serait l'une des principales sociétés directement privilégiées par les résultats de la procédure.
Dans le document de 36 pages qui constitue la plainte du DoJ à l'encontre d'Apple, Penguin Group et MacMillan, le nom d'Amazon revient près de 90 fois. Une omniprésence du géant de la vente en ligne dans un dossier qui bouscule actuellement le secteur du livre électronique outre-Atlantique, et qui pousse aujourd'hui les médias à s'interroger sur le rôle de ce dernier dans cette affaire.
Une question que se pose notamment WebProNews, qui rappelle qu'avant l'arrivée de l'iPad, Amazon contrôlait aux USA 90% du marché du livre électronique. Une situation qui a changé avec l'arrivée du fameux modèle d'Apple : Aujourd'hui, Amazon contrôlerait entre 55 et 60% du marché du livre électronique, contre 10 à 15% pour Apple, dont le modèle économique, qui permet aux éditeurs de fixer le prix de vente de leurs ebooks, est aujourd'hui dans le collimateur du DoJ. Paradoxalement, la justice américaine poursuit donc un acteur finalement moindre du marché du livre électronique aux USA, alors que l'accord passé avec certains éditeurs remet déjà Amazon en position de force.
Que reproche le DoJ à Apple et aux éditeurs ?
Le DoJ reproche aux partis ciblés une entente présumée sur les prix des livres électroniques, liée au modèle proposé par Apple sur sa plateforme de ventes dématérialisées. Apple propose ainsi aux éditeurs de fixer eux-même le prix de leurs livres électroniques et stipule par contrat que les prix pratiqués chez lui ne peuvent pas être supérieurs à ceux pratiqués sur les autres plateformes de ventes.
La firme de Cupertino a ainsi donné un moyen de pression aux éditeurs pour imposer un modèle similaire aux autres commerçants. En somme, si le modèle est favorable aux éditeurs et à Apple, qui récupère 30% des revenus des ventes, il l'est beaucoup moins pour la concurrence obligée de s'aligner sous la pression.
En effet, dès le lancement de la procédure judiciaire par le Department of Justice, 3 des 5 éditeurs ciblés ont accepté un arrangement avec ce dernier : Hachette, HarperCollins et Simon & Schuster autorisent ainsi les revendeurs de livres numériques, comme Amazon et Barnes & Noble, à baisser les prix des ouvrages vendus sur leurs plateformes. Un accord qui doit encore être validé par le tribunal, mais qui changerait la donne pour Amazon.Le DoJ reproche aux partis ciblés une entente présumée sur les prix des livres électroniques, liée au modèle proposé par Apple sur sa plateforme de ventes dématérialisées. Apple propose ainsi aux éditeurs de fixer eux-même le prix de leurs livres électroniques et stipule par contrat que les prix pratiqués chez lui ne peuvent pas être supérieurs à ceux pratiqués sur les autres plateformes de ventes.
La firme de Cupertino a ainsi donné un moyen de pression aux éditeurs pour imposer un modèle similaire aux autres commerçants. En somme, si le modèle est favorable aux éditeurs et à Apple, qui récupère 30% des revenus des ventes, il l'est beaucoup moins pour la concurrence obligée de s'aligner sous la pression.
« C'est une grande victoire pour les propriétaires de Kindle »
La firme de Jeff Bezos n'a par ailleurs pas attendu pour exprimer sa joie face à l'affaire, la semaine dernière. Amazon déclarait alors que l'accord s'avérait être « une grande victoire pour les propriétaires de Kindle. Nous nous réjouissons d'être autorisés à baisser les prix des livres destinés aux Kindle. » La firme pourrait à nouveau adopter aux USA sa politique de prix agressifs mise à mal par l'arrivée du modèle d'Apple. « Amazon a les moyens de vendre des livres numériques pour pratiquement rien » estime l'analyste de Simba Michael Norris. « Cela lui permet de gonfler artificiellement sa part de marché » ajoute-t-il.
En somme, si le DoJ s'attaque au modèle d'Apple, pourquoi délaisser celui d'Amazon qui, s'il ne sous-entend pas d'entente sur les prix, risque de laisser la concurrence loin derrière ? Le ministère de la justice américain a expliqué qu'il désirait sanctionner le fait que plusieurs acteurs du marché aient réalisé un accord sur les prix pour dérouter la concurrence. En somme, c'est la « bande organisée » qui est ici visée.
Reste que, du côté des éditeurs, l'inquiétude demeure. « Les éditeurs sont vraiment, vraiment en colère dans cette affaire, et pas seulement parce qu'ils ont été poursuivis. Ils sont aussi en colère parce que cela donne beaucoup de pouvoir à Amazon pour revenir en force » a expliqué l'analyste Bill Rosenblatt. Une situation qui met en avant le fait que le livre électronique, encore confidentiel en Europe, est au coeur des enjeux numériques outre-Atlantique et que cette affaire ne fait finalement que cristalliser les problématiques autour de ce marché peut-être encore trop peu encadré. « Je suis encore plus convaincu aujourd'hui qu'il faut une alternative viable à Amazon, sans quoi ce non-sens va continuer et empirer » a déclaré David Shanks, directeur exécutif de l'éditeur Penguin qui n'a, de son côté, pas accepté l'arrangement proposé par le DoJ.