Sommé par décret d'imposer 3 euros de frais de livraison pour les commandes de livres inférieures à 35 euros, Amazon part en guerre contre l'État.
La bataille promet d'être âpre entre le géant du e-commerce, Amazon, et le gouvernement qui veut lui imposer des frais de livraison pour des commandes en-deçà d'un certain montant. L'entreprise de vente en ligne a justement indiqué, mardi après-midi, avoir déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative française, pour contester la légalité du décret applicatif.
L'État veut rééquilibrer les choses et protéger les libraires français, mais…
Souvenez-vous, le 23 septembre dernier, nous vous informions de l'accord donné par le gouvernement pour des frais de port fixés à 3 euros pour toute commande de livres dont le montant total est inférieur à 35 euros. Cette mesure, qui avait initialement été proposée par l'ARCEP à la suite de l'adoption de la loi Darcos (2021) sur la fin de la gratuité ou presque des frais de livraison de livres, avait provoqué l'indignation d'Amazon.
Mais l'État n'a rien lâché. Convaincu que la mesure peut rééquilibrer la balance entre le mastodonte américain, les librairies de quartier et les acteurs français de la vente en ligne de bouquins, le ministère de l'Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique et le ministère de la Culture ont publié, le 4 avril 2023, un décret relatif au montant minimal de tarification de ce service de livraison.
Très précisément, voici ce qu'impose ce décret, signé par Rima Abdul-Malak, la ministre de la Culture :
- des frais de livraison de 3 euros pour toute commande d'un ou plusieurs livres dont la valeur d'achat en livres neufs est inférieure à 35 euros toutes taxes comprises;
- 0 euro de frais pour toute commande d'un ou plusieurs livres neufs dont la valeur d'achat en livres neufs est supérieure ou égale à 35 euros TTC.
… Amazon pense que les Français (et leur pouvoir d'achat) vont en pâtir
Dans son recours déposé au Conseil d'État contre ce décret, Amazon utilise certains arguments dégainés par la Commission européenne, qui se questionnait l'an dernier sur « l'adéquation et la proportionnalité de la mesure proposée », déplorant que l'État français n'ait pas fait le choix de proposer des alternatives. Amazon, de son côté, considère qu'il existe bien des options.
Le e-commerçant évoque notamment « la mise en place d'un tarif postal dédié, qui existe déjà pour les expéditions de livres vers l'étranger. Envoyer un livre de 500 grammes à Londres coûte ainsi 1,53 euro, alors que l'envoyer à une adresse française coûte quatre fois plus cher, à savoir 6 euros pour une lettre verte ».
Amazon considère que la mesure va aussi bien pénaliser les lecteurs que les auteurs, et jouer sur le pouvoir d'achat des Français. L'entreprise explique être complémentaire des librairies, en ce qu'elle expédie de nombreux livres dans les petites villes et les campagnes, souvent dépourvues de libraires. 90 % des communes françaises n'ont en effet pas de librairie.
Combien cette mesure va-t-elle coûter à Amazon ?
Selon Amazon, instaurer des frais de livraison obligatoires à 3 euros entraînerait une hausse du coût d'achat d'un livre de poche de l'ordre de 40 %, à 7,50 euros. Sachant qu'il se vend plus de 400 millions de livres chaque année en France, le décret pourrait entrainer un surcoût de plusieurs centaines de millions d'euros pour les amateurs de bouquins.
« En plus de pénaliser le pouvoir d’achat des lecteurs, cette mesure risque d’entraver la diffusion des œuvres d’auteurs auto-édités et de petites maisons d’édition qui touchent leur public par la vente en ligne », ajoute la société, qui rappelle proposer aux consommateurs plus de 10 millions de titres en français sur sa marketplace, contre quelques milliers ou dizaines de milliers pour les librairies physiques.
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