La Cour de cassation a censuré, ce lundi, une décision de la Cour d'appel de Douai qui donnait raison à un homme refusant de déverrouiller ses téléphones portables au cours d'une garde à vue.
Arrêté pour trafic de stupéfiants, un homme a refusé, en garde à vue, de livrer aux policiers les codes de déverrouillage de ses téléphones portables. Considérant que ceux-ci ont vraisemblablement été utilisés pour commettre des délits, la police le somme devant la justice de les remettre, ce qui entraîne une bataille judiciaire au cours de laquelle même les différentes cours appelées à trancher sur le cas ne parviennent pas à tomber d'accord.
Déjà relaxé à trois reprises…
Devant la justice, les policiers considèrent que le code de déverrouillage est une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». Le refus de donner cette convention de déchiffrement, si elle est susceptible d'avoir été utilisée pour commettre un délit ou une infraction, est un délit passible de trois ans de prison.
Mais la version de la défense, qui a été validée à deux reprises devant le tribunal correctionnel de Lille puis la Cour d'appel de Douai, a refusé la qualification de « convention de chiffrement ». Pour ces deux cours, le code ne permet que d'accéder à un écran d'accueil et non pas à des données chiffrées, et ne peut donc pas être considéré ainsi.
… l'homme devra à nouveau être jugé
Mais la Cour de cassation, en 2020, réfute une première fois la décision, considérant que la cour d'appel de Douai a eu un jugement erroné et trop généraliste. La même Cour de Douai, chargée de rejuger l'affaire, ne change pas pour autant son interprétation des faits en 2021, et refuse de condamner l'homme. L'affaire se transforme alors en guerre de position juridique, puisqu'une deuxième fois ce lundi, la Cour de cassation censure la décision. Elle précise à ce moment la jurisprudence, expliquant que le code d'un téléphone portable peut systématiquement être considéré comme un moyen de cryptologie si « l’activation de ce code a[vait] pour effet de mettre au clair les données cryptées que l’appareil contient ou auxquelles il donne accès ».
L'homme devrait donc, une nouvelle fois, retrouver le banc des accusés. Et si la jurisprudence semble établie, le manque d'enthousiasme avec lequel certains magistrats la font appliquer ne clarifie pour l'instant pas vraiment la situation. Alors si vous ne voulez absolument pas que la police ait accès au contenu de votre téléphone, mais surtout si vous êtes prêt à vous lancer dans un marathon judiciaire, vos chances de gagner sont encore loin d'être nulles.
Sources : Le Monde, Le Parisien