Boudé durant des années par les éditeurs de Jeux Vidéo, le point and click a depuis quelques temps déjà retrouvé son public. En ne cherchant pas à suivre coûte que coûte la voie de la surenchère technologique et en privilégiant les titres au budget mesuré, les studios ont réussi à limiter la croissance de leurs équipes parvenant ainsi à convaincre les producteurs de la viabilité de leurs projets. Développé par une petite structure autrichienne, Berlin 1943 : Les Secrets De L'Opération Wintersun, le titre qui nous préoccupe aujourd'hui, illustre parfaitement cette nouvelle donne du jeu d'aventure : un scénario original basé sur la Seconde Guerre Mondiale servit par une réalisation soignée, mais qui, très simple, s'avère tout à fait capable de tourner sur des machines relativement modestes.
C'est qui l'espion ? L'espion, c'est celui qui dort...*
Berlin 1943, alors que les armées du IIIe Reich sont incapables de contenir l'avancée des forces soviétiques, Hitler et ses sbires envisagent l'utilisation d'armes plus radicales pour contrer les Alliés. Les espions britanniques du MI6 ont réussi à dérober les plans d'une bombe fonctionnant à l'uranium qui, si elle venait à être utilisée, pourrait être décisive. Hélas, il n'y a guère d'expert atomique chez les agents de Sa Très Gracieuse Majesté et il est donc nécessaire de faire appel à John Russel, un émérite professeur anglais que nous aurons l'honneur et l'avantage d'incarner tout au long de l'aventure. Après deux petites séquences d'introduction pas vilaines mais un peu sommaires, cette aventure peut justement commencer. Russel est convié au bureau du responsable des services secrets britanniques et, après un vague entretien au cours duquel il apprend qu'il va très vite se rendre à Berlin, il doit attendre dehors que les « grandes personnes » aient terminé de discuter.Qu'il soit avec Peter Graham ou Ann Taylor, le professeur Russel doit presque toujours tout faire tout seul
Curieux, John Russel ne l'entend évidemment pas de cette oreille et alors qu'il doit patienter dans la cour de l'immeuble, il va tout faire pour écouter « aux portes ». Cette très courte séquence est en fait l'occasion de se faire à l'interface, simplissime, du jeu. Berlin 1943 est un point and click classique et, en ce sens, il n'est pas nécessaire de sortir de Polytechnique pour s'en dépatouiller. La souris permet de manipuler le personnage principal que l'on dirige au travers de planches graphiques. Chaque planche recèle quantité d'objets qu'il faut ramasser avec le bouton gauche de la souris et utiliser / combiner avec le droit. Contrairement à de nombreux autres jeux du genre, les combinaisons d'objets sont ici très fréquentes avec notamment la mise en place d'un piège ou la fabrication d'acide chlorhydrique. De nombreuses énigmes reposent effectivement sur les capacités du joueur à assembler différents objets.
Rarement très compliqués, ces assemblages viennent renouveler un peu le concept du point and click, qui nous a souvent habitué à simplement trouver le bon usage pour le bon objet. Si les combinaisons ne sont pas aussi nombreuses, cette façon de procéder devrait rappeler de bons souvenirs aux joueurs de Retour Sur L'Île Mystérieuse. Autre écart, moins réussi, par rapport au concept du point and click, les développeurs de Sproing Interactive ont voulu intégrer des séquences action / discrétion à leur bébé. C'est ainsi qu'il nous sera par exemple demandé d'avancer sans être vu dans les rues de la capitale, ou d'atteindre un niveau des archives du Heereswaffenamt en jouant avec les lumières. Un peu hasardeuses et pas du tout amusantes, ces séquences risquent d'énerver de nombreux joueurs en particulier ceux qui ne pratiquent pas le point and click pour être bloqués par des passages « action » !
L'essentiel de l'aventure est heureusement plus traditionnel et les développeurs n'ont d'ailleurs implémenté aucune fonction « d'aide » pour, par exemple, mettre en relief les accès à chaque zone ou les objets présents sur les différentes planches. Sur chacune d'elles, le joueur doit donc scruter l'ensemble du décor avec sa souris afin de dénicher les articles qui lui permettront de remplir ses objectifs. De manière générale, les choses sont assez logiques et les indices plutôt nombreux. On bloque comme toujours parce qu'on n'a pas vu du premier coup tel ou tel objet, mais dans l'ensemble, et en dehors des séquences actions, la progression du joueur est suffisamment rapide / régulière pour ne pas ennuyer. Là encore, il nous faut toutefois mettre un bémol : les amateurs d'histoires vives, amusantes et pleines de petites blagues ou de bons mots en seront pour leurs frais. Berlin 1943 est à peu près aussi drôle qu'un Marc Jolivet en manque d'inspiration.
Si les planches graphiques sont assez jolies, on se demande le pourquoi du retrait des croix gamées : le réalisme en prend un coup !
Les développeurs ont pris le parti d'un scénario réaliste et sérieux. Du coup, les moments dits « de détente » ne pouvaient venir que des dialogues. On est cependant très loin du vénérable Indiana Jones Et La Dernière Croisade (1989). L'arrivée du personnage d'Ann Taylor ou la rencontre avec un ivrogne apportent un peu de chaleur, mais l'ensemble reste malgré tout trop froid, trop « clinique » pour dérider le joueur, qui ne va pas sourire plus d'une dizaine de fois au cours de l'aventure. Autre problème, moins gênant celui-ci : on a l'impression de n'être entouré que par des espions d'opérette. Ainsi, aucun des deux agents du MI6 qui accompagnent John ne semble capable de résoudre le moindre problème. Qu'il s'agisse de huiler une porte grinçante, de lancer des cailloux à la tête de soldats allemands ou d'ouvrir un coffre-fort, c'est toujours notre bon professeur qui s'y colle...
Conclusion
Mêlant espionnage et Seconde Guerre Mondiale, le scénario de Berlin 1943 méritait meilleur traitement. Non que les développeurs de Sproing Interactive soient passés à côté de leur sujet, mais disons poliment qu'ils ne se sont pas cassés la tête. Les personnages manquent de charisme et l'ambiance n'est que rarement au rendez-vous : l'humour est pour ainsi dire inexistant et, du fait d'une bande-son très moyenne, on ne ressent pas vraiment de tension. Pour ne rien arranger, les séquences d'infiltration n'apportent pas grand-chose à l'histoire (même si elles sont bien intégrées) et risquent surtout d'énerver les joueurs. Évidemment, il ne faut pas jeter bébé avec l'eau du bain, Berlin 1943 proposant des énigmes bien construites. La logique des développeurs est accessible et au cours des dix / quinze heures de l'aventure (joueur habitué), on ne bloque jamais sur des mécanismes complètement tordus. Pas mauvais, Berlin 1943 s'avère simplement trop froid et trop impersonnel pour marquer les esprits : un point and click qui manque de saveur à n'injecter que si vous êtes en manque.* L'intertitre est issu de l'album Humble Héros de Gérald Genty.
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