FailCon : diversifier le risque face à la dépendance aux géants du web

Antoine Duvauchelle
Publié le 22 septembre 2011 à 17h13
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Quand un site comme Google ou Facebook émerge, avec le potentiel - confirmé dans ces deux cas - pour devenir un acteur majeur, l'opportunité semble belle pour de nombreux fournisseurs de services tiers. Au risque souvent de n'avoir pas la capacité de se diversifier, et d'être pieds et poings liés avec une seule platefome. Et au FailCon, c'est arrivé à plus de monde qu'on pourrait le croire...

Conférence plutôt convenue sur la dépendance des startups face aux grandes plateformes à la FailCon Paris 2011, la conférence dédiée à l'échec dans l'entrepreneuriat. Le concept reste le même que pour la conférence dédiée aux levées de fonds : trois intervenants sur scène, avec chacun son histoire et ses conseils. Cette fois, il s'agit de Frédéric Montagnon d'Ebuzzing, de Renaud Visage d'Eventbrite, et de Paul Bowen de Tapjoy.

Pour les trois intervenants, l'histoire commence de la même manière, par une opportunité. Frédéric Montagnon est alors concentré sur son produit le plus connu, Over-blog, qui se présente comme une plateforme de blogs. Le support explose à l'époque, avant Twitter et réseaux sociaux, et Over-blog enregistre l'énorme succès que tout le monde connait. Mais pour ce qui deviendra Ebuzzing, il s'agit déjà d'analyser le web, et ce que les gens demandent en y surfant. Avec sa plateforme de blog, l'entreprise dispose d'un outil a priori bien implanté pour mener sa mission à bien, mais un problème surgit : Panda. Over-blog perd 50% de son trafic en un temps très court.

Pour Paul Bowen et Renaud Visage, l'opportunité est un peu plus récente, mais tout aussi connue. Il s'agit de Facebook, réseau social numéro 1 dans le monde aujourd'hui, et dont ils voient rapidement le potentiel. Le premier décide qu'il y a de l'argent à se faire avec les jeux Facebook, en agrégeant une solution de paiement. Le produit connait une croissance très rapide, l'entreprise gagne beaucoup d'argent de l'aveu de Paul Bowen, mais reste sur sa ligne sans chercher à innover. « Nous avons eu de gros clients, comme Zynga, et nous avons décidé d'y consacrer l'essentiel de nos ressources... Pour rapidement nous retrouver à jouer la concurrence sur le prix plutôt que sur le produit. Nous avons gagné beaucoup d'argent, mais nous avons oublié l'expérience utilisateurs. »

Seulement, comme pour Over-blog, un événement inattendu vient chambouler le modèle mis en place : Facebook va se rendre compte qu'il laisse prospérer une source de revenus hors de contrôle, et décider de reprendre la main en lançant Facebook Credits. L'entreprise se retourne rapidement, prend un nouveau nom, et se lance sur mobile. Sur iOS, plus particulièrement. A ce moment de son histoire, Paul Bowen a un peu de mal à ne pas rire lui-même de l'ironie de ce choix, puisque pour iOS aussi, Apple reprendra la main sur le paiement in-app, bouleversant une nouvelle fois la source de revenus de Tapjoy. L'intervenant sera d'ailleurs la lumière de la conférence, faisant preuve d'une autodérision à toute épreuve.

Reste Eventbrite, qui a connu une évolution moins brutale. Au départ, l'entreprise voulait permettre aux organisateurs d'évènements de vendre des billets sur le réseau social... Avant de se rendre compte qu'il était difficile de recruter des utilisateurs, ceux-ci préférant promouvoir leurs évènements que vendre des places. « Nous n'avons pas eu l'adoption que nous espérions. Nous avons tout essayé, mais ça ne marchait pas, donc nous avons tué l'application Facebook. Comme Facebook faisait ses débuts, nous pensions que le mieux était de travailler en coopération avec eux, et de leur demander d'intégrer notre système dans le réseau social. Ils ont commencé à essayer l'an dernier, mais ça ne marchait pas beaucoup mieux. » Finalement, Eventbrite dispose maintenant de son propre site externe à Facebook, même si celui-ci continue de lui envoyer le plus d'utilisateurs.

Voilà pour les petites histoires, assez savoureuses, mais malheureusement plutôt pauvres en enseignement. Car quand il s'agit d'évoquer les façons d'éviter cette dépendance, on tombe rapidement dans la lapalissade : pour éviter d'être dépendant d'une plateforme, il faut se diversifier sur plusieurs. Mais encore ?

Paul Bowen poursuit son exercice d'auto-analyse, en estimant qu'il aurait fallu « diversifier le risque. » La remise en question est légèrement moins saillante chez les deux autres, qui estiment en substance qu'il fallait bien essayer, Frédéric Montagnon allant jusqu'à estimer que « parfois on échoue, mais on gagne aussi souvent. C'est ce qui nous contente. » Même réponse pour Renaud Visage, qui ajoute tout de même : « Je suis content que nous ayons fait les erreurs que nous avons faites, car nous avons intégré notre produit là où ça faisait sens. »

Côté conseils aux entrepreneurs - qui est la raison d'être de la FailCon, au-delà des histoires intéressantes que sont ces échecs - on retrouve donc Renaud Visage : « Soyez très prudent sur ce que vous construisez. Faites attention si une plateforme en vient à vouloir faire la même chose que vous, ou ne vous aime plus à un certain moment. Il faut diversifier ses risques. » ; Frédéric Montagnon : « Il faut toujours voir l'étape suivante, et au moins la façon de faire de l'argent. Vous devez comprendre la stratégie de la plateforme. Si vous êtes sur la même ligne, il y a une opportunité. » ; et Paul Bowen : « Vous devez être au courant qu'une plateforme peut décider un jour de faire la même chose que vous. Il faut rapidement monter en puissance, pour avoir les moyen de diversifier les risques. »

Et pour comprendre une plateforme, quoi de mieux que d'entretenir de bonnes relations avec elle ? Si Renaud Visage est plutôt d'accord avec cette question posée directement aux trois intervenants, Frédéric Montagnon et Paul Bowen relativisent beaucoup. Le premier estime que « ça ne change rien. C'est sans doute intéressant pour un acteur comme Zynga, qui a une stratégie claire sur le long terme, mais les plateformes globales comme Facebook sont des entreprises qui changent si vite que même si on a de bonnes relations avec elles, elles peuvent changer de tactique très rapidement. » Le tout est résumé dans un rire par Paul Bowen : « Nous n'avons pas eu de bonnes relations avec les plateformes. »

Finalement, qu'apprendre de ces échecs ? Il faudra attendre la fin de la conférence pour avoir une note d'espoir de Frédéric Montagnon. Le représentant d'Ebuzzing pense qu'il faut y aller dans tous les cas : « Quand on fait quelque chose, évidemment que Facebook peut le faire aussi. Evidemment que Google peut le faire aussi. Mais heureusement pour nous, il y a beaucoup de choses qu'ils peuvent faire, et ils ne peuvent pas être partout. Ils doivent faire des choix, donc un jour où l'autre, pour se lancer dans certaines choses, ils faut qu'ils s'achètent une startup. » L'acquisition, seule porte de sortie pour startups dépendantes ?
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