Dans une interview exclusive réservée à l'hebdomadaire Challenges, le directeur général de Huawei France, Zhang Minggang a déclaré « se préparer au pire » concernant les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis.
Au cœur d'un feuilleton sans fin qui voit l'administration Trump accuser la Chine - et Huawei en particulier - d'espionnage sur ses infrastructures, le géant des télécoms déploie une série de contre-mesures visant à se défaire progressivement de ses attaches américaines.
Huawei veut se reposer sur ses propres systèmes d'ici 2021
Huawei garde la tête haute malgré des prévisions financières revues à la baisse. En fait, le Chinois a commencé dès 2012 à développer ses propres systèmes qui, demain peut-être, viendront s'ajouter à Android et iOS sur l'échiquier des systèmes d'exploitation mobiles.« En 2012, nous avons démarré le développement d'un nouveau système d'exploitation, pas seulement pour les smartphones, mais un système d'exploitation, pour les routeurs, les stations de base... », raconte Zhang Minggang à Challenges. « Nous sommes généralistes en logiciel et en matériel. C'est indispensable pour sortir de l'écosystème dans lequel Google, Microsoft et Apple font les systèmes d'exploitation. Nous y sommes contraints ».
Un versant software qui a du sens, lorsque l'on sait que Huawei dispose, depuis 2004 déjà, de sa propre fonderie de semi-conducteurs avec HiSilicon, laquelle développe pour elle les fameuses puces Kirin qui équipent les smartphones de la marque.
Des « plans B », comme les appelle le directeur général de Huawei France, que l'entreprise compte bien « activer » le plus tôt possible. « Nous nous préparons au pire », reprend Zhang Minggang, « En 2021, si la situation persiste, nous aurons nos propres technologies. Notre fondateur l'a dit récemment : nous traversons une période difficile mais, en 2020, nous en sortirons plus fort qu'avant ».
Des prévisions en baisse, mais un équilibre quasi assuré
Interrogé sur les mauvais résultats qui découlent déjà des tensions sino-américaines, le chef d'entreprise rassure. « Nous ne sommes pas cotés en Bourse. L'entreprise appartient à ses salariés. Nous avons réalisé 107 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2018. Nous avions prévu 20 % de croissance cette année, soit 125 à 130 milliards de revenus. Nous avons dû revoir nos plans. Nous serons stables autour de 100 milliards ».Zhang Minggang alerte aussi sur les conséquences de ces perturbations commerciales de l'autre côté de l'Atlantique. Selon lui, les répercussions pour le commerce étasunien sont tout aussi retentissantes. « Certains de nos fournisseurs ont accusé des baisses de 10 % de leur cours de Bourse. Plus de 80 000 emplois dans la filière technologique américaine peuvent être menacés », ajoute-t-il.
Véritable fusible dans la guerre commerciale qui oppose Washington à Pékin, Huawei va devoir faire preuve de résilience pour conserver son statut de leader. Quant à savoir si, comme l'annonce le P.-D.G. de l'entreprise, Huawei ressortira plus fort de cette épreuve, seul l'avenir nous le dira.
Source : Challenges