INTERVIEW – Clubic a décidé d’en savoir plus sur la genèse et le démarrage de BrutX, plateforme de streaming vidéo par abonnement de Brut, le premier média social d’Europe. Claire Basini, directrice générale adjointe en charge des nouvelles activités de Brut, a répondu à nos questions, en vidéo.

Il paraît que lorsqu’on a goûté au succès, il est toujours plus facile de se « challenger » et de se donner de nouveaux défis. Celui relevé par Brut est aussi risqué qu’excitant, mais le média d’information vidéo français, qui œuvre d’une main de maître sur les réseaux sociaux depuis quatre ans, ne fonce pas tête baissée, et y réfléchit depuis un an. BrutX, c’est le nom donné au nouveau bébé de Brut, son service de streaming vidéo (service de vidéo par abonnement ou SVoD). Au menu : des films, des séries, des documentaires, et des courts-métrages, avec du contenu international et quelques têtes d’affiche bien connues du grand public.

La plateforme trouvera-t-elle son public ? L’avenir le dira. En attendant, nous nous sommes intéressés à la proposition BrutX, sa naissance et ses ambitions. Claire Basini, directrice générale adjointe en charge des nouvelles activités de Brut (directrice du digital du groupe Canal de 2016 à 2018), a accepté de répondre à nos questions.

Claire Basini (© Brut)
Claire Basini (© Brut)

L'interview de Claire Basini (Brut)

Clubic : Comment est né BrutX ? Et d'où est partie l'idée de se dire, « Tiens, nous, Brut, et si on se lançait sur le marché de la SVoD » ?

Claire Basini : Le premier élément de réponse, c'est celui des usages, avec notre communauté. Brut existe depuis 4 ans, c'est un média d'information qui met en avant des acteurs du changement à travers des vidéos courtes sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes rendu compte que, grâce à nous, les gens découvrent des personnalités ou des sujets inspirants, qu'ils ont envie de creuser. Il y avait une demande de notre communauté de pouvoir approfondir des thèmes ou personnalités qui les intéressent.

Le deuxième élément de réponse, c'est que la culture et les artistes ont toujours été le fer de lance d'une vision innovante du monde d'aujourd'hui et de demain. On s'est dit qu'il était important, par rapport au positionnement de Brut, de créer un espace pour des créateurs engagés, qui partagent nos thèmes et valeurs d'un monde universel, progressiste et humaniste.

"Il y avait une demande de notre communauté"

On retrouve aujourd'hui l'esprit de Brut sur BrutX, mais vous sortez aussi de vos crédos habituels en intégrant du contenu « international » avec des têtes d'affiche que sont Kristen Stewart, Julia Roberts, Russell Crowe ou encore Ryan Gosling. Comment s'est dessinée la ligne éditoriale de la plateforme ?

Aujourd'hui, Brut est référent sur des grands thèmes générationnels comme l'environnement, la responsabilité du pouvoir, le féminisme, le genre… Donc il nous semblait logique et naturel d'approfondir ces thèmes.

Ensuite, Brut est fort en France mais pas que. Nous sommes le premier média social en Europe, deux fois plus gros que la BBC. Et nous sommes le premier média social en Inde. Partout dans le monde, Brut est un succès, et ce qui est intéressant, c'est que le succès est basé sur le fait de partager les mêmes contenus. 70 % de nos contenus sont en effet les mêmes partout dans le monde. Sur BrutX, on a la même logique : celle de proposer une offre de divertissement avec des créateurs engagés (documentaires, films ou séries), qui ont une portée universelle. Il se trouve que, parfois, ce sont des journalistes et des sujets plus ancrés dans une histoire française, mais dès le départ, les choses ont été pensées avec une visée internationale. L'objectif de BrutX, c'est de réussir ce lancement en France, et de très vite se déployer à l'international.

Aperçu de la page d'accueil de BrutX (Capture d'écran © Clubic)
Aperçu de la page d'accueil de BrutX (Capture d'écran © Clubic)

Le tarif du service semble compétitif par rapport à d'autres plateformes. 4,99 € par mois c'est plutôt attractif, mais est-ce un tarif de lancement ? Allez-vous présenter une gamme d'offres à terme, ou est-il encore trop tôt pour en parler ?

Avoir un prix très accessible, un tarif mini, sous la barre des 5 euros, c'est un vrai choix. Pour ce prix-là, vous avez accès à tout le catalogue, et nous sommes déjà distribués très largement - puisque vous pouvez vous abonner sur BrutX.com, avec un accès sur l'ensemble des écrans digitaux que sont l'application, le site, l'Apple TV et Android TV. Nous sommes aussi distribués par Orange et Free, au même tarif. Peut-être que demain il y aura des offres complémentaires, mais ce n'est pas à l'ordre du jour.

Pour le moment, on peut souscrire à un abonnement via BrutX.com, qui donne accès à la tablette, à l'application mobile et au site ; via Free et Orange. Dans 15 jours, on pourra directement s'abonner sur nos apps Apple TV, Android TV, iOS et Android.

Avez-vous déjà un retour sur les abonnements, ou sur le niveau d'engagement des publications sur les réseaux sociaux, liés à BrutX ?

Nous ne communiquons pas sur nos chiffres, mais nous faisons un démarrage très fort. Sur les réseaux sociaux, énormément de personnes se sont emparées de BrutX et des contenus. Beaucoup de gens, même hors de la communauté de Brut, sont heureux de voir que certains sujets sont traités sans tabous ni préjugés et sont mis en avant.

"On s'aligne avec le but d'avoir une audience la plus large possible et on s'aligne sur notre positionnement"

Par exemple, il y a Veneno, notre série phare pour le lancement, diffusée en fin d'année dernière en Espagne, et même encensée par la ministre de l'Égalité espagnole. Il s'agit d'une histoire vraie d'une femme transsexuelle espagnole dans les années 90, devenue une icone malgré elle, et qui nous permet de retracer toutes les difficultés de cette transition, à être acceptée et à avoir une vie heureuse. C'est la première série au monde jouée par des actrices trans, et il y avait même des trans dans l'équipe de réalisation. Cela fait partie de nos envies de partager avec nos abonnés des histoires qui font bouger les lignes, qu'elles soient vraies ou de fiction.

C'est aussi le cas du documentaire consacré à Just Riadh, qui est confronté à des personnes qui l'ont harcelé sur les réseaux sociaux. Ça a suscité énormément de réactions de la part d'influenceurs et de personnes actives sur les réseaux sociaux, qui découvrent ce sujet. C'est quelque chose qui est très proche de ce que nous voulons faire, qui doit créer de la connexion avec les autres, susciter des discussions, faire réfléchir.

© BrutX

On peut aussi étendre cela à la série Cartels, dans un autre genre, avec Charles Villa...

Ce qui est intéressant, c'est que Charles avait déjà fait des reportages sur les trafiquants de drogue au Mexique, et il avait énormément de questions de la part de la communauté Brut, notamment sur la proximité avec les narcotrafiquants. Et il décidé de documenter cela, ce qui est d'ailleurs l'esprit du programme, documenter la façon dont on arrive à approcher des gens aussi dangereux. Cela montre que pour nous, les contenus sont une matière vivante.

Comment crée-t-on, aujourd'hui en France, une plateforme de SVoD ? Quelles sont les principales étapes marquantes à franchir pour mener à bien ce projet ?

Je ne pense pas qu'il y ait une réponse unique. Ce qui nous a donné envie de lancer BrutX, c'est l'attente de notre communauté d'aller vers une plateforme de destination de l'approfondissement du temps long de la fiction. Depuis le départ, chez Brut, ce qui nous inspire, ce sont les usages. Ce n'est pas un rédacteur en chef qui va décider de ce qui doit être vu ou dans quel ordre, c'est une matière très vivante qui réagit avec les gens qui nous suivent. Ce projet de plateforme de divertissement, c'est la même chose. L'autre chose, c'est cette envie d'aller explorer le côté plus culturel dans nos thèmes de référence.

"Pour nous, les contenus sont une matière vivante"

C'est beaucoup de boulot. Le sujet majeur, c'est évidemment les contenus. Il faut avoir le temps de produire les contenus et d'approcher les créateurs, diffuseurs ou producteurs de contenus pour acheter les contenus qui nous intéressent. Ça, c'est l'enjeu principal. Ensuite, il faut développer tout l'environnement technique pour que BrutX soit accessible le plus largement possible. On se lance déjà dans un environnement très large. Les écrans télés sont très importants pour nous, avec une présence sur 8 millions de box plus Apple TV, Android TV, Chromecast et AirPlay, pour ceux et celles qui n'ont pas d'abonnement chez les opérateurs télécoms.

De la réflexion à la disponibilité de BrutX pour le grand public, combien de temps s'est écoulé ?

Cela fait une année environ que nous réfléchissons à ce projet et qu'on travaille d'arrache-pied à son aboutissement.

Capture d'écran de la page abonnement de BrutX (Par © Clubic)

Quel est votre regard personnel, vous qui avez « vu du pays », comme on dit, après être passée par le groupe Canal ; on imagine que vos expériences ont dû vous aider dans ce que vous avez pu apporter lors de la conception de BrutX ?

Oui, bien sûr. C'est l'accumulation d'expériences et de personnalités assez différentes qui font Brut aujourd'hui, et qui ont donné naissance à BrutX. Tous les âges, origines, centres d'intérêt et sensibilités sont représentés. En termes d'expertise, certains ont plus contribué avec un œil de producteur, d'expert de la communauté sur les réseaux sociaux, ou en lien avec les créateurs et talents, etc. Nous avons travaillé avec une équipe petite, mais extrêmement investie. Et à l'image de ce que nous voulons être : c'est-à-dire avec beaucoup de diversité et d'agilité pour monter quelque chose qui nous ressemble, qui apporte quelque chose de nouveau sur le marché de la SVoD. Ce qui nous tient à cœur c'est d'être aussi éditorialisé et incarné qu'un média. On prend vraiment par la main nos abonnés pour leur faire découvrir, à travers des thématiques, des documents très variés.

"Ce qui nous tient à cœur c'est d'être aussi éditorialisé et incarné qu'un média"

Nous sommes aussi très attachés au fait de proposer à des personnalités inspirantes de la communauté, que ce soit des acteurs, es réalisatrices, des journalistes ou des activistes, de partager les contenus qui, dans le catalogue de BrutX, les ont fait grandir ou réfléchir autrement. C'est une manière aussi d'amener à des contenus des gens qui ne seraient pas allés par eux-mêmes découvrir des choses qui les intéressent peut-être moins sur le papier.

Est-ce qu'à vos yeux, il s'agit du projet le plus abouti, le plus « fou » de votre carrière ? Car on se doute bien que lancer une plateforme de streaming, ce n'est pas rien.

Oui, on peut dire que c'est un projet complètement fou, hyper excitant dès le départ, très ambitieux. Quand je suis arrivée, il y avait tout à faire. Nous avons travaillé de manière resserrée, avec une petite équipe, avec beaucoup d'envie, de créativité, d'agilité, sans barrières, et c'est extraordinaire de pouvoir construire quelque chose de bout en bout. C'est ce qui a fait aussi le succès de Brut.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Beaucoup de succès, que BrutX rencontre son public et qu'il soit le plus large possible !