Avec d’extraordinaires images embarquées, SpaceX a mené ce 14 mars le troisième décollage de son gigantesque vaisseau Starship. La plus puissante fusée du monde a décollé à 14 h 25 (Paris) et atteint l’espace, réussissant la majorité de ses objectifs. Malgré tout, le retour sur Terre fut plus qu’animé...
Une fois de plus, les équipes de SpaceX n’ont pas démérité. Moins de 24 heures après l’obtention du permis de lancement de la part de l’administration américaine, la titanesque fusée de SpaceX (5 000 tonnes au décollage) s’est élancée de son site de la Starbase, située à Boca Chica au Texas. Les équipes, qui craignaient un report à cause de la météo, puis ont dû attendre que des navires quittent la zone d’exclusion, ont cependant mené un nouveau compte à rebours jusqu’à son terme à la première tentative.
Ainsi, il s’est écoulé moins de quatre mois depuis le deuxième test en vol, et à nouveau un booster SuperHeavy (B10) a allumé ses 33 moteurs. La plage et toute la région ont tremblé, et Starship SN28 s’est élancé vers le ciel, avec des images extérieures et pour la première fois un direct embarqué et en haute définition qui a impressionné tous les observateurs.
Une première phase de vol à nouveau impeccable
Les leçons du deuxième vol ont en tout cas été retenues. Après l’allumage de ses moteurs dont aucun n’a subi de défaillance, la fusée s’est rapidement élancée au-dessus des nuages. À 67 kilomètres d’altitude, alors qu’elle avait déjà atteint plus de 5 700 km/h, les six moteurs de Starship se sont allumés, tandis qu’en même temps 30 des 33 moteurs du booster SuperHeavy s’éteignaient, exactement dans la séquence prévue. Puis Starship s’est séparé de son premier étage pour continuer sa course, tandis que le Booster 10 effectuait sa manœuvre de retournement pour revenir vers la côte du Texas. Avec les vues embarquées, SpaceX dépassait donc d’ores et déjà les avancées réalisées lors de sa tentative précédente.
Le public a pu suivre la course de SuperHeavy qui est rapidement revenu vers la mer, traversant les couches de nuages à haute vitesse. Trop haute vitesse d’ailleurs... Le Booster 10 a échoué à se stabiliser et n’a réussi à rallumer qu’un des trois moteurs requis pour freiner à temps, il a donc percuté l’océan à haute vitesse. Néanmoins, SpaceX a enregistré de précieuses données de vol pour les prochains essais. Rappelons qu’à terme, il est prévu que SuperHeavy revienne se poser directement sur son site de lancement, attrapé par les bras de la tour de lancement.
Starship passe ses tests en quasi-orbite
Starship de son côté fonçait vers l’orbite, ou presque. À t+8 minutes et 35 secondes de vol, le vaisseau a éteint ses six moteurs (trois adaptés au vide, trois équipés pour le vol atmosphérique), atteignant un peu moins de 26 500 km/h comme prévu. Et malgré les commentaires de SpaceX expliquant qu’il s’agissait d’un vol orbital, il n’en a jamais été question. La trajectoire, balistique, amenait Starship au-dessus de l’Atlantique, puis à survoler l’Afrique avant d’atteindre l’océan Indien et de s’y plonger. Le SN28 a atteint 235 km d’altitude, et durant la demi-heure qu’il a passé dans le vide en impesanteur, les équipes au sol ont réalisé l’une des étapes déterminantes de ce troisième essai : un test de transfert d’ergols entre deux réservoirs. Commandé par la NASA, ce dernier sert à valider les modèles qui permettront un jour à deux Starship de s’accoupler pour disposer assez de carburant pour atteindre la Lune dans le cadre du projet Artemis. Ce test a-t-il réussi ? La NASA en a parlé immédiatement, mais SpaceX dans son communiqué post-vol n'évoque que "l'initialisation" de l'expérience.
Si le profil de vol amenait Starship à ne pas atteindre l’orbite, il s’agissait avant tout d’une garantie de sécurité. SpaceX aurait pu le faire, mais avec 50 mètres de long et 9 mètres de diamètre, il s’agit du plus gros objet d’un seul bloc à voyager au-delà de la Ligne de Karman : il est nécessaire, surtout dans le cadre d’un test comme celui-ci de savoir où ce dernier va traverser l’atmosphère... D’autant plus que SpaceX souhaite à terme récupérer et réutiliser ses Starships. Un allumage de moteur dans le vide spatial était prévu, mais n’a d’ailleurs pas eu lieu lors de ce troisième vol : c’est un problème et c’est définitivement un point à améliorer dans le futur. Un dernier essai, relatif à l’ouverture de la future soute à éjection de satellites Starlink (humoristiquement nommée « trappe pez »), a pour sa part fonctionné comme prévu.
Un feu d’artifice pour terminer l’aventure
Quant au spectacle final, il fut d’une extraordinaire qualité visuelle malgré les problèmes techniques que rencontrait le véhicule spatial. Car non seulement Starship n’a pas rallumé ses moteurs, mais il semble qu’il subissait des problèmes de propulseurs d’orientation : lorsque sa traversée de l’atmosphère a commencé, le vaisseau continuait de tourner sur lui-même sans pouvoir se stabiliser. Ce qui est ennuyeux, car seule une moitié de sa surface est couverte de tuiles thermiques spéciales qui lui permettent de résister à ce terrible environnement, générant de hautes températures et des plasmas que l’on a pu observer sur la diffusion en direct.
Le contact a été perdu à 65 km d’altitude, peu après ce qui ressemblait enfin à une stabilisation grâce à ses surfaces de contrôle, deux ailerons le long de la baie moteur, et deux plans canards à l’avant. S’agissait-il d’un problème lié aux tuiles (certaines avaient visiblement été arrachées au décollage), au contrôle ou autre chose ? Le fait que Starship ait perdu simultanément le contact à travers le réseau Starlink (qui fournissait les images) et les satellites TDRS (qui assuraient la télémesure) pointe sur une désintégration du véhicule autour de 70 à 60 km d’altitude, ce qui est la zone la plus critique pour les rentrées atmosphériques.
Considérant l’ensemble des objectifs des vols de Starship et SuperHeavy, l’administration américaine en charge des vols, la FAA, a immédiatement ouvert une enquête conjointe avec SpaceX, comme ce fut le cas pour les deux premiers vols d’essai. SpaceX a indubitablement progressé une fois de plus, et les étapes réussies sur ce vol constitueraient pour n’importe quel lanceur orbital « classique » une réussite complète. Reste donc les points relatifs à la récupération et la réutilisation, tandis que l’orbite semble désormais à portée de main. Starship devient réalité.
Source : SpaceNews